Les obligations de transparence en matière d’aides d’Etat ont une réelle portée dont, à l’évidence, ni les autorités en charge de l’allocation et du contrôle des aides, ni leurs bénéficiaires, n’ont véritablement pris conscience.
Si, en effet, l’allocation des aides fait bien l’objet d’une publication par les autorités compétentes dans les conditions prévues ci-dessous, une telle publication ne concerne que trop peu de décisions d’attribution et de régimes d’aides. Or, cette carence fragilise bien évidemment l’attribution des aides au plan juridique dans la mesure où certaines obligations de transparence constituent une condition de la régularité des aides.
S’agissant des bénéficiaires, on relève une certaine hésitation à publier les informations requises, dont certaines peuvent s’avérer sensibles, alors même que cette publication peut favoriser une contestation des aides concernées par des concurrents.
En définitive, il reste aux acteurs concernés à accomplir un travail significatif dans l’identification des obligations de transparence qui leur incombe et de leur contenu précis au cas par cas.
Diverses obligations de transparence doivent être observées dans le cadre de l’octroi d’aides d’Etat.
En effet, par principe, les aides d’Etat sont interdites, et leur octroi ne peut être opéré que conformément aux règles applicables
C’est dans cette optique que la transparence des aides d’Etat joue un rôle fondamental puisque celle-ci permet de vérifier que ce principe est respecté.
Cette importance est illustrée par le considérant 27 du règlement n°651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité qui dispose que certaines obligations de transparence doivent : « constituer une condition de compatibilité de l’aide individuelle concernée avec le marché intérieur ».
Ces obligations de transparence pèsent notamment sur la Commission, les autorités allouant les aides ainsi que sur leurs bénéficiaires.
Au demeurant, ces obligations ont été renforcées par de nouvelles obligations qui sont entrées en vigueur le 1er juillet 2016.
Les règles applicables sont présentées ci-après.
Obligations de transparence concernant la Commission européenne
Obligations concernant les décisions de la Commission européenne en matière d’aides d’Etat
Conformément aux dispositions du règlement n°2015/1589 du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Commission est tenue de publier ses décisions en matière d’aides d’Etat au JOUE.
Obligations concernant les aides exemptées
S’agissant des aides exemptées, la Commission est tenue de publier sur son site Internet :
- les liens renvoyant aux sites Internet dédiés aux aides mis en place par les Etats membres (cf. infra) ;
- les informations succinctes concernant chaque mesure d’aide exemptée par le présent règlement (intitulé, type de mesure, secteur, bénéficiaire, dispositions règlementaires sur la base desquelles la mesure d’aide est mise en œuvre, etc.) ;
- un lien fournissant l’accès au texte intégral de la mesure d’aide, y compris ses modifications, et ce dans les 20 jours ouvrables qui suivent son entrée en vigueur ;
- ainsi qu’un rapport annuel sous forme électronique concernant l’application du Règlement n°651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (RGEC).
A cet effet, les Etats membres (ou l’autorité de gestion désignée à cet effet) sont tenus de communiquer les informations requises à la Commission par l’intermédiaire de la plateforme Transparency Award Module (TAM).
Obligations de transparence concernant les autorités allouant les aides
Obligations de transparence issues du droit européen – règles générales
Contenu des obligations
La règlementation européenne prévoit la publication, sur un site Internet dédié, de certaines mesures d’aide. Le contenu de cette publication est le suivant :
- pour toute mesure d’aide concernée : des informations succinctes (intitulé, type de mesure, secteur, bénéficiaire, dispositions règlementaires sur la base desquelles la mesure d’aide est mise en œuvre, etc.) ainsi qu’un lien vers le texte intégral de la mesure d’aide, y compris ses modifications éventuelles ;
- pour les aides individuelles concernées dont le montant excède un certain seuil : nom du bénéficiaire, identifiant du bénéficiaire, type d’entreprise (PME/grande entreprise) au moment de l’octroi de l’aide, région du bénéficiaire, secteur d’activité, élément d’aide, montant exprimé en monnaie nationale sans décimale, instrument d’aide, date d’octroi, objectif de l’aide, autorité d’octroi, etc.
- s’agissant des aides fiscales concernées : l’Etat doit publier des informations à définir en fonction de fourchettes exprimées en millions d’euros.
Les informations ci-dessus doivent être collectées par les services de l’Etat et communiquées au CGET qui se charge de leur publication sur un site Internet dédié.
Les informations visées au 1 et 2 ci-dessus sont publiées dans les six mois suivant la date à laquelle l’aide a été octroyée. S’agissant des aides fiscales, les informations sont publiées dans l’année qui suit la date à laquelle la déclaration fiscale concernée doit être introduite.
Enfin, toutes les informations mentionnées ci-dessus doivent pouvoir être consultées pendant au moins dix ans après la date à laquelle l’aide a été octroyée. Ce délai de 10 ans correspond à celui pendant lequel la Commission peut demander aux Etats membres qu’ils récupèrent les aides versées en méconnaissance des règles applicables.
Les aides concernées
Les obligations décrites ci-dessus concernent différents types d’aides.
