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Conditions de restitution d’une RAS sur dividendes versés à une société non-résidente déficitaire (pré-LF 2020)

Photo du Conseil d'Etat

Le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles une société non-résidente doit établir sa situation déficitaire afin d’obtenir la restitution de la RAS prélevée sur des dividendes de source française (dans le cadre d’une réclamation « Sofina », avant l’intervention de la LF 2020).

Rappel

Les dividendes de source française versés à des non-résidents sont, en principe, soumis à une RAS de droit interne (25 % à compter du 1er janvier 2022), ce taux peut être réduit par le jeu d’une convention fiscale internationale.

La CJUE a cependant jugé en 2018 que cette retenue à la source était incompatible avec la liberté de circulation des capitaux dans l’hypothèse où l’actionnaire étranger est en situation déficitaire. En effet, dans ce cas, une société étrangère qui acquitte une retenue à la source au taux conventionnel sur les dividendes qu’elle reçoit de sociétés françaises et dans lesquelles elle détient une participation inférieure à 5 % subit un désavantage de trésorerie par rapport à une société déficitaire française, (aff. C-575/17, 22 novembre 2018, Sociétés Sofina, Rebelco et Sidro).

En conséquence, le législateur a introduit un mécanisme de restitution temporaire de RAS en faveur des non-résidents se trouvant en situation déficitaire (LF 2020 art. 42, article 235 quater du CGI).

Ainsi, pour tout exercice ouvert à compter du 1er janvier 2020, le législateur a donné aux sociétés étrangères déficitaires la possibilité d’obtenir, sur demande, la restitution temporaire de la RAS prélevée sur des dividendes de source française.

Pour bénéficier du dispositif, le résultat fiscal de la société étrangère doit être déficitaire au titre de l’exercice de perception ou de réalisation des revenus et profits concernés. Il convient de préciser que, pour l’appréciation de cette condition, le résultat fiscal est calculé selon les règles applicables dans l’État de résidence de la société étrangère, en tenant compte des dividendes dont l’imposition fait l’objet d’une demande de restitution de RAS.

Ces dispositions s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020, étant précisé que les RAS acquittées avant cette date sont couvertes par le droit à réclamation (Rapport AN n°2301, p. 534).

C’est dans ce contexte que vient de se prononcer le Conseil d’État.

L’histoire

Au titre des exercices 2011 à 2014, une société luxembourgeoise a perçu des dividendes de source française, pour lesquels elle a acquitté une RAS au taux de 15 % (par application des dispositions de la convention franco-luxembourgeoise). Se trouvant en situation déficitaire au titre des exercices considérés, elle a sollicité la restitution des retenues à la source auprès de l’administration fiscale française.

Les juges du fond ont fait droit à sa demande.

La décision

Si le Conseil d’État ne remet pas en cause le droit à restitution de la société, il juge cependant que les éléments de preuve apportés pour attester de sa situation déficitaire sont insuffisants.

Il confirme, en premier lieu, que la situation déficitaire de la société étrangère doit être appréciée au regard de la législation de son État de résidence (voir aussi CE, 27 février 2019, n°398662, tirant les conséquences de la décision de la CJUE), en tenant compte des dividendes dont l’imposition fait l’objet de la demande de restitution au titre de l’exercice et, lorsque la législation de l’État de résidence autorise le report des déficits, des éventuels dividendes ayant ouvert droit à une restitution au titre des exercices antérieurs (rédaction très inspirée de l’article 235 quater du CGI).

En revanche, c’est à la société de fournir les éléments attestant de l’existence de résultats déficitaires.

En l’espèce la société luxembourgeoise avait seulement produit une attestation d’un cabinet d’expertise comptable indiquant que, « sur la base des déclarations fiscales remises aux autorités compétentes », la société était en « situation fiscale déficitaire pour les années d’imposition 2009 à 2016 (après imputation des pertes fiscales reportables le cas échéant) ». Le Conseil d’État juge ces éléments insuffisants, faute d’être étayés par d’autres pièces.

La solution nous semble présenter de l’intérêt non seulement pour les réclamations contentieuses pré-LF 2020, mais également pour les demandes formées depuis 2020 sur le fondement des dispositions de l’article 235 quater.

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