Par un arrêt du 5 juin dernier, le Conseil d’Etat, suivant les commentaires du rapporteur public nous livre une analyse in concreto des indices positifs permettant d’établir que le gain réalisé par salarié et/ou dirigeant lors de la cession des actions d’une société du groupe où il exerce ses fonctions a bien la nature d’un revenu d’investissement et non d’un complément de rémunération.
Il s’agissait au cas d’espèce d’une promesse d’achat d’actions, consenti à un dirigeant, moyennant le versement d’une prime, cinq ans après leur acquisition, à un prix minimum de rachat.
Pour le Conseil d’Etat, l’option d’achat ne conduisait à aucun effet d’alignement entre l’investissement professionnel du contribuable et le gain éventuel pouvant être tiré ultérieurement de l’exercice de cette promesse. Preuve en est, cette option pouvait être exercée même si le contribuable avait entretemps quitté ses fonctions.
S’appuyant sur les circonstances de faits, les juges relèvent que cette promesse avait été accordée à la suite d’un désaccord au sein de l’actionnariat sur une offre d’achat du groupe et, donc, que cette promesse n’avait pas pour effet de garantir un gain d’exercice « quasi certain ».
Les juges en concluent que le gain correspondant au complément de prix versé en application de la promesse ne constituait pas la contrepartie des fonctions de dirigeant salarié du contribuable et que, dès lors, il n’était pas imposable à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.
Le Conseil d’Etat fait ici une application fidèle des principes juridiques dégagés dans les trois arrêts du 13 juillet 2021 rendus en assemblée plénière, avec une démonstration intéressante de la nature du gain réalisé par un dirigeant investissant dans la société où il exerce des fonctions.
Cette décision est la bienvenue en tant qu’elle propose, cette fois-ci des indices positifs en faveur de la qualité d’actionnaire. Comme le souligne le rapporteur public, « la circonstance que les actionnaires minoritaires bénéficiaires de la promesse soient par ailleurs des dirigeants apparait ici contingente ».
Ainsi, après une analyse circonstanciée de la situation, le Conseil d’Etat reconnait que la garantie de prix de cession minimum d’actions en application d’une promesse d’achat ne constitue pas forcément un avantage lié à l’exercice des fonctions de salarié du cédant. C’est bien pour compenser une perte de chance due à un conflit entre actionnaires, que la promesse avait été signée.
Cet arrêt apporte un peu d’apaisement à tous les salariés et dirigeants qui ont investi au capital social de sociétés au sein desquelles ils exercent des fonctions et qui pouvaient craindre que l’indice en faveur de la qualité d’actionnaire ne soit jamais reconnu en jurisprudence.
Si nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision, il nous semble toutefois que la qualification des indices retenus reste à apprécier in concreto investissement par investissement et, peut-être, actionnaire individuel par actionnaire en individuel. En effet, seule une étude circonstanciée permettra de déterminer si les gains réalisés doivent être regardés comme des revenus d’investissement ou des compléments de rémunération.
Nous attendons avec impatience l’arrêt de renvoi qui conclura cette affaire.