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Contentieux & coronavirus : forces et faiblesses du recours aux modes alternatifs de règlement des litiges

Dans le contexte actuel et en raison notamment des mesures spécifiques prises par le Gouvernement durant la crise sanitaire, la question de l’efficacité du système judicaire revient souvent (délais de traitement des dossiers par les juridictions de plus en plus longs, coûts des procédures, encombrement des tribunaux, etc.) à tel point qu’on peut s’imaginer qu’avant de recourir à la résolution judiciaire de leurs litiges, les entreprises (et les personnes physiques) pourraient favoriser la négociation et les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) ou, terminologie équivalente, des conflits (MARC).

Les modes alternatifs, aux procédures contentieuses devant une juridiction étatique, de règlement des litiges sont nombreux, variés et parfois peu connus (arbitrage, droit collaboratif, procédure participative, médiation ou encore conciliation).

Le choix de la procédure la plus adaptée au conflit en cause suppose de procéder à une balance d’intérêts au cas par cas ainsi qu’à une analyse coût/avantage de chaque procédure alternative.

Pour effectuer l’analyse, passons en revue les principaux avantages et limites des modes alternatifs de résolution des conflits, lesquels concernent d’abord la flexibilité des procédures, leur durée, leur coût et leur confidentialité. A ces critères classiques, il faut ajouter l’existence de certaines modalités spécifiques à un secteur et de modalités automatisées dues à la numérisation qui n’a pas plus épargné cette matière.

L’analyse se fait au regard du cas d’espèce, en ayant à l’esprit qu’un même trait caractéristique d’un mode alternatif peut alors constituer, selon ce cas d’espèce, une force ou une faiblesse. En cette matière, comme ailleurs, il n’y a pas de panacée, pas de baguette magique, mais des outils dont il faut mesurer la pertinence selon la situation et l’objectif poursuivi

1. Des procédures plus flexibles

La caractéristique alternative des MARC provient de ce qu’il s’agit de procédures flexibles et faciles à mettre en place : les parties doivent identifier le tiers en charge d’encadrer (médiateur, conciliateur) ou de trancher (arbitre) le débat, et elles ont une liberté très grande, ou relativement grande, pour organiser le calendrier de la procédure, la tenue des réunions de négociations (qui peuvent être en présentiel ou à distance) ou encore la durée de la procédure.

Dans le cas du droit collaboratif, qui est une méthode de négociation élaborée par des avocats formés au droit collaboratif1, les parties peuvent également faire appel aux services de tiers experts ou de sachants dans des domaines spécifiques pour les aider à résoudre le point en discussion.

De même, les parties sont libres de trouver un accord dans la seule limite du respect de l’ordre public, et donc sans être tenues à la seule application des règles de droit commun.

En revanche, la procédure participative, qui consiste en la signature d’une convention par laquelle les parties s’engagent à régler tout litige pouvant intervenir à l’amiable, avant la saisine du juge, fait l’objet d’un formalisme strict et nécessite presque systématiquement l’assistance d’un avocat.

On retiendra ce point essentiel qui est que le choix de recourir à une procédure alternative de règlement d’un litige plutôt qu’une procédure judiciaire permet de conserver la maîtrise de la procédure et d’avoir une plus grande visibilité sur son issue.

2. Des procédures moins longues/plus dynamiques

Comme les parties sont libres de déterminer le calendrier de la procédure, elles peuvent choisir la durée de la mission des tiers intervenants et ne sont donc pas soumises aux délais imprévisibles, mais toujours longs, de la voie judiciaire.

En ayant recours au droit collaboratif, la durée de la procédure n’excède que rarement un an et avec une procédure d’arbitrage, les arbitres ont généralement entre 6 à 12 mois pour rendre leur décision à compter de la saisine du tribunal (mais ce délai peut être prorogé en cas d’accord entre les parties). Il existe également, selon les cours d’arbitrage, des procédures accélérées voire d’urgence pour adopter des mesures conservatoires par voie d’arbitrage.

En cas de médiation ou de conciliation, la durée est fixée dans l’accord de médiation/conciliation. Une telle clause est importante car sans elle, la durée n’est pas limitée ce qui peut s’avérer être un inconvénient lorsque les parties peinent à trouver un terrain d’entente. Le Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP) estime que la durée moyenne des médiations au CMAP est de 15 heures.

Le point essentiel à retenir est qu’en optant pour un MARL, les parties à un litige savent qu’elles pourront maitriser le temps de la procédure et trouver, dans un délai raisonnable, une solution à leur différend.

3. Des procédures moins coûteuses

Si les MARL ne sont pas nécessairement moins coûteux que les procédures judiciaires, ils présentent toutefois le grand avantage de donner un plus grand contrôle des frais engagés aux parties. En optant pour un MARL, aucune partie ne s’expose généralement à des frais de rédaction d’actes, d’huissier, des coûts de procédure (pas de coûts liés au dépôt ni à la signification des actes de procédure), des coûts inhérents à la résolution judiciaire du litige (pas d’article 700 ni d’appel) et parfois même la procédure peut être gratuite (c’est le cas de la conciliation où le conciliateur est librement choisi par les parties et sa rémunération n’est pas imposée). Le montant des frais engagés est donc généralement connu des parties dès le début des négociations et se limite, entre autres, aux frais de représentations et au frais de procédure et d’homologation d’acte (si cela est nécessaire).

