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Nouvelle procédure de reconstitution des capitaux propres : preuve que l’art est difficile !

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La loi n°2023-171 du 9 mars 2023 portant « diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture », dite «  loi DDADUE 3 », et le décret d’application n°2023-657 du 25 juillet dernier sont venus modifier le Code de commerce (article L. 225-248 pour les sociétés par actions et L. 223-42 pour les SARL) s’agissant de l’obligation pour les sociétés de reconstituer leurs capitaux propres lorsque ceux-ci sont devenus inférieurs à la moitié de leur capital social.

L’ancien régime

En cas de pertes excessives conduisant à constater un niveau de capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social, une société avait 2 ans suivant l’exercice au cours duquel la constatation des pertes était intervenue pour réduire son capital d’un montant au moins égal à celui des pertes n’ayant pas pu être imputées sur les réserves, si ses capitaux propres n’avaient pas été reconstitués durant cette même période.

A l’issue de ce délai de 2 ans, tout intéressé pouvait « demander en justice la dissolution de la société ».

Ce risque de nullité, dont il semble qu’il fut resté très théorique, est un choix que fit le législateur français lorsqu’il a transposé les dispositions de la directive de 1976 sur le capital social (aujourd’hui logée dans la directive « dite sociétés », texte de codification, dir. (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017). Celle-ci, harmonisant divers aspects du droit des sociétés par actions, n’imposait pas la dissolution, se bornant à demander aux États membres de prévoir que « en cas de perte grave du capital souscrit, l’assemblée générale doit être convoquée dans un délai » fixé par chaque État « afin d’examiner s’il y a lieu de dissoudre la société ou d’adopter toute autre mesure ».

Le droit de l’Union n’impose donc pas une dissolution, encore moins demandée par tout intéressé. C’est pourtant cette « surtransposition » (résultant d’une décision exclusivement française) qui est au cœur de la difficulté.

La réforme entreprise vise à assouplir les modalités de régularisation de la situation capitalistique, notamment pour éloigner le risque d’une action en dissolution de la société. Étrangement, le résultat est un nouveau dispositif très complexe… et un risque maintenu de dissolution à la demande de tout intéressé.

Nouveau régime

La loi ajoute une étape supplémentaire au dispositif préexistant : si la société n’a pas reconstitué ses capitaux propres dans le délai requis de 2 ans et que son capital est supérieur à 1 % du total du bilan de la société constaté lors de la dernière clôture d’exercice, la société devra dorénavant réduire son capital pour le ramener à une valeur inférieure ou égale à ce seuil, dans un nouveau délai dont le terme est fixé à la clôture du 2e exercice suivant celui fixé pour le terme du premier délai de régularisation.

Ce n’est qu’en l’absence de réduction du capital à un niveau égal ou inférieur au « seuil réglementaire » (seuil glissant fixé par le décret aux articles R. 223-37 (SARL) et R. 225-166-1 (SAS et autres sociétés par actions) du Code de commerce) à l’expiration de ce nouveau délai que la dissolution pourra être prononcée à la demande de tout intéressé (article L. 225-248, al.6, Code de commerce).

En conséquence, les sociétés disposent désormais d’un délai de régularisation allongé à 4 exercices comptables dans le cas où elles n’auraient pas régularisé la situation au bout de 2 ans.

Sur le seuil de 1 % du total du bilan de la société : ce seuil s’applique aux SARL (article R. 223-37, Code de commerce) et aux sociétés dont les dispositions législatives et règlementaires n’imposent pas un capital social minimal, comme dans les SAS (article R. 225-166-1, a, Code de commerce).

Pour les autres sociétés, le seuil est fixé à la valeur la plus élevée entre 1 % du total du bilan de la société, constaté lors de la dernière clôture d’exercice, et le montant de capital social minimal associé à sa forme sociale (article R. 225-166-1, b, Code de commerce).

Selon des observateurs, le législateur poursuit l’objectif « de permettre que le capital social soit réduit à une valeur permettant de ne pas donner aux tiers l’idée d’une surface financière qui soit trop décorrélée de la réalité » sans pour autant imposer qu’il soit réduit du montant de la totalité des pertes, voire à zéro, ou au montant minimum exigé par la loi dans les sociétés anonymes et les commandites par actions (Professeur Hervé Le Nabasque dans la Revue Droit bancaire et financier n°3-2023 repère 3).

Le résultat est un dispositif redoutablement alambiqué et qui ne supprime pas le risque, certes théorique, d’une dissolution à la demande de tout intéressé… au bout de quatre années. Un risque repoussé demeure… un risque !

 

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