Site icon Deloitte Société d'Avocats

Publication d’un nouvel encadrement des aides d’État dans le cadre du Pacte pour une industrie propre (CISAF)

Dévoilé début 2025 par la Commission européenne, le Pacte pour une industrie propre dresse une feuille de route commune pour la compétitivité et la décarbonation.

Pour le mettre en œuvre et atteindre ses objectifs, des investissements considérables sont nécessaires à travers l’Union européenne. Dans cette perspective, la Commission européenne a publié ce 25 juin un nouvel encadrement des aides d’État (Communication de la Commission européenne du 25/06/2025, « Encadrement des aides d’État visant à soutenir le pacte pour une industrie propre ») afin de compléter les lignes directrices permettant aux États membres d’apporter un soutien financier aux entreprises qui s’engagent dans cette trajectoire de décarbonation.

Cet encadrement était d’autant plus nécessaire que les dispositions de l’encadrement temporaire de crise et de transition (« TCTF »), qui permettait aux États membres de soutenir de nombreuses entreprises engagées dans la décarbonation et la production de technologies propres (comme le C3IV en France, par exemple), arrivent progressivement à échéance.

Pour accélérer et s’assurer d’un niveau d’investissement suffisant pour atteindre les objectifs de l’Union européenne, ce texte prévoit aussi bien des mesures de simplification que l’ouverture de nouvelles possibilités de soutien pour les États membres.

Présomption de l’effet incitatif de l’aide

La Commission européenne insère dans ce nouvel encadrement une présomption en matière d’incitativité, clef pour apprécier la comptabilité de l’aide avec le marché intérieur.

Selon ce principe, les aides sont compatibles avec le marché intérieur si elles amènent le bénéficiaire à réaliser un investissement ou à exercer une activité qu’il ne réaliserait ou n’exercerait pas, ou qu’il réaliserait ou exercerait d’une manière restreinte ou différente, en l’absence d’aide. Cet effet incitatif est généralement constaté lorsque le début des travaux liés au projet ou à l’activité n’a lieu qu’après que le bénéficiaire a introduit par écrit une demande d’aide auprès des autorités compétentes.

En ce qui ce qui concerne les régimes d’aides à la flexibilité non fossile et les mécanismes de capacité évoqués ci-après, la Commission présume en revanche qu’il existe un effet incitatif pour autant que les conditions propres à ces aides soient remplies, que le début des travaux ait eu lieu ou non.

Par ailleurs et hors les situations dans lesquelles un scénario contrefactuel doit être fourni, la Commission prévoit une présomption selon laquelle, en l’absence d’aide, les bénéficiaires poursuivraient leurs activités sans changement (pour autant que cela n’entraîne pas de violation du droit de l’Union).

Ouverture de nouvelles possibilités de soutien

Les nouvelles possibilités d’aide ouvertes par cet encadrement le sont à l’issue de procédures et dans des formes diverses de façon à ce que les États membres puissent proposer des dispositifs les plus à même de répondre aux besoins des acteurs clefs de l’industrie propre de demain. Le choix de l’instrument d’aide doit être approprié pour atteindre l’objectif visé par la mesure d’aide et générer le moins possible de distorsions des échanges et de la concurrence.

Les procédures de mise en concurrence y sont favorisées en ce sens que la proportionnalité des montants d’aide qui y sont déterminés y est généralement garantie mais il demeure possible d’octroyer des soutiens de manière administrative (e.g. contrats sur différence bidirectionnels en matière de soutien direct des prix) voire ad hoc.

En outre lorsqu’ils conçoivent leurs mesures de soutien, les États membres sont vivement encouragés à inclure de façon transparente des conditions supplémentaires pour atteindre les objectifs de résilience de l’Union dont des critères de préférence européens (a fortiori dans les procédures de mise en concurrence).

Par ailleurs le soutien peut prendre la forme de subventions directes, de crédits d’impôt ou d’amortissements accélérés, de taux d’intérêt bonifiés, etc.

Accélérer la production et le stockage des énergies renouvelables

Les États membres seront ainsi autorisés à soutenir les investissements dans la production et le stockage d’énergies renouvelables.

 

Il pourra s’agir d’aides à l’investissement, pour lesquelles les coûts admissibles seront constitués de l’ensemble des coûts de l’investissement. L’intensité d’aide sera alors de 45 % maximum, à l’exception des PME qui pourront bénéficier d’une majoration.

Cette aide pourra également prendre la forme de soutien direct des prix (contrats sur différence, primes de rachat, etc.). Ici, les coûts admissibles seront constitués par le coût net attendu estimé en tenant compte de tous les principaux coûts et recettes tout au long du cycle de vie du projet et de toute aide déjà reçue, déduction faite du coût moyen pondéré du capital. Le niveau d’aide sera déterminé selon la procédure d’octroi de ce type d’aide. Dans le cas d’une aide octroyée de hors procédure de mise en concurrence, ce niveau sera déterminé par l’autorité de régulation compétente.

Accélérer le déploiement des carburants bas carbone

L’encadrement européen prévoit ici aussi la possibilité pour les États de soutenir à la fois la production et le stockage et cible tout particulièrement l’hydrogène.