Dans le cas spécifique de l’arbitrage, les frais, plus importants que pour la médiation/conciliation, sont ceux d’arbitrage (honoraires des arbitres et de l’institution éventuellement désignée) et les frais des avocats qui sont librement fixés par les parties. Toutefois, les honoraires des avocats sont en rapport avec l’intérêt du litige et peuvent s’avérer élevés notamment en cas de litiges complexes. De plus, si les parties ont soumis l’arbitrage à une institution, cette dernière peut appliquer des frais d’arbitrage calculés en fonction du montant du litige (plus le montant est élevé, plus les frais le sont). Ces derniers sont néanmoins clairement identifiés et connus à l’avance.

Le point essentiel est donc qu’en matière de MARL les frais sont toujours connus à l’avance et peuvent être anticipés.

4. Des procédures qui doivent être prévues

La loi de modernisation de la justice de 2016, dans l’objectif de désengorger les tribunaux et favoriser un règlement plus rapide des différends, a instauré l’obligation pour les parties à un litige dont le montant est inférieur à 10 000 € de justifier d’une tentative de résolution amiable de leur litige à peine d’irrecevabilité de leur demande contentieuse.

La loi du 23 mars 2019 pour la réforme de la justice permet à tout juge d’enjoindre les parties à un litige à rencontrer un médiateur pour les inciter à recourir à une procédure de médiation.

Cette loi instaure donc une obligation de résolution amiable des litiges préalable à toute saisine du Tribunal Judiciaire (l’ancien Tribunal de Grande Instance) pour toutes les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant et les demandes relatives à un conflit de voisinage.

Si le recours aux MARL est parfois obligatoire, il peut également être imposé contractuellement, ou envisagé par les parties postérieurement à la survenance du différend.

Dans le cas de l’arbitrage, le recours à l’arbitrage peut :

La médiation et la conciliation sont des procédures qui peuvent être judiciaires (décidées par le juge lors d’une instance judiciaire) ou conventionnelles (prévues par le contrat ou décidée par commun accord des parties après la naissance du litige).

Dès la rédaction d’un contrat, il convient d’y insérer soit une clause compromissoire soit une clause qui prévoit le recours préalable à un MARL avant la saisine des juridictions ; la combinaison est également possible, souvent pertinente, au moyen d’une clause dite de « med-arb », combinant médiation, et, en cas d’échec, un arbitrage.

5. Des procédures spécifiques à certains litiges

Suivant l’article 1529 du Code de procédure civile, les litiges pouvant donner lieu à une résolution amiable par voie de médiation et de conciliation sont « les différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ». Il s’agit d’une définition très large pouvant inclure un grand nombre de litiges.

Toutefois, certaines procédures sont spécifiques à un type de litige ou un domaine juridique. A titre d’exemple, la procédure participative ne peut être prévue en matière de droit du travail et l’arbitrage est plus adapté aux litiges commerciaux entre professionnels dont les montants en jeu sont importants.

Le point essentiel à retenir est qu’il convient de s’assurer, avant de songer à recourir à un MARL, que le différend en cause entre dans le champ d’application de la procédure.

6. Des procédures confidentielles

Les MARL sont confidentiels et les tiers à la procédure sont tenus de respecter le secret absolu attaché à leur mission pendant et après la procédure. Par comparaison, une procédure judiciaire est toujours, sauf quelques rares exceptions, publique.

Les modes alternatifs présentent donc l’avantage considérable pour les acteurs économiques qui y ont recours, de ne pas porter atteinte à leur image et de faciliter le maintien des relations d’affaires entre les parties. A l’inverse, les procédures contentieuses peuvent s’avérer nuisibles et avoir des impacts négatifs à la fois sur l’image d’une partie et sur la relation d’affaires (ou la relation de voisinage) entre les parties à la procédure.

Le point essentiel est que les MARL sont confidentiels.

7. Des procédures automatisées

La loi de réforme de la justice promulguée le 23 mars 2019 a ouvert la voie aux services en ligne de médiation, de conciliation ou d’arbitrage : mise en place d’une sentence arbitrale sous forme électronique, encadrement des services en ligne de médiation, conciliation ou arbitrage, mise en place de sanctions en cas de divulgation d’information à caractère secret par les personnes concourant à la fourniture ou au fonctionnement des services en ligne de médiation, de conciliation ou d’arbitrage, etc.

Pour les litiges entre consommateurs et professionnels, l’association d’huissiers de justice spécialisés dans la médiation et le règlement amiable des litiges, Medicys, a créé une plateforme automatisée de résolution de litiges sur tout le territoire national.

Pendant la période de confinement, toute personne intéressée par la médiation pouvait remplir un formulaire gratuitement sur la plateforme qui se charge ensuite de contacter la partie adverse, traiter le dossier, proposer des consultations gratuites avec un huissier de justice, organiser des réunions de médiation par visioconférence, mettre en œuvre la médiation et rédiger la documentation.

De même, de plus en plus de start-ups proposent des plateformes simplifiées de résolution de litiges en ligne (à l’image de la « legaltech » Justice.cool) pour certains types de litiges.

Si ces alternatives ne sont possibles, pour le moment, que pour certains litiges, elles restent une bonne alternative à la voie judiciaire, sont peu coûteuses (dans le cas de la plateforme Medicys, seul le coût du titre exécutoire émis par l’huissier de justice est payant et d’autres plateformes proposent des forfaits), rapides et très souples.

Le point essentiel est que, à ce stade, les procédures alternatives automatisées ne concernent que certains litiges, généralement peu complexes.


1 http://www.avocatparis.org/le-processus-de-droit-collaboratif; https://www.droit-collaboratif.org/.

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