Aperçu des mesures les plus significatives de la convention signée entre la France et Chypre le 11 décembre 2023. La date d’entrée en vigueur n’est pas encore fixée.
Le 11 décembre 2023, les représentants de Chypre et de la France ont signé une nouvelle convention fiscale qui se substituera à la convention du 18 décembre 1981, actuellement en vigueur, telle que modifiée par le MLI (convention consolidée en vigueur depuis le 1er janvier 2019 pour la France et le 1er mai 2020 pour Chypre).
La France et Chypre devront, une fois les procédures internes de ratification effectuées, se notifier l’accomplissement de ces procédures.
Cette nouvelle convention est, dans les grandes lignes, conforme à la convention modèle OCDE, et très inspirée du texte du MLI (instrument multilatéral visant à mettre en musique les actions issues du plan BEPS en modifiant les conventions bilatérales déjà conclues).
Convention franco-chypriote et MLI
Dès lors que la nouvelle convention fiscale a été signée postérieurement au dépôt par la France et Chypre de leurs instruments de ratification au titre du MLI, elle ne sera pas regardée, en tant que telle, comme couverte par le MLI.
Elle intègre toutefois un certain nombre de dispositions phares du MLI, à l’instar de la clause générale anti-abus du « Principal Purpose test » (art. 7 du MLI, reprise à l’art. 27 de la convention).
La convention inclut, en son article 5 relatif à l’établissement stable, la nouvelle notion d’agent dépendant, susceptible de conduire à la caractérisation d’un établissement stable (personne qui conclut habituellement des contrats, ou joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de contrats, qui de façon routinière, sont conclus sans modification importante par l’entreprise étrangère). Elle comporte également la clause visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable par des accords de commissionnaires.
En revanche, s’agissant des exceptions en faveur d’activités spécifiques (présence d’un établissement stable écarté, par exemple, pour des activités de stockage, d’exposition, ou de livraison de marchandises), la convention n’ajoute pas, de manière systématique pour chacune des activités listées, la condition qu’elle présente un caractère préparatoire ou auxiliaire (et retient donc « l’option B » offerte par l’article 13 du MLI).
S’agissant des dividendes, la convention instaure une période de détention minimale et ininterrompue de 365 jours (cf. art. 8 du MLI), qui, couplée à une détention minimale directe de 5 % de la société distributrice, permettra de bénéficier d’une exonération totale de retenue à la source (art. 10).
La convention prévoit qu’en cas de double résidence d’une personne morale, celle-ci sera considérée comme un résident seulement de l’État où son siège de direction effective est situé (art. 4.3 de la convention, inspiré de l’art. 4 du MLI, au titre duquel la France avait formulé une réserve).
Par ailleurs, la convention contient, à l’article 1.2, des stipulations spécifiques s’agissant des entités transparentes, inspirées de l’article 3 du MLI – sur lequel la France avait pourtant émis une réserve.
La convention comprend, par ailleurs, dans son article 9 relatif aux entreprises associées, l’ajustement prévu par le MLI dans l’hypothèse où un État contractant inclut dans les bénéfices d’une entreprise résidente, des bénéfices sur lesquels une entreprise de l’autre État contractant a déjà été imposée (art. 17 du MLI).
Points d’attention
- Résident ( 4.4) : Si la définition de « résident d’un État contractant » est conforme à celle du modèle OCDE, la convention précise que seront considérées comme résidentes de France, les sociétés de personnes, groupements de personnes ou autres entités analogues :
- dont le siège de direction effective est en France ;
- qui sont assujetties à l’impôt en France ; et
- dont tous les porteurs de parts, associés ou membres sont, en application de la législation fiscale française, personnellement soumis à l’impôt à raison de leur quote-part dans les bénéfices de cette société de personnes ou de cette autre entité analogue.
- Dividendes ( 10) : La nouvelle convention prévoit que les dividendes sont imposables dans l’État de résidence de leur bénéficiaire ainsi que dans l’État de source.
Toutefois, aucune RAS ne pourra être appliquée si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société qui détient directement tout au long d’une période de 365 jours au moins 5 % de la société qui verse les dividendes. La RAS sera plafonnée à 15 % dans tous les autres cas (vs. une RAS de 10 % si le bénéficiaire effectif est une société détenant au moins 10 % du capital du payeur, et 15 % dans les autres cas, prévue par la convention dans sa version actuellement en vigueur).
Notons que la convention retient une définition large des dividendes (revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l’Etat dont la société distributrice est un résident).
- Intérêts ( 11) : Le droit d’imposer les intérêts sera exclusivement attribué à l’État de résidence du bénéficiaire effectif.
La convention actuellement en vigueur prévoit, elle, un partage du droit d’imposer, avec une RAS maximale de 10 %.
- Redevances ( 12) : La convention prévoit un partage du droit d’imposer, mais précise que les redevances provenant d’un État contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre État contractant seront soumises à une RAS ne pouvant excéder 5 % (l’actuelle convention prévoit une RAS plafonnée à 5 % uniquement pour les redevances payées pour l’usage, ou la concession de l’usage de films cinématographiques y compris les films et bandes magnétiques audiovisuelles utilisées pour la télévision).
- Clauses de bénéficiaire effectif ( 10, 11 et 12) : Conformément au modèle de convention fiscale de l’OCDE, la nouvelle convention prévoit au sein de ses articles relatifs aux dividendes, intérêts et redevances des clauses de « bénéficiaire effectif ».
- Gains en capital ( 13) : La convention comprend des dispositions spécifiques aux gains en capital tirés de l’aliénation d’actions, de droits ou de participations dans des entités tirant leur valeur principalement de biens immobiliers. Il est ainsi précisé que les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation d’actions ou de droits ou participations similaires (tels que des droits ou participations dans une société, un trust, une fiducie ou toute autre entité), sont imposables dans l’autre État contractant si, à tout moment au cours des 365 jours qui précèdent l’aliénation, ces actions, droits ou participations similaires tirent directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers situés dans cet autre État (inspiré de l’article 9 du MLI).
En revanche, le droit d’imposition est alloué au pays du cédant en l’absence de prépondérance immobilière (absence de clause de participation substantielle).
- On relèvera enfin l’absence, dans la nouvelle convention, de clause de « participations substantielles » visant à préserver la possibilité d’appliquer l’article 244 bis B du CGI.
Entrée en vigueur de la nouvelle convention franco-chypriote (art. 29)
Avant de pouvoir entrer en vigueur, la nouvelle convention doit être soumise à approbation parlementaire et ratification par la France et Chypre, lesquels devront ensuite mutuellement se notifier l’accomplissement de ces procédures.
La convention entrera en vigueur le lendemain de la date de réception de la dernière de ces notifications, et ses dispositions s’appliqueront [i.e. remplaceront les dispositions prévues par la convention franco-chypriote de 1981, actuellement en vigueur] :
En ce qui concerne la France :
- Pour les impôts sur le revenu perçus par voie de RAS, aux sommes imposables après l’année civile au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur ;
- Pour les impôts sur le revenu qui ne sont pas perçus par voie de RAS, aux revenus afférents à toute année civile/tout exercice commençant après l’année civile au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur ;
- Pour les autres impôts, aux impositions dont le fait générateur intervient après l’année civile au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur.
En ce qui concerne Chypre :
- Pour les impôts perçus par voie de RAS, aux sommes payées ou attribuées à compter du 1er janvier suivant la date à laquelle la convention est entrée en vigueur ;
- Pour les autres impôts, à toute année fiscale ouverte à compter du 1er janvier suivant la date à laquelle la convention est entrée en vigueur.