 

De manière similaire aux aides pour accélérer la production et le stockage des énergies renouvelables, il pourra s’agir d’une aide à l’investissement mais dont l’intensité ne pourra excéder 20 % des coûts admissibles, sous réserve des majorations accordées aux PME. L’aide pourra aussi prendre la forme d’un soutien direct aux prix. Dans ce cas, les aides devront être octroyées au moyen d’une procédure de mise en concurrence et l’intensité ne pourra dépasser 100% des coûts admissibles.

Aides à la flexibilité non fossile[1]

Plusieurs types d’investissements pourront être soutenus dans ce cadre, comme exposés ci-dessous.

Le montant de l’aide sera déterminé au moyen d’une procédure de mise en concurrence, les offres étant classées uniquement en fonction de leur prix d’offre par unité de capacité flexible disponible par an et le soutien accordé en fonction du prix d’équilibre par unité de capacité flexible disponible par an.

Aides en faveur des mécanismes de capacité

Un mécanisme de capacité est un dispositif permettant de garantir la sécurité d’approvisionnement en rémunérant les producteurs ou gestionnaires de moyens flexibles pour leur disponibilité à fournir de l’électricité lors des périodes de forte demande ou de tension sur le réseau.

Considérant l’importance de ces mécanismes dans la résilience des économies européennes, la Commission autorisera pendant une durée maximale de 10 ans le soutien des États membres en faveur de ces dispositifs.

Réduction temporaire du prix de l’électricité pour les gros consommateurs d’énergie

Déterminante pour les industries européennes et essentielle pour attirer les investissements étrangers, la réduction du prix de l’électricité a été intégrée à ce nouvel encadrement.

Des aides sous forme de réduction temporaire du prix de l’électricité en faveur des activités des secteurs où ces risques sont particulièrement élevés pourront être octroyées. Toutefois, les bénéficiaires seront tenus de réaliser des investissements qui contribuent à la transition écologique et aux coûts du système énergétique à moyen et long terme. A cet égard, ils devront dédier au moins 50 % du montant de l’aide octroyé à de tels investissements.

L’aide pourra couvrir une réduction maximale de 50 % du prix annuel du marché de gros dans la zone de dépôt des offres dans laquelle le bénéficiaire est raccordé, pour au maximum 50 % de leur consommation annuelle d’électricité. Les réductions ne devront pas aboutir à des prix inférieurs à 50€/MWh

Aides à la décarbonation de l’industrie

Au cœur du pacte pour une industrie propre, la décarbonation des entreprises joue un rôle clé pour la résilience du tissu économique européen et le maintien de sa compétitivité dans un contexte mondial de transition.

A cet égard, les États membres pourront accorder des aides aux investissements visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre ou à améliorer l’efficacité énergétique des activités industrielles. Des aides pourront également être octroyées s’agissant de la réalisation d’investissements dans des infrastructures auxiliaires de stockage ou de transport d’énergie sous certaines conditions. A noter que, quelle que soit la technologie utilisée, la réduction de consommation d’énergie devra être d’au moins 10% pour les processus déjà décarbonés et d’au moins 20 % dans tous les autres cas.

Les coûts admissibles correspondront aux coûts d’investissements directement liés à la réalisation des réductions d’émissions de GES ou à l’amélioration de l’efficacité énergétique. L’intensité d’aide sera calculée sur la base de ces coûts admissibles et dépendra des investissements réalisés, comme exposé dans le tableau ci-dessous. Par ailleurs, le montant d’aide ne pourra excéder 200 M€ (une procédure spécifique s’applique au-delà).

 

Investissements Intensité
Investissements permettant l’utilisation d’hydrogène ou de combustibles dérivés de l’hydrogène 60 %
Investissements dans la production d’énergie renouvelable, le stockage d’énergie, l’électrification flexible, les équipements de captage du carbone 45 %
Investissements permettant l’utilisation de carburant bas carbone 35 %
Investissements dans la production de carburants bas carbone 20 %
Investissements à travers d’autres technologies 30 %

 

Nota : Des conditions spécifiques s’appliquent aux aides en faveur des biocarburants, de l’hydrogène ou des carburants dérivés de l’hydrogène, des aides en faveur de projets ayant trait au captage de carbone et des aides en faveur de projets utilisant du gaz naturel (notamment pour les secteurs du ciment et de la chimie).

 

Aides destinées à accroître la production de technologies propres

Dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, le Parlement et le Conseil ont adopté le règlement pour une industrie « zéro net ». Celui-ci vise à augmenter substantiellement les capacités de production de technologies propres dans l’UE.

Considérant les moyens financiers à mettre en œuvre pour réaliser l’ambition de ce règlement, le nouvel encadrement prévoit la faculté pour les États membres d’octroyer des aides pour encourager les projets d’investissements en faveur d’une augmentation des capacités de production de ces technologies.

Il pourra s’agir de la production d’une liste très complète de produits finis, des principaux composants spécifiques de ces produits, ou de matières premières critiques connexes nécessaires à la production des produits finis ou de leurs composants.  Cette liste est disponible en annexe II de l’encadrement.

