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Taxes locales : Les premiers échos de la décision GKN Driveline

Photo du Conseil d'Etat

Premières décisions du Conseil d’État faisant application de la nouvelle définition donnée par la jurisprudence GKN Driveline de la notion d’outillages, installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels exonérés de taxe foncière.

Par une décision rendue en formation de plénière, le Conseil d’État a expressément opéré un important revirement de jurisprudence en retenant une nouvelle définition de la notion d’outillages, installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels exonérés de taxe foncière (CE plén., 11 décembre 2020 n°422418, Sté GKN Driveline).

Il a abandonné le critère matériel de dissociabilité des immeubles, issu de la décision SAS Les Menuiseries du Centre (CE, 25 septembre 2013, n°357029), non prévu par la loi – et qui conduisait en pratique à élargir l’assiette taxable des établissements industriels, pour la taxe foncière comme pour la contribution foncière des entreprises, et a redessiné les contours du critère fonctionnel.

Désormais, pour pouvoir être exonéré de la taxe foncière sur le terrain du 11° de l’article 1382 du CGI, un bien doit respecter les 3 conditions cumulatives suivantes :

  1. relever d’un établissement industriel au sens de l’article 1499 du CGI 
  2. être spécifiquement adapté aux activités susceptibles d’être exercées dans un tel établissement 
  3. ne pas être mentionné aux 1° et 2° de l’article 1381 du CGI

Le 1° de l’article 1381 du CGI rend passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties les « installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ». Concrètement, il s’agit notamment de hangars, ateliers, réservoirs, cuves, silos, trémies, gazomètres ou châteaux d’eau.

Le 2° de l’article 1381 du CGI concerne quant à lui « les ouvrages d’art et les voies de communication ».  Il s’agit selon la doctrine administrative des constructions destinées à assurer les communications sur terre, sous terre, par fer, par air et par eau (ponts, quais, viaducs, conduites forcées, voies ferrées, routes, pistes cimentées, etc.) ainsi que des chutes d’eau aménagées avec leurs ouvrages de génie civil (BOI-IF-TFB-10-10-20, 22 mai 2019, § 110).

Quelques mois après cette décision, le Conseil d’État a décidé le 22 mars 2021 d’admettre un pourvoi portant sur un litige où de nombreuses immobilisations étaient en cause. Il a ensuite réglé plusieurs affaires le 16 avril 2021.

De nombreux enseignements peuvent en être tirés, à la fois sur la méthode de raisonnement et sur le type d’immobilisations susceptibles d’être exonérées.

En ce qui concerne le raisonnement juridique, le Conseil d’État réitère, avec pédagogie, les règles énoncées dans sa décision de plénière.

Ainsi, un juge du fond (Tribunal administratif ou Cour administrative d’appel) commet une erreur de droit lorsque, saisi d’un litige consistant à déterminer si un bien peut bénéficier de l’exonération prévue au 11° de l’article 1382 du CGI :

La Haute juridiction précise par ailleurs, ce qui ne faisait aucun doute, que les biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu du 11° de l’article 1382 du CGI ne sont pas compris dans les bases de la cotisation foncière des entreprises (CE, 16 avril 2021, n°419908, SAS Pâtisserie Pasquier Cerqueux).

En ce qui concerne le type d’immobilisations susceptibles d’être exonérées, le Conseil d’État ébauche quelques pistes.

En 1er lieu, une décision d’admission de pourvoi ne fait bien sûr pas jurisprudence, mais on relèvera avec intérêt que, pour une verrerie, le Conseil d’État a admis le pourvoi pour des cuves de stockage, un réseau informatique, un système de sécurité-incendie, un système de traitement de l’air et des murs anti-bruit (CE, 22 mars 2021 n°427551, SA VOA Verrerie d’Albi). La solution qui sera rendue est très attendue.

En 2e lieu, le Conseil d’État a décidé de renvoyer aux juges du fond le soin de se prononcer sur un tableau général basse tension, une installation électrique générale et une climatisation industrielle, pour une entreprise de fabrication de pâtisseries fraîches ou surgelées destinées à la restauration collective ou à la distribution en grandes surfaces (CE, 16 avril 2021, n°419908, SAS Pâtisserie Pasquier Cerqueux). Là encore, il faudra faire preuve d’encore un peu de patience.

Enfin, il faut saluer l’application positive de la décision GKN Driveline dans l’affaire SAS Décoration Protection des Métaux. En effet, le Conseil d’État a jugé l’affaire au fond et a admis l’exonération de taxe foncière pour plusieurs biens (CE, 16 avril 2021, n°432786, SAS Décoration Protection des Métaux).

La Haute Assemblée précise que le tableau général basse tension et ses câbles d’alimentation assuraient la fourniture en courant électrique des lignes de production de l’établissement qui, eu égard à son activité de traitement de surface des métaux, notamment par galvanoplastie, requérait une alimentation électrique spécifique. Il ajoute qu’un transformateur électrique d’une puissance de 1250 kilowatts, alimenté en courant électrique de tension 20 000 volts, transforme en courant électrique de tension 400 volts afin de répondre aux besoins particuliers en électricité de l’établissement de la société. Il en déduit que ces biens sont spécifiquement adaptés à l’activité exercée.

Les praticiens du droit fiscal ont perçu, à la lecture de la décision GKN Driveline, les opportunités contentieuses qu’elle comportait (Pour une réflexion sur la portée de cette décision GKN Driveline, nous renvoyons à l’étude publiée dans la revue Droit fiscal : S. Rudeaux, Exonération de taxe foncière des biens spécifiques aux activités industrielles ou assimilées : l’édifice jurisprudentiel, récemment clarifié par la décision GKN Driveline, devra encore être consolidé : Dr. fisc. 2021, n°7‑8, étude 147). Les décisions récentes du Conseil d’État confortent leur analyse.

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