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Arrêts General Electric Medical Systems et Property Investment Holding : un trouble sur les règles de dévolution de la charge de la preuve en matière de prix de transfert ?

Retenue à la source sur les sommes payées en rémunération de prestations utilisées en France

Jusqu’alors, il était établi par une jurisprudence constante que l’Administration pouvait bénéficier d’une présomption simple de transfert indirect de bénéfices à l’étranger lorsqu’elle établissait l’existence d’un lien de dépendance entre une entreprise française et une entreprise étrangère, ainsi que l’octroi d’avantages injustifiés à cette dernière, soit en constatant une majoration ou une diminution des prix d’achat ou de vente pratiqués sur la base de transactions entre entités indépendantes, soit en établissant un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.

A défaut, elle ne pouvait, sur le fondement des dispositions de l’article 57, ni invoquer une présomption de transfert de bénéfices, ni caractériser une libéralité consentie à cette entreprise étrangère.

Ces principes, consacrés par deux arrêts Cap Gemini en 2005, avaient été confirmés par un arrêt Amycel en 2016. Deux arrêts du 6 juin 2018 du Conseil d’Etat viennent semer le doute et l’administration fiscale qui y voit là un revirement de jurisprudence s’en empare déjà largement dans ses propositions de rectification. Cette analyse inopportune a toutefois été battue en brèche par un arrêt du 25 juin 2018 qui confirme les principes réaffirmés par l’arrêt Amycel mais innove en élargissant les hypothèses dans lesquelles une libéralité consentie à une entreprise étrangère doit être constatée.

Dans les deux premiers arrêts General Electric, l’Administration avait remis en cause, sur le fondement de l’article 57 du CGI, la politique de prix de transfert d’un groupe américain au regard des achats de matériels médicaux d’une filiale française de distribution auprès d’autres filiales étrangères du groupe. Il en avait résulté chez la filiale française des rectifications en matière de taxe professionnelle (1er arrêt General Electric Medical Systems, 409645), et des rectifications en matière d’impôt sur les sociétés et de contribution sociale ainsi que l’annulation de ses déficits reportables (2e arrêt General Electric Medical Systems, 409647).

La cour administrative d’appel de Versailles avait, par deux arrêts du 2 et 9 février 2017, confirmé la position de l’Administration et du tribunal administratif de Montreuil.

Après avoir caractérisé des liens de dépendance entre une filiale française de distribution, structurellement en perte, et ses fournisseurs étrangers au sein du groupe, la cour avait écarté la méthode du prix de revient majoré appliquée au titre de ces achats intragroupe pour lui substituer la méthode transactionnelle de la marge nette, en ce que la méthode du prix de revient majoré exonérait les fournisseurs étrangers de tout risque commercial en dépit d’un contexte de concurrence et d’encadrement des dépenses de santé. Elle avait également constaté que la filiale française n’établissait pas que les avantages consentis à ses fournisseurs étrangers étaient justifiés par l’obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation.

Elle avait donc caractérisé l’existence d’un transfert indirect de bénéfices du simple fait des écarts importants entre le résultat issu de la méthode transactionnelle de la marge nette et celui déclaré par la société.

Le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt d’appel, en adoptant un considérant de principe très favorable à l’Administration, faisant abstraction du considérant de principe énoncé dans l’arrêt Amycel.

A défaut d’avoir procédé à de telles comparaisons, l’administration n’est, en revanche, pas fondée à invoquer la présomption de transferts de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu’une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l’existence d’un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat énonce surtout que des rectifications en matière de prix de transfert peuvent entraîner des rectifications en matière de cotisation minimale de taxe professionnelle et aujourd’hui de CVAE. Il semble toutefois que le Conseil d’Etat ne cherche pas à remettre en cause les règles traditionnelles de charge de la preuve, qui ont d’ailleurs été confirmées trois semaines plus tard.

Dans ce troisième arrêt Property Investment Holding, le Conseil d’Etat a rappelé ces règles de dialectique de la charge de la preuve en les accompagnant d’une règle nouvelle. Surtout, il a réitéré une solution déjà rendue en décembre 2015 dans le même litige. (CE, 9 décembre 2015, n°367897, Property Investment Holding France

L’Administration avait remis en cause la déductibilité des honoraires versés par une filiale française à une société mère néerlandaise au motif notamment que les prestations fournies par la société néerlandaise en contrepartie de ces honoraires n’étaient pas toutes utiles à la société française.

Par un arrêt du 30 novembre 2016, la cour administrative d’appel de Paris avait confirmé la position de l’administration et du tribunal administratif de Paris, au motif que certaines des prestations fournies à la filiale française bénéficiaient au groupe sans bénéficier à la filiale française et n’étaient pas couvertes par un contrat.

Cette analyse n’a pas été partagée par le Conseil d’Etat. Rappelant les principes posés par l’arrêt Amycel, le Conseil d’Etat a ajouté que la démonstration d’un transfert de bénéfices doit également être apportée par l’Administration lorsqu’elle entend réintégrer une fraction du prix global facturé à une entreprise française au titre de prestations distinctes dont certaines ne sont pas dépourvues d’intérêt pour son exploitation. La cour a cassé l’arrêt d’appel au motif que la preuve du transfert de bénéfices n’était ainsi pas rapportée.

Dans pareilles circonstances, l’Administration aurait donc dû distinguer la fraction correspondant aux prestations d’assistance déductibles en principe de celles correspondant aux prestations non déductibles consistant à assurer le développement du groupe, à optimiser la gestion de la trésorerie du groupe, à coordonner l’activité des filiales et à contrôler la tenue de la comptabilité.

Ces trois arrêts viennent rappeler l’importance de la question de la dialectique de la charge de la preuve en matière de prix de transfert et le rôle du juge dans son appréciation au gré des circonstances de fait propres à chaque espèce.

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