Le 30 mai 2024, l’administration fiscale a effectué une mise à jour de sa doctrine consécutive aux modifications apportées au Pacte Dutreil par la loi de finances pour 2024, et notamment certaines évolutions notoires de son interprétation du dispositif de faveur.
Les apports de la loi de finances de 2024 sur le Pacte Dutreil
Depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 2024, c’est un nouvel article 787 B du CGI qui encadre le dispositif fiscal de faveur et qui porte d’importantes clarifications.
Le législateur fiscal est venu apporter des précisions bienvenues en inscrivant dans le marbre de la loi la définition de holding animatrice de groupe, et, a contrario, l’exclusion de l’activité de gestion de son propre patrimoine, mais également la possibilité d’exploiter une activité mixte sous réserve que l’activité permettant l’éligibilité au dispositif demeure principale.
Pour mémoire, la holding animatrice est définie comme la société qui « outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers », confirmant la définition élaborée progressivement par la jurisprudence tant administrative que judiciaire.
Des précisions inattendues sur le contrôle des filiales animées
En plus de ces précisions, la nouvelle doctrine fiscale apporte un éclairage sur le contrôle qu’une holding animatrice doit exercer sur ses filiales animées. En effet, le contrôle de la filiale par la holding est la première exigence pour reconnaitre un lien entre les deux entités. Comme le reconnait la jurisprudence, le contrôle matérialise la capacité de la holding à imposer ses directives à la filiale sans laquelle il ne peut y avoir d’animation (voir notamment notre article sur le sujet).
Restait à apprécier la notion de contrôle qui, en l’absence d’indication, conduisait les praticiens à se fonder sur l’article L233-3 I. du code de commerce qui impose une majorité aux assemblées générales pour admettre le contrôle.
C’est à ce niveau que l’administration fiscale apporte une précision que l’on n’attendait pas, allant ainsi plus loin que la Réponse Ministérielle Frassa du 1er décembre 2016 (n° 17351), en estimant que « le contrôle de la holding sur ses filiales pour lui permettre de conduire la politique du groupe s’apprécie au regard, d’une part, du pourcentage de capital détenu et des droits de vote et, d’autre part, de la structure de l’actionnariat, et non des dispositions de l’article L233-3 du code de commerce ».
La notion de contrôle n’avait auparavant fait l’objet que de précisions jurisprudentielles et notamment le plus récemment par la Cour d’Appel de Paris (voir notre article sur le sujet). Il fallait entendre par « contrôle des filiales », d’une part, un contrôle juridique, se matérialisant par le contrôle en termes de droits de vote des filiales par la holding, le cas échéant consolidés par un pacte d’actionnaires ; et, d’autre part, un contrôle matériel, à savoir, une définition par la holding de la politique du groupe et la vérification de son application par les filiales. Désormais, la doctrine fiscale pose des critères d’appréciation subjectifs excluant ceux objectifs définis par l’article L.233-3 du code de commerce.
La prise en compte de l’ensemble des actifs affectés pour l’appréciation du caractère principal de l’activité d’animation
En outre, c’est sur l’appréciation de la prépondérance de l’activité d’animation que le nouveau BOFiP apporte peut-être la précision la plus importante.
Désormais, « le caractère principal de l’activité d’animation de groupe d’une société holding doit être retenu notamment lorsque la valeur vénale des actifs affectés à son activité d’animation de groupe, […] représente plus de la moitié de son actif total. » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §55) ».
Jusqu’à cette nouvelle doctrine, il existait en effet une différence d’interprétation du caractère principal entre (i) une société opérationnelle pour laquelle il était déjà admis de comptabiliser l’ensemble des actifs affectés à l’activité éligible afin de vérifier sa prépondérance et (ii) une holding animatrice où la jurisprudence (Cass. com. n° 18-17.955, 14 octobre 2020, voir notre article sur le sujet) faisait référence à la prépondérance des titres des filiales animées et non des autres actifs.
La doctrine fiscale reconnait maintenant sans équivoque que l’ensemble des actifs affectés à l’activité d’animation et des filiales animées seront pris en compte dans la détermination du caractère principal de cette activité et cite parmi ces actifs « les biens mis à leur disposition ou affectés aux prestations de service délivrées au sein du groupe et la trésorerie affectée à l’activité du groupe » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §55). Ainsi, la doctrine adopte une position déjà exprimée par la jurisprudence qui appelait une appréciation in concreto du caractère animateur et, à l’instar encore de la Cour d’appel de Paris (n° 21/00555, 24 octobre 2022, voir notre article sur le sujet), qualifiait des actifs (créances de participations, valeurs mobilière issues de produits de cession en attente d’affectation, immobilier d’exploitation) comme étant affectés à l’activité d’animation et donc participant à la prépondérance de celle-ci.
L’administration fiscale va encore plus loin dans son développement concernant les immeubles en retenant que « à cet égard, il est admis de retenir comme étant affectée à l’activité d’animation de la holding, la valeur vénale des immeubles ou parties d’immeubles qu’elle détient (ou la fraction de la valeur vénale des titres qu’elle détient dans une filiale foncière qu’elle contrôle, représentative des immeubles ou parties d’immeuble) et qui sont donnés en location exclusivement pour l’exercice de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale d’une filiale animée du groupe. En revanche, sont exclus les immeubles ou parties d’immeuble loués à une société non contrôlée du groupe ou qui n’exerce pas une activité opérationnelle, ou encore à une société tierce. »
La doctrine fiscale admet donc, sans équivoque, que l’immeuble donné en location par la filiale foncière à une filiale opérationnelle pour l’exploitation de son activité opérationnelle permet de considérer que les titres de la foncière sont des actifs affectés à l’activité d’animation. Ainsi, ils sont comptés pour déterminer le ratio d’actifs affectés / non affectés sans que leur valeur ne soit proratisée au niveau de la participation de la filiale opérationnelle (contrairement à ce qu’un réflexe en matière d’IFI pourrait nous faire penser).
Un régime favorable jusque quand ?
L’alignement des planètes, légale, jurisprudentielle et administrative, sur le pacte Dutreil joue en faveur de la transmission d’entreprises.
Pour autant, le projet de réforme visant à recentrer le dispositif sur les actifs professionnels qui avait été annoncé pour les mois à venir pourrait venir déstabiliser cette construction du droit positif.
À cette incertitude juridique est venue s’agréger une incertitude politique depuis quelques jours qui pourrait avoir une incidence sur tout, ou partie, du dispositif.
Rappelons ainsi qu’une transmission projetée, permettant d’assurer la pérennité de PME et ETI familiales françaises, ne doit pas, plus que jamais, être différée….