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Arrêts TAP Holding : des précisions en matière d’éligibilité au CIR et d’activités indispensable

La définition des activités et personnels éligibles au Crédit d’Impôt Recherche (CIR) continue d’alimenter débats et contentieux. Les arrêts TAP Holding du 22 juillet 2025 apportent des précisions importantes sur la notion d’« activité indispensable » ainsi que sur l’intégration possible de certains collaborateurs non scientifiques dans l’assiette du CIR.

Personnel de recherche et conditions d’éligibilité

Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) permet aux entreprises de bénéficier d’un avantage fiscal au titre de certaines de leurs dépenses de R&D, dont les salaires des personnels affectés aux travaux de recherche. Selon l’article 244 quater B, II-b du CGI, seuls les chercheurs et les techniciens de recherche directement et exclusivement impliqués dans des opérations de R&D sont éligibles.

S’agissant des techniciens, l’article 49 septies G de l’annexe III au CGI prévoit qu’ils doivent travailler en étroite collaboration avec les chercheurs et fournir un appui technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental.

En pratique, deux conditions cumulatives en découlent pour les qualifier au sens du CIR :

La jurisprudence (CE n° 429222, Société Nurun, 24 février 2021) rappelle que l’absence de diplôme scientifique n’exclut pas l’éligibilité dès lors que les tâches accomplies sont indispensables aux travaux de R&D et sous la supervision d’un, ou plusieurs, chercheurs. L’éligibilité dépend donc de la nature effective des missions réalisées et non du diplôme ou du rattachement administratif.

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Activités éligibles au CIR : la portée du critère « indispensable »

L’éligibilité au CIR repose avant tout sur la nature effective des activités réalisées, plutôt que sur le titre, le diplôme ou le service d’appartenance du collaborateur qui les accomplit. Outre les activités de R&D strictement définies comme éligibles au CIR, certaines activités dites « connexes » peuvent intégrées lorsqu’elles sont techniquement indispensables à la réalisation d’un projet de recherche, qu’elles soient effectuées en interne ou confiées à un tiers.

L’arrêt FNAMS (CE n° 428127, 22 juillet 2020) a retenu cette approche en reconnaissant que des travaux qui ne constitueraient pas, pris isolément, de la R&D peuvent néanmoins être retenus dès lors qu’ils sont nécessaires à l’aboutissement d’une opération de R&D éligible. Ainsi, l’appréciation de l’éligibilité doit se faire au niveau du projet de R&D dans son ensemble, et non en examinant isolément chaque activité.

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Cette lecture est également soutenue par la doctrine administrative. Ainsi, le BOFiP (BOI-BIC-RICI-10-10-10-25) précise que « [d]ès lors qu’une opération est qualifiée de R&D, l’ensemble des travaux scientifiques et techniques indispensables à sa réalisation est considéré comme de la R&D, y compris dans le cas où ces travaux scientifiques et techniques, s’ils étaient pris isolément, ne constitueraient pas de la R&D ».

Autrement dit : c’est le critère d’indispensabilité technique au projet qui prime, indépendamment du post ou du diplôme.


« Exemple 1 : Dans le domaine de la médecine, des contrôles ordinaires tels que les prises de sang et les examens bactériologiques prescrits par un médecin ne sont pas de la R&D. En revanche, un programme spécifique de prises de sang entrepris à l’occasion de l’étude d’un nouveau produit pharmaceutique peut s’inscrire dans le cadre d’un programme de R&D. »

Ainsi, le champ du CIR ne se limite pas strictement aux chercheurs, mais s’étend à tout collaborateur contribuant de manière scientifique ou technique et dont l’intervention est indispensable au projet de recherche. C’est bien ce critère d’indispensabilité, et non la qualification, le diplôme ou le rattachement organisationnel, qui détermine l’éligibilité des dépenses associées.

La publication du Guide CIR 2025 par le MESR apporte d’ailleurs un éclairage nouveau sur cette notion d’activités indispensables.

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Les enseignements des arrêts TAP Holding

Les deux arrêts rendus par la CAA de Versailles le 22 juillet 2025 (n° 23VE00561 et n° 24VE01574) s’inscrivent dans le prolongement de la jurisprudence et de la doctrine relatives à l’éligibilité des dépenses de personnel au titre du CIR. En effet, s’ils ne remettent pas en cause la possibilité d’inclure, sous conditions, des personnels non scientifiques dans l’assiette du CIR, ils rappellent que cette inclusion suppose une démonstration précise et documentée du caractère indispensable des travaux réalisés aux opérations de recherche.

En l’espèce, la société TAP Holding avait intégré dans son CIR les rémunérations de collaborateurs issus du marketing et du commercial, invoquant leur contribution aux projets de R&D grâce au recours à leur expertise produit et marché.

La Cour a rejeté leur éligibilité pour deux raisons principales :

La Cour rappelle ainsi que seul le personnel intervenant pour résoudre un verrou scientifique ou technologique formalisé peut être retenu dans l’assiette CIR. La simple participation à la définition produit ou au recueil des besoins reste exclue.

Cependant, il n’y a pas d’exclusion générale : si une expertise métier contribue directement à lever un verrou scientifique/technique (par exemple, choix techniques complexes, définition de tests discriminants, etc.), elle peut être retenue — ce qui n’était pas démontré ici.

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