Sont visées, en premier lieu, les aides (régimes d’aide et aides individuelles) accordées sur la base du Règlement n°651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (RGEC) qui prévoit des obligations de publicité pour les mesures d’aide relevant de son champ d’application. Des obligations de publicité plus détaillées sont prévues pour les aides dont le montant excède 500 000 euros.
S’agissant des aides fiscales, ce règlement prévoit que l’Etat doit publier des informations adaptées en fonction de fourchettes exprimées en millions d’euros : 0,5-1, 1-2, 2-5, 5-10, 10-30 et 30 et plus.
Il s’agit, en deuxième lieu, du règlement n°702/2014 du 24 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricoles et forestiers et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du TFUE. Celui-ci prévoit des obligations de publicité pour toute aide relevant de son champ d’application ainsi que des obligations de publicité détaillées pour toute mesure d’aide dont le montant est supérieur :
- à 60 000 euros pour les bénéficiaires actifs dans la production agricole primaire ;
- et à 500 000 euros pour les bénéficiaires actifs dans les secteurs de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, dans le secteur forestier ou exerçant des activités ne relevant pas du champ d’application de l’article 42 du Traité.
En ce qui concerne les aides fiscales, il est prévu que l’Etat doit publier des informations dont le contenu dépend de fourchettes exprimées en millions d’euros : 0,06 à 0,5 uniquement pour la production agricole primaire ; 0,5 à 1 ; 1 à 2 ; 2 à 5 ; 5 à 10 ; 10 à 30 ; 30 et plus. Des obligations équivalentes concernent les aides à finalité régionale en faveur du développement urbain, les aides au financement des risques en faveur des PME, et des aides sociales au transport en faveur des habitants de régions périphériques.
En troisième lieu, le règlement n°1388/2014 du 16 décembre 2014 déclarant certaines catégories d’aides aux entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l’aquaculture compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du TFUE des obligations de publicité pour les aides qui relèvent de son champ d’application ainsi que des obligations de publicité détaillées pour toute mesure d’aide dont le montant est supérieur à 30 000 EUR.
Ce règlement prévoit par ailleurs que l’Etat doit publier des informations adaptées à propos des aides fiscales relevant de son champ d’application en fonction de fourchettes exprimées en millions d’euros : 0,03-0,2 ; 0,2-0,4 ; 0,4-0,6 ; 0,6-0,8 ; 0,8-1.
Des obligations comparables sont également prévues pour les aides relevant d’autres textes (par exemple : encadrement des aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation (JOUE C 198 du 27.6.2014, p. 30).
Obligations de transparence issues du droit européen – focus sur les obligations propres aux aides de minimis
Régime général
Le règlement (UE) n°1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis (règlement de minimis) prévoit différentes obligations de transparence propres aux aides de minimis.
Le paragraphe 1 de l’article 6 prévoit en effet que préalablement à l’octroi d’une aide de minimis, la personne publique concernée doit obtenir du bénéficiaire potentiel une déclaration mentionnant les autres aides de minimis perçues au cours des deux exercices fiscaux précédents et de l’exercice fiscal en cours.
Cette obligation de déclaration a été prise en compte par la circulaire du 14 septembre 2015 relative à l’application du règlement n°1407/2013 de la Commission européenne du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.
Une telle demande est toutefois sans objet dès lors qu’un registre central des aides de minimis contenant des informations complètes sur toutes les aides de minimis octroyées a été mis en place pour une période excédant trois exercices fiscaux.
Enfin, les administrations ont l’obligation de conserver les dossiers d’aides contenant toutes les pièces justificatives concernées pendant un délai de 10 ans, lequel correspond au délai dans lequel la Commission peut demander aux Etats membres qu’ils récupèrent les aides irrégulièrement attribuées (Règlement de minimis, article 6).
Régimes spécifiques
Des obligations comparables sont prévues par les autres règlements de minimis (par exemple, le règlement n°1408/2013 du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture).
Obligations de transparence issues du droit français
Obligation concernant toute autorité administrative attribuant une subvention
La loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (article 10) et son décret d’application (décret n°2001-495 du 6 juin 2001) prévoit qu’une subvention attribuée par une autorité administrative ou un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial dont le montant excède 23 000 Euros doit faire l’objet d’une publication électronique.
Le décret n°2017-779 du 5 mai 2017 relatif à l’accès sous forme électronique aux données essentielles des conventions de subvention, applicable aux conventions conclues à compter du 1er août 2017, est venu préciser que cette obligation de publicité concerne certaines données essentielles qui sont mises à la disposition du public gratuitement sur le site Internet des personnes visées ci-dessus, au plus tard trois mois à compter de la date de signature de la convention.
