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Taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance : une aide d’État illégale faute de notification préalable ?

Le Conseil d’État conclut, à l’issue d’un examen circonstancié, que la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, instaurée par la LF 2024, ne constitue pas une aide d’État illégale, à défaut d’avoir été préalablement notifiée à la Commission européenne.

Eléments de contexte

La taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance

La LF 2024 a introduit une taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance (codifiée aux articles L 425-1 et suivants du CIBS), destinée à financer les investissements massifs de l’État dans les infrastructures, notamment ferroviaires.

La nouvelle taxe s’applique aux entreprises dont :

Une fois les 2 seuils dépassés, la fraction des revenus de l’exploitation excédant 120 m€ est soumise à la taxe, dont le taux a été fixé à 4,6 %.

Les modalités de déclaration et de paiement de cette taxe ont été précisées par un décret du 8 février 2024 (n°2024-90, du 8 février 2024). Des commentaires administratifs ont ensuite été publiés au BOFiP, le 12 juin 2024.

Une incompatibilité à la législation européenne en matière d’aides d’État ?

Depuis son adoption, cette taxe a été contestée à plusieurs reprises, et sous plusieurs biais, sans succès (sur la constitutionnalité de la taxe, une 1re fois, par les parlementaires dans le cadre de l’examen de constitutionnalité a priori de la LF 2024, puis une 2de fois dans le cadre d’une QPC – via plusieurs REP formés contre le décret du 8 février 2024).

Le Conseil d’État se prononce à nouveau, cette fois-ci, sous l’angle de la législation européenne relative aux aides d’État.

Plusieurs entreprises exploitant des aéroports arguaient, en effet, que cette taxe constituait (i) une aide d’Etat, en raison des différentes exemptions qu’elle ménageait, liées à la définition de ses paramètres d’assujettissement, (ii) illégale à défaut de notification préalable à la Commission européenne.

La décision du Conseil d’État

Sur la compétence du juge national

Le Conseil d’État souligne d’abord qu’il n’est pas compétent pour juger de la compatibilité d’une aide d’Etat avec le marché intérieur, cette compétence étant dévolue exclusivement à la Commission européenne sous le contrôle de la CJUE.

En revanche, il incombe aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l’illégalité de dispositions de droit national, qui auraient institué ou modifié une telle aide, en méconnaissance de l’obligation préalable de notification à la Commission européenne.

Sur les critères de caractérisation d’une aide d’État

Le Conseil d’État rappelle ensuite que la qualification d’aide d’Etat au sens de l’article 107 du TFUE suppose la réunion des 4 conditions cumulatives suivantes :

La sélectivité de l’aide, requiert, en pratique, de déterminer si la mesure introduit une différenciation entre des opérateurs qui se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable ; si tel est le cas, une telle distinction est toutefois susceptible d’être justifiée si elle résulte « de la nature ou de l’économie du système » dans laquelle la mesure s’inscrit (grille d’analyse dégagée par la CJUE – pour une illustration récente voir CJUE, 8 novembre 2022, C-885/19 P et C-898/19 P, Fiat Chrysler Finance Europe).

Il juge qu’au cas d’espèce, les dérogations prévues par la taxe concernaient des opérateurs placés dans une situation factuelle et juridique distincte (exclusion des oléoducs et gazoducs, exclusion des infrastructures de transport de la région Île-de-France, exclusion de l’aéroport de Bâle Mulhouse, exclusion des contreparties obtenues au titre de la vente d’électricité à des tiers pour le calcul des revenus de l’exploitation des infrastructures de transport longue distance).

Enfin, s’agissant des modalités de calcul du seuil d’assujettissement de la taxe, le Conseil d’État relève que les critères d’assujettissement et d’appréciation des facultés contributives des redevables retenus par le législateur (seuil apprécié au niveau de chaque infrastructure, niveau de rentabilité apprécié sur la moyenne de plusieurs exercices) sont cohérents avec l’objectif de la taxe, qui est de soumettre à une imposition supplémentaire les entreprises exploitant les infrastructures les plus rentables et générant un CA important.

Le Conseil d’État en conclut que le régime de la taxe ne repose pas sur des critères manifestement discriminatoires, pas plus qu’il n’accorde des avantages sélectifs à certains exploitants d’infrastructures de transport.

Dans ce cadre, la taxe ne peut pas être qualifiée d’aide d’État illégale, faute d’avoir été préalablement notifiée à la Commission européenne.

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