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Rejet de réclamation d’un contribuable non-résident : Délai prorogé pour agir de 4 mois

Revenant sur sa jurisprudence antérieure, la chambre commerciale de la Cour de cassation juge que le délai d’assignation de 2 mois, à compter de la notification de la décision de rejet d’une réclamation contentieuse, est prorogé de 2 mois pour un non-résident bien que le contribuable domicilié hors de France ait l’obligation de faire élection de domicile en France.

Rappel

Les textes

Tout contribuable qui adresse une réclamation à l’administration fiscale tendant à contester tout ou partie d’un impôt qui le concerne doit, s’il est domicilié hors de France, faire élection de domicile en France (LPF, art. R* 196-1, et R* 197-5).

Par suite, en cas d’action ultérieure, celle-ci doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de 2 mois à partir du jour de la réception de l’avis par lequel l’Administration notifie au contribuable sa réponse à la réclamation (LPF, art. R* 199-1).

Par ailleurs, lorsqu’une demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de 2 mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger, dans tous les cas où il n’est pas expressément dérogé à cette règle (Code de procédure civile, art. 643 et 645).

Rappelons enfin que lorsqu’un acte destiné à une partie domiciliée en un lieu où elle bénéficierait d’une prorogation de délai est notifié à sa personne en un lieu où ceux qui y demeurent n’en bénéficieraient point, cette notification n’emporte que les délais accordés à ces derniers (Code de procédure civile art. 647).

La jurisprudence de la Cour de cassation en matière fiscale

En matière fiscale, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que le délai supplémentaire de 2 mois prévu à l’article 643 du CPC ne s’appliquait pas au réclamant domicilié hors de France, tenu d’élire domicile en France en application des dispositions de l’article R* 197-5 du LPF, et que dès lors, le délai d’assignation de 2 mois ne pouvait être étendu à 4 mois (Com., 19 novembre 1991 n° 1438 D, Sté Soreco AG ; Com., 18 janv. 1994, pourvoi n° 92-12.715, Sté Lorella ; Com., 27 fév. 1996, pourvoi n° 92-18.146 ; Com., 4 juin 1996, pourvoi n° 93-17.693).

L’histoire

En avril 2015, une société étrangère disposant d’une succursale française, a demandé à l’administration fiscale, par voie de réclamation, la restitution d’une partie de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) dont elle estimait s’être acquittée à tort au titre des années 2013 et 2014.

Par décision notifiée le 1er septembre 2015, l’Administration a rejeté sa réclamation. Puis, le 3 novembre 2015 (soit au-delà du délai de 2 mois), la société étrangère a assigné l’administration fiscale aux fins d’obtenir la restitution des droits acquittés. Elle reproche, par suite, aux juridictions du fond d’avoir déclaré irrecevable l’action qu’elle a engagée à l’encontre de la décision de rejet de sa réclamation au motif que son assignation était tardive.

La décision de la Cour de cassation

Dans ce contexte de nature fiscale, la chambre commerciale de la Cour de cassation juge que le délai d’assignation de 2 mois à compter de la notification de la décision de rejet d’une réclamation contentieuse est, en application des dispositions de l’article 643 du CPC, prorogé de 2 mois si le contribuable est domicilié hors de France, bien qu’il ait, conformément aux dispositions de l’article R* 197-5 du LPF, l’obligation de faire élection de domicile en France.

Elle revient ainsi sur sa jurisprudence antérieure en la matière, considérant que ni l’article R* 197-5 du LPF (obligation d’élection de domicile en France), ni aucune autre disposition, ne dérogent expressément à l’application de l’article 643 du CPC (prorogation du délai de 2 mois pour les sociétés étrangères).

Elle précise, en outre, que la notification au domicile élu en France par un contribuable ne constitue pas une notification à sa personne, de sorte que l’article 647 CPC n’est pas applicable (s’inspirant en ce sens des décisions rendues dans des domaines autres que fiscaux : Soc., 7 juill. 1986, pourvoi n° 83-41.808 ; Com., 15 mai 2001, pourvoi n° 98-11.852 ; 2e Civ., 9 sept. 2010, pourvoi n° 09-70.087).

Elle casse et annule la décision de la Cour d’appel de Colmar puis renvoie les parties et l’affaire devant la Cour d’appel de Metz.

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