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Provisions pour dépréciation d’immobilisations et connexion fiscalo-comptable

La CAA de Bordeaux juge que la provision pour dépréciation d’un fonds de commerce n’est déductible du résultat fiscal que si elle est constituée conformément aux règles comptables, et donc s’il existe un écart significatif entre la valeur actuelle du fonds – définie comme la plus élevée de sa valeur vénale ou de sa valeur d’usage – et sa valeur nette comptable.

Rappel

Pour mémoire, au plan fiscal, la déductibilité d’une provision est notamment subordonnée à sa constitution dans les écritures de l’exercice, conformément aux prescriptions comptables (CGI, art. 39, 1, 5° et CGI, ann. III, art. 38 quater).

Comptablement, il résulte de l’article 214-6 du PCG que la passation de l’écriture comptable correspondant à la dépréciation d’un élément d’actif est subordonnée à ce que la valeur actuelle de cet élément d’actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d’usage, soit devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable (VNC). En conséquence, au plan comptable, si la valeur d’usage reste au-dessus de la VNC, il n’y a pas lieu de constater une dépréciation de l’immobilisation au seul motif que sa valeur vénale aurait, en revanche, fortement diminué.

Selon le PCG, la valeur d’usage correspond à l’estimation des avantages économiques futurs attendus de l’utilisation de l’actif et de sa sortie, c’est-à-dire de la valeur actualisée des flux nets de trésorerie attendus de l’actif.

L’histoire

En 2006, une société est constituée en vue d’exploiter une pharmacie dont elle acquiert à cette date le fonds de commerce comprenant des éléments incorporels et corporels.

En 2012, l’associé unique de cette société en cède l’intégralité des parts. A cette occasion, les éléments incorporels du fonds de commerce sont contractuellement évalués à un montant plus faible que celui retenu lors de leur acquisition en 2006.

A la clôture de l’exercice 2012, une provision pour dépréciation de fonds de commerce, correspondant à la baisse de valorisation des éléments incorporels du fonds entre 2006 et 2012, est constatée, et déduite fiscalement.

A l’occasion d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2015 et 2016, l’Administration a considéré que la constitution de cette provision était irrégulière, et l’a rapportée aux résultats du 1er exercice non prescrit, soit 2015.

Elle estimait, en effet, que la société n’apportait aucun élément de nature à établir qu’en 2012, la valeur actuelle du fonds de commerce était devenue notablement inférieure à sa VNC.

La décision de la CAA de Bordeaux

Les juges d’appel confortent la position de l’Administration.

Sur l’absence de baisse notable de la valeur actuelle du fonds de commerce au titre de l’exercice de constitution de la provision (2012)

La CAA se fonde sur les éléments suivants :

La Cour en conclut que la cession des parts de la société, même calculée en fonction d’une baisse estimée de la valeur des éléments incorporels du fonds de commerce, ne traduit pas, en elle-même, une diminution corrélative de la valeur d’usage du fonds de commerce, que la société a pu continuer à exploiter dans les mêmes conditions, postérieurement au changement d’associés.

Sur l’absence de dépréciation effective du fonds de commerce entre les exercices 2012 et 2015

La société tentait de faire valoir, à titre subsidiaire, qu’à supposer que la constitution de la provision soit regardée comme n’étant pas justifiée en 2012, elle le serait devenue à la clôture de l’exercice 2015.

Là encore, la CAA de Bordeaux rejette l’argument, la variation baissière maximale entre le plus haut et le plus bas des chiffres d’affaires constatés au titre de la période 2012/2015 étant de l’ordre de 1,2 %. Les résultats d’exploitation n’ont, eux, cessé d’augmenter au cours de la même période.

La Cour en conclut que la société n’apportait pas davantage la preuve qu’au titre de l’exercice 2015, la valeur actuelle du fonds de commerce serait inférieure à sa VNC.

On notera que cette décision est cohérente avec la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui consacre une étroite connexion fiscalo-comptable en matière de provisions (voir notamment, CE, 23 décembre 2013, n°346018, Sté Foncière du Rond-Point – pour une espèce similaire, voir CE, 22 novembre 2022, n°454766, Sté des radiologues du Villeneuvois).

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