Ces informations essentielles concernent :
- les informations relatives à l’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel qui attribue la subvention (le nom de l’autorité administrative ou de l’organisme ; son numéro d’inscription au répertoire des entreprises et de leurs établissements prévu à l’article R. 123-220 du Code de commerce ; la date de la convention ; le cas échéant, la référence de l’acte matérialisant la décision d’accorder la subvention) ;
- les informations relatives à l’attributaire de la subvention (le nom de l’attributaire ; son numéro d’inscription au répertoire des entreprises et de leurs établissements, prévu à l’article R. 123-220 du Code de commerce ; dans les cas où la subvention est accordée à plusieurs attributaires au titre d’un même projet, les informations précitées pour chacun des attributaires) ;
- les informations relatives à la subvention (l’objet de la subvention ; le montant de la subvention ; la nature de la subvention ; la ou les dates ou période et les conditions de versement ; si le dispositif est recensé au répertoire des aides aux entreprises, le numéro unique de référencement qui lui a été attribué ; si le dispositif a fait l’objet d’une notification conformément aux dispositions du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis, la mention de l’existence de cette notification ; dans les cas où la subvention est accordée à plusieurs attributaires au titre d’un même projet, la répartition de la subvention entre ces attributaires).
Toutefois, l’autorité ou l’organisme attribuant la subvention n’est pas tenu(e) de respecter cette obligation de publication si celle-ci ou celui-ci adresse dans ce même délai de trois mois les données essentielles à l’autorité compétente en vue de leur publication sur un portail interministériel unique destiné à rassembler et à mettre à disposition librement l’ensemble des informations publiques. Le cas échéant, cette autorité ou cet organisme met à disposition du public, sur son site Internet, un lien vers les données ainsi publiées.
Focus sur les obligations propres aux collectivités territoriales
L’article L.2313-1 du CGCT dispose que les communes de plus de 3500 habitants doivent faire figurer en annexe du budget ou du compte administratif :
- la liste des concours alloués par les communes, sous forme de prestations en nature ou de subventions, cette liste devant être jointe au compte administratif ;
- la liste des organismes au profit desquels la commune : a pris une participation, a garanti un emprunt ou a versé une subvention supérieure à 75 000 euros ou représentant plus de 50 % du budget de l’organisme (doivent figurer en outre différentes informations : nom, raison sociale, nature juridique de l’organisme, nature, montant de l’engagement financier communal), étant précisé que toute personne qui en fait la demande peut également y avoir accès (CGCT, article L.2312-1-1 et L.2121-26) ;
- et un tableau retraçant l’encours des emprunts garantis ainsi que l’échéancier et leur amortissement.
Par ailleurs, selon l’article L.2313-1-1 du CGCT, les comptes des entités aidées sont communiqués aux élus municipaux qui en font la demande, ainsi qu’au représentant de l’Etat et au comptable public.
Ces dispositions sont également applicables aux départements ainsi qu’aux régions (CGCT, article L.3313-1 et L.4312-1).
Par ailleurs, en vertu du principe garantissant une information complète et loyale des élus locaux (CGCT, articles L.2121-13, L.3121-18, L.4132-17 et L.5211-1), il doit notamment être répondu aux demandes particulières d’information des élus concernant les aides. Ont ainsi été sanctionnées par le juge administratif :
- l’absence de communication par un maire de l’état des prêts, avances et créances en faveur d’une entreprise (TA Orléans, 23 novembre 1993, Coenon, JCP G 1994, IV, n°742) ;
- l’absence de communication des budgets des associations subventionnées (CE, 2 février 1996, Commune d’Istres, n°155583), ou de la liste de ces associations (CE, 20 novembre 1996, Commune de Chilly-Mazarin, n°162840) ;
- l’absence de communication d’un rapport établi préalablement au vote d’une subvention à un aéroport (TA Lyon, 6 juillet 2001, Association contre extension et nuisances aéroport Lyon-Satolas, n°9903790) ;
- l’absence de communication des avis négatifs du préfet, du trésorier-payeur général et de la Banque de France concernant un projet de garantie d’emprunt par une commune (CE, 30 juillet 2003, Société Banco di Napoli International SA, n°240664).
Obligations de transparence concernant les bénéficiaires d’aides
La loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations prévoit dans son article 10 diverses obligations à la charge des bénéficiaires de subventions.
Ainsi, les bénéficiaires sont tenus de remettre à l’autorité ayant octroyé la subvention un compte-rendu financier attestant de la conformité des dépenses effectuées à l’objet de la subvention (décret n°2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques, article 3). Ce compte-rendu doit comporter les informations prévues par l’arrêté du 11 octobre 2006 relatif au compte-rendu financier prévu par l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
De même, tout opérateur économique bénéficiaire a l’obligation de déposer en préfecture son budget, ses comptes, la convention de subvention et le compte rendu financier visé ci-dessus (sauf pour les associations ou les fondations) dès lors que le montant annuel de la subvention perçue dépasse 153 000 Euros.
Enfin, la circulaire du 26 janvier 2006 relative à l’application au plan local des règles communautaires de concurrence relatives aux aides publiques aux entreprises prévoit dans son paragraphe 2.2.2 qu’à l’occasion du dépôt d’une demande d’aide publique ou de la signature d’une convention, chaque entreprise est tenue de déclarer à l’administration concernée l’ensemble des aides reçues ou sollicitées pour le projet qu’elle présente et des aides perçues au cours des trois dernières années.