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Le barème Macron est sauvé, mais l’histoire n’est pas terminée

Longue vie au barème !

La Cour de cassation a rendu mercredi 17 juillet son avis : elle accepte de se prononcer sur la compatibilité du barème Macron avec certaines dispositions des conventions internationales ratifiées par la France, et estime que le barème est compatible avec ces dispositions.

Le barème, qui met en place des montants minimum et maximum d’indemnisation du licenciement sans cause réelle ni sérieuse, variant en fonction de l’ancienneté du salarié, est donc sauvé !

Ce sauvetage ne surprendra pas. On pouvait en effet raisonnablement parier que la Cour de cassation adopterait cette position.

Tout d’abord, il fallait mettre un terme aux décisions divergentes des conseils de prud’hommes sur le sujet, sécurité juridique oblige.

La Cour tranche d’abord sur la question de l’applicabilité directe, appelée effet horizontal dans le jargon juridique, des dispositions conventionnelles en cause : les salariés qui ont été licenciés de manière injustifiée peuvent-ils se prévaloir directement de ces dispositions devant le juge contre l’employeur pour écarter le barème ?

Sans surprise, en usant d’arguments connus, et en suivant l’avis de l’avocat général, la Cour de cassation estime que l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT est d’application directe et que l’article 24 de la Charte sociale européenne ne l’est pas, car la marge d’appréciation laissée aux Etats pour mettre en œuvre l’article 24 est trop importante pour qu’elle puisse créer un droit dont les salariés peuvent se prévaloir directement contre leur ancien employeur.

La position qu’elle prend est inédite : jamais jusque-là, elle ne s’était prononcée.

Cette position sera à coup sûr critiquée car l’article 10 comme l’article 24 sont rédigés en termes identiques et posent l’un et l’autre le principe d’une indemnisation « adéquate » en cas de licenciement injustifié.

Enfin, sur le fond, et en suivant là encore un chemin bien balisé, la Cour de cassation estime que le barème Macron n’entre pas en contradiction avec les dispositions de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui posent le principe du droit à un procès équitable, car le barème n’entrave pas l’accès au juge mais limite seulement les possibilités d’indemnisation.

Dernier acte du sauvetage : le barème est bien conforme à l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT.

Les arguments invoqués ne surprennent pas :

Fin de l’histoire ?

Nous ne le pensons pas. Ceux qui se sont déjà aventurés à prédire la fin de l’histoire se sont trompés.

La première bataille contre le barème qui visait à le mettre à terre a été livrée et perdue. Une deuxième bataille va commencer, celle consistant à user de tous les stratagèmes possibles pour contourner le barème, pour sortir de son champ et découvrir de nouveaux territoires, enfin affranchis du barème.

Comment contourner le barème ? Deux méthodes possibles.

Première méthode

Le salarié prétend que son licenciement n’est pas injustifié ou sans cause réelle ni sérieuse mais nul, c’est-à-dire illicite, en particulier, parce qu’il est discriminatoire, parce qu’il a été victime d’un harcèlement moral ou parce qu’il y a atteinte à une liberté fondamentale.

Ainsi, le salarié qui tient des propos désobligeants, mais mesurés à l’égard de son supérieur hiérarchique, ne pourrait-il prétendre qu’il ne fait qu’user de sa liberté d’expression, et que son licenciement disciplinaire n’est pas injustifié mais nul ?

Seconde méthode

Le salarié estime que l’indemnisation allouée par le barème ne répare pas l’ensemble des préjudices qu’il subit. Il demande à être indemnisé de préjudices distincts de celui qui résulte de la perte de son emploi, réparé par le barème.

Cette voie n’est pas nouvelle, et la Cour de cassation accepte depuis longtemps de s’y engager en acceptant l’indemnisation du préjudice moral (le licenciement intervenu dans des conditions vexatoires) ou de la perte d’une chance (celle de n’avoir pu bénéficier, à cause du licenciement, d’une pension de retraite supplémentaire, par exemple). On peut parier que cette voie sera davantage explorée et exploitée à l’avenir : ainsi, le salarié licencié pour insuffisance professionnelle, et qui n’a pas été formé au cours de sa carrière dans l’entreprise, ne pourrait-il prétendre que l’employeur a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail en procédant à son licenciement ?

On le voit bien. La guerre contre le barème n’est pas terminée. Et les juges n’en n’ont pas fini. Les avocats et les journalistes pas davantage…

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