 

Exemples de produits finis et de principaux composants spécifiques des technologies « zéro net »
Liste non-exhaustive
Exemples de technologies concernées Exemples de produits finis Exemples de composants spécifiques
Technologies solaires Systèmes photovoltaïques solaires / Centrales solaires à concentration / Systèmes solaires thermiques / Capteurs thermiques photovoltaïques Verre solaire / Polysilicium / Lingots / Plaquettes / Ondulateurs / Réflecteurs solaires / etc.
Technologies éoliennes terrestres et renouvelables en mer Éoliennes terrestres Nacelles / Système de transmission direct / Pales / Mâts / etc.
Technologies de batterie et technologies de stockage de l’énergie Batteries / Ultra-condensateurs / Système de stockage de l’énergie thermique / Pompage-turbinage pour stockage gravitationnel / Stockage d’énergie par air comprimé/liquide / etc. Modules / Cellules / Matières actives de cathode / Electrolytes / Séparateurs / Turbines hydrauliques / Matériaux de stockage thermochimiques / etc.
Pompes à chaleur et technologies géothermiques Pompes à chaleur Vannes à quatre voies / Compresseurs à spirale / etc.
Technologies de l’hydrogène Électrolyseurs / Piles à combustible / Réseaux de transport et distribution d’hydrogène / Stockage d’hydrogène Empilements / Séparateurs / Electrodes / etc.
Technologies durables de biogaz et de biométhane Centrales durables de biogaz Digesteurs / Cuves de fermentation
Technologies de CSC Captage par absorption Compresseurs de CO2
Technologies des réseaux électriques Sous-stations électriques / Pylônes de transport électrique / Câbles / transformateurs / Compteurs intelligents Noyaux magnétiques / Bobines du transformateur / Changeurs de prise en charge de transformateurs / Disjoncteurs / Transformateurs / etc.
Technologies de l’énergie nucléaire de fission / Autres technologies nucléaires (telles que les technologies de fusion nucléaire) Centrales de fission nucléaire / Cycle du combustible nucléaire Éléments combustibles / Cuves de réacteurs / Turbines à vapeur d’eau / Systèmes de sécurité / Systèmes de suivi, d’instruments et de contrôle / Centrifugeuses / Systèmes de traitement du gaz et de régulation du débit / Équipements pour le traitement chimique / Équipements de vitrification des déchets / etc.

 

La Commission y cible notamment les cas d’aides d’État en faveur de la production d’énergie nucléaire, y compris les petits réacteurs modulaires et les réacteurs modulaires avancés ainsi que des technologies dont le développement est très amont (fusion nucléaire), ce qui constitue une avancée importante.

Ces mesures de soutien pourront prendre la forme d’aides à l’investissement, au titre desquelles les coûts admissibles seront constitués de tous les coûts d’investissements dans les actifs corporels et incorporels nécessaires. L’intensité d’aide ne pourra dépasser 15% des coûts admissibles et le montant d’aide excéder 150M€ (hors majorations en zones assistées).

Cette partie du texte pourrait servir de fondement à l’éventuelle prorogation du crédit d’impôt au titre des investissements pour l’industrie verte (« C3IV ») dont le terme est prévu au 31 décembre 2025 (en lien avec la fin d’application du TCTF).

Nota : L’intensité et le montant maximum d’aide peuvent être relevés lorsque l’investissement est réalisé en zone AFR et/ou lorsqu’il est réalisé par une PME. Également, des aides ad hoc (aides notifiées individuellement) pourront être octroyées sous certaines conditions.

Aides visant à soutenir la demande d’équipements liés aux technologies propres

Pour soutenir la demande en technologies propres, le nouvel encadrement prévoit la possibilité, pour les États membres, de créer des régimes d’aides sous la forme d’amortissements accélérés, y compris la comptabilisation immédiate en charges, s’agissant de l’acquisition ou la location d’équipements liés à ce type de technologies.

 

 

Cumul des aides

Les outils fournis par ce nouvel encadrement sont complémentaires et viennent s’ajouter aux règles existantes en matière d’aides d’État.

Pour permettre aux États membre de tirer pleinement parti de toutes les règles disponibles en matière d’aides d’État et à sélectionner les règles adaptées à la nature et à la conception de leurs mesures, la Commission a dédié un sous-paragraphe aux possibilités de cumuls.

Elle y indique qu’un cumul peut être envisagé avec d’autres aides d’État, dès lors que les coûts admissibles identifiés sont différents. Si une autre aide est accordée sur la base des mêmes coûts admissibles, le cumul sera autorisé s’il ne conduit pas un dépassement de l’intensité d’aide la plus élevée des deux dispositifs de soutien ou du montant d’aide le plus élevé des deux.

Nota : des conditions de compatibilité spécifiques pour les régimes soutenant les investissements de projets lauréats au Fonds pour l’innovation sont également prévues.


[1] Par flexibilité non fossile, on entend par exemple la participation active de la demande et le stockage, qui ne reposent pas sur l’utilisation de combustibles fossiles en tant que source d’énergie primaire.

Exit mobile version