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Articulation entre « droit à l’oubli » et correction spontanée d’une erreur par le contribuable

Le Conseil d’État juge que, pour l’application de la règle d’intangibilité du bilan d’ouverture et du droit à l’oubli, lorsque le contribuable procède spontanément à la correction d’une erreur affectant son bilan, le 1er exercice non prescrit doit être déterminé par référence à la date de clôture de l’exercice au cours duquel intervient cette correction (vs. la date de notification de la proposition de rectification en cas de correction par l’Administration dans le cadre d’un contrôle fiscal).

Pour mémoire, le bénéfice net imposable de l’exercice est égal à la différence entre la valeur de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de cet exercice (CGI, art. 38-2). Dans le cadre d’un redressement, l’administration fiscale est tenue de corriger de manière symétrique le bilan d’ouverture d’un exercice des erreurs entachant le bilan de clôture de l’exercice précédent.

Ce jeu des corrections symétriques des bilans est toutefois limité par la règle dite de l’intangibilité du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit (CGI, art. 38, 4 bis). Cette règle a pour effet de limiter la portée de la correction symétrique des bilans et de permettre ainsi au service vérificateur de procéder à des rehaussements de bénéfices au titre du 1er exercice non prescrit à raison d’erreurs qui peuvent avoir été commises au cours d’un exercice prescrit.

Cependant, dans l’hypothèse où l’entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de 7 ans avant l’ouverture du 1er exercice non prescrit, la règle d’intangibilité du bilan d’ouverture du 1er exercice non prescrit est écartée. L’entreprise bénéficie alors d’un « droit à l’oubli ».

Le Conseil d’État a admis que « le droit à l’oubli » s’applique aussi bien aux erreurs affectant un élément du passif qu’à celles affectant un élément de l’actif (CE, 24 janvier 2018, n°397732).

L’histoire

Une société absorbe en 2008 plusieurs de ses filiales ayant à leur passif des dettes correspondant à des acomptes reçus de clients entre 1987 et 2000 n’ayant jamais été suivis ni d’achat ni de restitution.

À la clôture de l’exercice 2009, la société absorbante, considérant ces dettes prescrites, les supprime de son passif et constate corrélativement un produit exceptionnel. Estimant pouvoir bénéficier du « droit à l’oubli », la société déduit extra-comptablement ce produit exceptionnel.

À l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2008 et 2009, l’Administration a remis en cause l’absence d’imposition du produit exceptionnel.

Pour analyser la situation de la société, la CAA de Versailles a effectué une distinction selon l’antériorité des dettes concernées :

La décision

Le Conseil d’État confirme que l’Administration n’a pas elle-même procédé à la correction de l’erreur commise par la société, mais a simplement remis en cause la neutralisation extra-comptable de la correction effectuée en conséquence par la société, en 2009.

Il écarte en ce sens la circonstance selon laquelle, si l’erreur comptable avait été corrigée par l’Administration et non par l’entreprise, le supplément d’imposition aurait dû être établi par le jeu de la correction symétrique des bilans au titre du 1er exercice non prescrit (exercice ouvert le 1er janvier 2008 – n.b : ici le point de départ utilisé pour déterminer le 1er exercice non prescrit est la date de notification de la proposition de rectification, i.e. 2011).

On rappellera que désormais les dettes commerciales sont prescrites à l’issue d’une période de 5 années par application de la loi du 17 juin 2008 (versus 10 années à l’époque des faits).