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Aides d’état et régime fiscal espagnol d’amortissement du goodwill : La CJUE sonne le clap de fin !

Les affaires relatives au régime fiscal espagnol de l’amortissement du goodwill sont de nouveau portées devant la CJUE : elle rejette les pourvois dirigés contre les arrêts du Tribunal de l’UE et confirme la qualification de la mesure en aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

Contexte

La loi espagnole admet depuis 2001 la déduction de l’assiette de l’IS, sous forme d’amortissement, de la survaleur financière résultant d’une prise de participations d’au moins 5 % d’une entreprise résidente dans une société étrangère, sous réserve que cette participation reste ininterrompue pendant au moins un an.

Toutefois, ce régime ne s’applique pas aux prises de participations dans des sociétés espagnoles.

Par les décisions du 28 octobre 2009 et du 12 janvier 2011, la Commission a déclaré que cette mesure fiscale constituait un régime d’aides incompatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107 du TFUE et a imposé à l’Espagne de récupérer les aides accordées (Décisions 2011/5/CE de la Commission, du 28 octobre 2009, C-45/07 et 2011/282/UE de la Commission, du 12 janvier 2011, C-45/07).

Saisi de plusieurs recours en annulation par des entreprises espagnoles, le Tribunal de l’UE a annulé ces décisions et considéré que la Commission n’avait pas établi le caractère sélectif, nécessaire à la qualification d’aide d’État, de la mesure fiscale en cause (arrêts du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission, T-219/10, et Banco Santander et Santusa/Commission, T‑399/11).

Par suite, la Cour a annulé les arrêts du Tribunal de l’UE estimant, en substance, que ceux-ci reposaient sur une conception erronée de la condition de sélectivité d’un avantage, et renvoyé les affaires devant lui (CJUE 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C-20/15 P et C-21/15 P).

Puis, le Tribunal de l’UE a confirmé, par décision de renvoi, le caractère sélectif de la mesure fiscale en cause et a rejeté les recours en annulation introduits contre les décisions litigieuses (arrêts du 15 novembre 2018, Banco Santander/Commission, T-227/10, Sigma Alimentos Exterior/Commission, T-239/11, Axa Mediterranean/Commission, T-405/11, Prosegur Compañía de Seguridad/Commission, T-406/11, World Duty Free Group/Commission, T-219/10 RENV, et Banco Santander et Santusa/Commission, T-399/11 RENV).

Des pourvois ont été ensuite interjetés par les entreprises espagnoles et par le Royaume d’Espagne.

Décisions

La CJUE, réunie en grande chambre, rejette par 6 arrêts les pourvois ainsi déposés et précise sa jurisprudence en matière de sélectivité de mesures fiscales.

Pour mémoire, les dispositifs fiscaux peuvent notamment être qualifiés d’aides d’État lorsque les 4 critères suivants sont remplis : (1) une aide accordée à une entreprise, (2) par un EM au moyen de ressources publiques, (3) procurant un avantage sélectif, (4) et affectant les échanges entre EM et la concurrence.

À cet égard, la Cour rappelle que la caractérisation de la sélectivité d’une mesure fiscale implique la mise en œuvre de 3 étapes :

  1. Identifier le régime fiscal commun ou normal applicable dans l’État membre (système de référence).
  2. Démontrer que la mesure fiscale en cause constitue une dérogation à ce régime commun en ce qu’elle institue une différence de traitement entre des entreprises se trouvant au regard de l’objectif poursuivi par le régime normal, dans une situation factuelle et juridique comparable.
  3. Vérifier si cette différence de traitement est justifiée par la nature ou l’économie du système dans lequel elle s’inscrit.

Pour trancher du litige, la Cour relève que l’examen de comparabilité de la 2e étape doit être réalisé au regard de l’objectif du système de référence (i.e., impôt sur les sociétés), et non de celui de la mesure litigieuse. A ce titre, la Cour conclut que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en constatant que les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non-résidentes se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le traitement fiscal de la survaleur, dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes. La mesure litigieuse introduisait donc bien une dérogation au régime normal sans qu’aucun argument pertinent n’ait justifié cette différence de traitement.

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