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Convention de cash pool : rémunération des sommes mises à disposition en cas de taux de référence négatif

Pour apprécier le taux de rémunération qui en résulte, le Conseil d’État juge qu’il y a lieu de rechercher si la société a agi conformément à son intérêt, en concluant la convention de gestion de trésorerie en ces termes à la date de sa conclusion, ainsi que d’analyser les obligations qui en découlent pour elle au cours des années en litige.

Rappel

Les prêts sans intérêts accordés par une entreprise ne relèvent pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages l’entreprise a agi dans son propre intérêt.

L’Administration est réputée apporter la preuve de cet acte anormal dès lors que l’entreprise n’est pas en mesure de justifier qu’en consentant un tel avantage elle a bénéficié en retour de contreparties (CE, 26 février 2003, Sté Pierre de Reynal et Cie, n°223092 ; CE, 29 octobre 2012, Sté First International Production, n°326813 et CE, 23 janvier 2015, Sté Ferrari et Cie, n° 365525).

L’histoire

Le financement des entités européennes d’un groupe américain était organisé depuis la centrale de trésorerie localisée en Allemagne. Ainsi, par application d’une convention de gestion de trésorerie centralisée (« cash-pool ») de 2009, une filiale française déposait ses excédents de trésorerie auprès de la société allemande, lesquels étaient rémunérés sur la base du taux de référence interbancaire EONIA minoré de 0,15 points.

Au titre des exercices 2012 et 2013, les parties ont fixé ce taux de rémunération à 0 %, l’application de la formule prévue par la convention de gestion de trésorerie aboutissant à une rémunération négative du fait de l’évolution de l’EONIA.

A l’issue d’une vérification de comptabilité de la société française, portant sur les exercices 2012 et 2013, l’administration fiscale a remis en cause le caractère normal de cette rémunération nulle (par référence au taux moyen de rémunération des dépôts à vue calculé par la Banque de France compris entre 0,14 % et 0,16 %) et en a tiré les conséquences en matière d’impôt sur les sociétés et de retenue à la source.

La société n’a pas obtenu gain de cause devant les juges du fond.

Décisions

Le Conseil d’État relève que la Cour d’appel, afin de juger que la société française avait consenti à la société allemande une libéralité en renonçant à percevoir une rémunération en contrepartie de ses dépôts des excédents de trésorerie, s’est fondée sur les éléments suivants :

Dès lors, le Conseil d’Etat reproche à la Cour, pour l’application de l’article 57 du CGI, de ne pas avoir pris en considération le fait que ce taux de rémunération nul résultait de l’application de la formule de taux prévue par la convention de gestion de trésorerie que les parties ont fait le choix de limiter à un résultat non négatif, et de ne pas avoir recherché si les sociétés françaises avaient agi conformément à leur intérêt en la concluant en ces termes au moment de sa signature, ni quelles étaient les obligations qui en découlaient pour elle au cours des années en litige.

Autrement dit, le Conseil d’État juge qu’aux termes de l’article 57 du CGI la Cour ne pouvait se contenter de démontrer que la société française a consenti à la société allemande une libéralité en renonçant, au titre des années d’imposition, à percevoir une rémunération en contrepartie du dépôt de ses excédents de trésorerie à son profit.

Selon le rapporteur public : « […] il fallait donc que la cour précise le raisonnement, en saisissant le cas échéant, chez la société, une volonté de s’appauvrir, née ultérieurement, et résultant de son abstention à résilier, renégocier ou réviser la convention, à compter du moment où la politique de taux de la BCE a eu un impact sur le taux des dépôts interbancaires, dans des conditions bouleversant l’équilibre initial du contrat, eu égard aux clauses de la convention […] ».

La Cour d’appel de Versailles devra à nouveau se prononcer tant sur les conséquences en termes d’impôt sur les sociétés que de retenues à la source.

L’avis du praticien : Benjamin Conort 

La décision du Conseil d’État illustre la nécessité d’étudier l’ensemble des faits et des circonstances d’une transaction intragroupe pour en apprécier le prix. Cette décision est, à cet égard, particulièrement cohérente avec les dernières recommandations de l’OCDE en matière de prix de transfert et notamment en ce qui concerne les gestions centralisées de trésorerie. Ainsi, la détermination d’un prix (au cas d’espèce un taux d’intérêt) doit être analysée selon le contexte de la transaction, le contrat conclu entre les parties étant un point de départ.

Au-delà du débat sur la pertinence des taux de dépôt à vue au cas d’espèce, l’Administration n’a pas apporté les éléments démontrant que la société française avait effectivement cherché à s’appauvrir manquant ainsi à la deuxième condition prévue à l’article 57 du CGI.

On ne peut donc que recommander la préparation d’une analyse fine des transactions intragroupe. La réalisation de benchmarks seuls n’étant pas suffisante, il est indispensable qu’une documentation complète soit produite afin de fournir l’ensemble des éléments contextuels permettant d’apprécier le caractère de pleine concurrence de la transaction concernée.

 

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