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Notion de sociétés liées au sens du 39,12 du CGI

Cour d'appel de Versailles

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La CAA de Versailles juge qu’une société doit être regardée comme exerçant de fait un pouvoir de décision sur une autre entreprise au sens des dispositions de l’article 39,12 du CGI, y compris lorsque ce pouvoir est exercé de manière conjointe avec une autre entreprise.

Rappel

Le taux maximal des intérêts déductibles servis aux associés est égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d’une durée initiale supérieure à 2 ans (CGI, art. 39, 1-3°, al.1).

Il peut toutefois être substitué à ce taux légal celui que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements financiers indépendants dans des conditions analogues, s’il est supérieur (CGI, art. 212, I-a), dès lors que les sociétés emprunteuse et prêteuse sont liées au sens des dispositions de l’article 39, 12 du CGI. Rappelons qu’il est également possible, pour la détermination de ce taux de marché, de s’appuyer sur des comparables issus du marché obligataire (principe posé dans un avis du Conseil d’État du 10 juillet 2019, n°429426 et 429428, SAS Wheelabrator, confirmé à de nombreuses reprises depuis).

Au sens de l’article 39,12 du CGI, des liens de dépendance sont réputés exister entre 2 entreprises :

L’histoire

En 2007, le groupe OGF a fait l’objet d’une prise de contrôle réalisée conjointement par le fonds financier Astorg et le groupe General Electric (GE) via la création d’une JV constituée pour l’occasion. Cette JV, le management de la cible ainsi qu’une autre société ont constitué une holding de reprise laquelle a acheté les titres de la société OGF.

Pour financer l’acquisition, la holding de reprise a procédé à l’émission, dans le cadre d’un emprunt obligataire convertible, d’obligations portant intérêt à hauteur de 9 %, souscrites par tous les investisseurs actionnaires de la holding de reprise.

La holding de reprise a déduit (au titre des exercices 2012 à 2014) les intérêts servis à l’ensemble des titulaires des obligations, en faisant application du taux de marché déterminé sur le fondement des dispositions de l’article 212, I du CGI.

L’Administration a remis en cause la déductibilité d’une partie de ces intérêts.

Si elle ne contestait pas le taux de marché appliqué, elle a toutefois remis en cause la déductibilité des intérêts versés à certains investisseurs, dont les entités GE, considérant que ces dernières ne pouvaient être regardées comme des sociétés liées à la holding de reprise au sens des dispositions de l’article 39,12 du CGI.

La décision de la Cour d’appel de Versailles

Le critère du contrôle de droit n’était pas satisfait en l’espèce, la holding de reprise étant détenue à 61 % par la JV mise en place entre le groupe GE (détention à hauteur de 29 %) et le Fonds Astorg (détention à hauteur de 71 %). Les entités du groupe Astorg disposaient, en outre, de plus de 50 % des sièges du comité de direction au sein de la holding de reprise.

Le groupe GE arguait toutefois qu’il disposait d’un pouvoir de décision de fait, conjointement avec le groupe Astorg, via la JV constituée. Il se référait, devant le juge, à la notion d’action de concert retenue par les articles L. 233-3 et L. 233-10 du Code de commerce.

Si les dispositions de l’article 39,12 du CGI ne renvoient pas à ces dispositions du Code de commerce (contrairement aux dispositions de l’article 223 B, al. 6 du CGI, pour l’application du dispositif de l’amendement Charasse), la CAA de Versailles admet de procéder à l’examen de l’existence d’une éventuelle action de concert au cas d’espèce.

Autrement dit, elle admet qu’un pouvoir de décision de fait au sens de l’article 39,12 du CGI puisse être exercé conjointement.

Toutefois, dans l’affaire en cause, la Cour considère qu’il n’y avait pas de contrôle conjoint, le groupe Astorg disposant, au sein de la JV, de 2 voix sur 3 au comité de direction (contre une seule voix pour le groupe GE), étant précisé que les décisions importantes y étaient prises à la majorité simple. Si le groupe GE disposait d’un pouvoir de véto, celui-ci était en pratique extrêmement limité.

Aussi, la Cour en conclut que seules les entités du groupe Astorg disposaient effectivement d’un pouvoir de décision sans contrainte particulière au sein de la holding de reprise via la JV et écarte l’existence d’un pouvoir de décision de fait conjoint entre le groupe Astorg et le groupe GE.

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