Cet article a été publié sur la Revue Associations de Deloitte n°100 – Janvier 2023 et est reproduit sur ce blog avec l’accord de l’éditeur.
Si la filialisation des activités lucratives d’une association présente des avantages d’ordre fiscal, il est important de bien appréhender les risques qui en découlent.
Il n’existe pas d’interdiction pour les associations régies par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 de détenir des participations au capital de sociétés commerciales.
Ainsi, une association peut dissocier ses activités lucratives de celles non lucratives, en les isolant au sein d’une entité juridique distincte et autonome, en l’occurrence une société dont elle est ou devient associée, ou encore prendre des participations au capital de sociétés commerciales préexistantes.
Cela étant, si la filialisation d’activités lucratives ou encore la prise de participation au capital de sociétés commerciales peut constituer une réelle opportunité, ce n’est pas sans risque si quelques précautions ne sont pas prises.
Une opportunité fiscale indéniable !
La filialisation des activités lucratives d’une association ou encore la prise de participation au capital d’une société commerciale, dans le contexte économique actuel ou compte tenu de la raréfaction des subventions publiques, constituent indéniablement une source de diversification des ressources par le développement d’activités économiques et présentent un certain nombre d’avantages. Le principal avantage est d’ordre fiscal : conserver pour l’association son statut fiscal d’organisme sans but lucratif. En effet, le développement d’activités économiques fait par principe peser sur l’association un risque de fiscalisation de l’ensemble de ses activités.
Certes, pour parer à ce risque, l’association peut faire le choix de la sectorisation. Cela étant, la sectorisation des activités dites « lucratives » n’est toutefois possible que pour autant que celles-ci soient dissociables des activités non lucratives et que les activités fiscalement non lucratives restent significativement prépondérantes. Si la sectorisation n’est pas possible, la filialisation, qui consiste à transférer à une société commerciale l’ensemble des moyens humains et matériels nécessaires à l’exercice des activités lucratives, constitue alors une solution pour ne pas voir remis en cause le bénéfice de l’exonération des impositions dites « commerciales » (impôt sur les sociétés, TVA, cotisation foncière des entreprises), pour les activités non lucratives qui resteront logées au sein de l’association.
Même dans l’hypothèse où la sectorisation est envisageable (c’est-à-dire en l’absence de prépondérance des activités lucratives de l’association), la filialisation peut être envisagée.
En effet, la filialisation peut répondre à d’autres motifs que des motifs fiscaux tels que :
- le respect d’une obligation légale
- le souhait d’appliquer des statuts sociaux différenciés au personnel
- la recherche de fonds auprès d’investisseurs capitalistiques privés ou plus généralement la mise en œuvre de partenariats
- la nécessité de rechercher une nouvelle clientèle, de recourir à des méthodes d’ordre commercial ou encore de mettre en œuvre une politique de rémunération attractive des salariés par l’octroi, par exemple, de primes d’objectifs sur le chiffre d’affaires et/ou le résultat
- la volonté de répondre aux contraintes attachées à la mise en place d’une comptabilité analytique, souvent complexe, et pourtant nécessaire, lorsqu’il s’agit d’assurer, par exemple, le suivi de l’utilisation de subventions publiques
- ou encore le souhait de dissocier le patrimoine immobilier dit « de rapport » de l’association et ce en le localisant dans une société civile
La détention de titres d’une filiale n’est toutefois pas sans risque fiscal pour l’association si les enjeux ne sont pas maîtrisés.
Les enjeux associés à la détention de titres
Il ne suffit pas de filialiser pour que l’association soit exempte de tout risque d’assujettissement de ses activités non lucratives aux impositions commerciales. En fait, la détention de titres ne présente aucun risque fiscal que si et seulement si la gestion de cette participation reste passive, et donc purement patrimoniale, ce qui suppose que l’association ne joue aucun rôle actif dans la gestion de sa filiale.
Pour rappel, l’Administration pose un principe de présomption de gestion non passive dès lors que l’association détient une participation dite « majoritaire » ou lorsque les titres détenus ont été reçus suite à une opération d’apport partiel d’actifs placée sous le régime de faveur fiscal visé à l’article 210-A et suivants du Code général des impôts.
Dès lors que l’association joue un rôle actif dans la gestion des activités de sa filiale, sa participation doit être considérée comme présentant un caractère lucratif et les titres doivent alors impérativement être sectorisés pour éviter tout risque de contamination aux autres activités portées par l’association.
La sectorisation des titres n’est toutefois possible que si et seulement si l’activité de gestion des titres de la filiale n’est pas prépondérante :
- au regard des revenus qu’elle procure, en l’occurrence des dividendes
- et compte tenu des moyens qu’elle mobilise.
À titre d’illustration, une association qui retirerait l’essentiel de ses ressources des dividendes de sa filiale pourrait défendre le principe de sectorisation des titres détenus au capital de cette filiale, si par ailleurs elle exerce des activités non lucratives qui mobilisent un nombre important de bénévoles.
La sectorisation ne suffit toutefois pas ! Encore faut-il que l’association mère n’entretienne pas de relations privilégiées avec sa filiale, sachant que pour l’Administration de telles relations privilégiées sont caractérisées en cas de complémentarité commerciale, de répartition de clientèle, d’échanges de services, de prise en compte par la société de charges relevant normalement de l’activité non lucrative et inversement, ou encore d’une mauvaise répartition de recettes, de biens ou de charges.
La gestion active : quel avantage ?
La gestion active d’une participation, et donc la sectorisation des titres, présente un avantage indéniable, à savoir celui de pouvoir bénéficier pour l’association mère du régime dit « mère et fille » applicable en matière de dividendes qui conduit, en substance, à une imposition des dividendes de la filiale à un taux de 1,25 %, au lieu du taux de 15 % qui serait appliqué si les titres étaient inscrits dans le secteur non lucratif à raison d’une gestion passive.
Des règles de prudence à respecter
En l’absence de jurisprudence claire et marquée permettant de préciser ce que peut recouvrir précisément la notion de relations privilégiées entre l’association et sa filiale, certaines règles de prudence s’imposent, telles que :
- veiller à ce qu’il n’existe aucune confusion de patrimoine ou d’intérêts entre l’association et sa filiale ;
- éviter que les dirigeants bénévoles de l’association soient également associés, même minoritaires, de la filiale, ou encore exercent des mandats rémunérés au sein de la filiale ;
- éviter que l’association mère finance les activités de la filiale, hormis par voie d’apport en capital ou d’avances en compte courant rémunérées ;
- doter la filiale des moyens nécessaires à l’exercice de son activité, pour éviter qu’elle ait recours aux moyens de l’association. Aussi, même s’il peut être nécessaire que soient partagés entre l’association mère et sa filiale des moyens communs notamment des services dits « supports », il est impératif de formaliser les conditions de facturation de ces services, de définir des clés de répartition les plus justes possibles et justifiables en cas de contrôle fiscal. En outre, les prestations de services rendues par l’association mère à sa filiale constituent une activité par principe lucrative qui doit, elle aussi, être sectorisée ;
- et plus généralement, s’assurer de l’indépendance de la filiale vis-à-vis de l’association mère.
Attention : les confusions de patrimoine et d’intérêts, l’existence de flux financiers anormaux ou encore le fait de faire supporter par une structure des charges qui incombent normalement à une autre sont susceptibles de caractériser un abus de confiance ou de bien social pénalement sanctionnable.