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Brexit : quels impacts sur la vie de vos contrats en cours et comment s’y préparer ?

Homme signant un contrat

Le 12 avril 2019, sauf accord de séparation, le Royaume-Uni sortira purement et simplement de l’Union européenne.

Les entreprises françaises ont bien conscience des multiples bouleversements commerciaux et économiques qui découleront du Brexit (rétablissement des droits de douane, apparition de nouvelles contraintes en matière d’exportation, non-reconnaissance de certains labels, etc.). Toutefois, elles n’anticipent pas forcément les répercussions que ces bouleversements pourront avoir sur leurs contrats commerciaux comme notamment l’augmentation substantielle du coût du contrat résultant du rétablissement des droits de douane ou du risque de variation du taux de change, les potentiels cas d’inexécutions contractuelles engendrés par l’impossibilité de livrer certains produits ou par le rallongement des délais de livraison. Les impacts commerciaux du Brexit auront nécessairement des conséquences juridiques non anticipées par les cocontractants au moment de la conclusion du contrat et seront susceptibles de bouleverser son économie générale.

Dès lors, le cocontractant pour qui l’exécution du contrat est devenue particulièrement désavantageuse pourrait-il forcer son partenaire à renégocier le contrat ? Ou pourrait-il décider, compte tenu des impacts du Brexit, de résilier le contrat de manière unilatérale ? A l’inverse, le cocontractant qui se retrouve, de manière parfaitement involontaire, en violation de ses obligations contractuelles risquera-t-il la résiliation de son contrat par son partenaire ?

La première étape pour savoir s’il est possible de renégocier ou de résilier le contrat consiste à étudier les clauses du contrat afin d’identifier d’éventuels mécanismes de renégociation ou de sortie prévus par les cocontractants. Par exemple, les cocontractants ont pu insérer une clause d’imprévision, une Material Adverse Change (MAC) clause , une clause de force majeure ou encore des clauses spécifiques prévoyant des possibilités de renégociation/résiliation en cas de réalisation d’un événement précis (variation du taux de change, changement de cadre réglementaire…). S’ils ont été particulièrement prévoyants, les cocontractants ont peut-être même négocié une « Brexit clause », autorisant la renégociation ou la résiliation du contrat en cas de Brexit. L’avantage de recourir à un mécanisme contractuel résulte principalement en ce qu’il pourrait permettre une renégociation amiable du contrat.

Si de telles clauses ont été prévues dans le contrat, il conviendra encore de s’assurer qu’elles peuvent effectivement s’appliquer à la situation du Brexit. Selon la rédaction de la clause (en particulier pour les clauses d’imprévision, de force majeure ou les MAC clauses), il sera nécessaire de démontrer que l’événement permettant d’actionner la clause était imprévisible à la date de conclusion du contrat. Or, si cette argumentation pourrait être avancée pour les contrats conclus avant la date du référendum, la question sera plus délicate pour les contrats conclus après le référendum du 23 juin 2016.

Enfin, si aucune clause contractuelle ne peut être utilisée, il sera toujours possible de recourir aux théories générales prévues en droit français et en droit anglais et autorisant l’un ou l’autre des cocontractants, même en l’absence de clause contractuelle, à renégocier ou résilier le contrat (théorie de l’imprévision ou de la frustration, force majeure, ou encore principe de bonne foi contractuelle).

Concernant la théorie de l’imprévision, cette dernière existe à la fois en droit anglais (frustration) et en droit français (article 1195 du code civil). Ce mécanisme permet à une partie de demander une nouvelle négociation en cas de « changement imprévisible de circonstances », c’est-à-dire dès lors qu’un événement de nature politique, économique ou juridique survient et rend l’exécution de ce dernier excessivement onéreuse pour cette partie. En cas d’échec des négociations, le juge, à la demande conjointe des cocontractants, pourra réviser le contrat ou y mettre fin. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge aura le pouvoir, à la demande d’un seul des cocontractants cette fois, de réviser le contrat ou d’y mettre fin. Le mécanisme du code civil permettrait ainsi, en principe, de forcer son cocontractant à renégocier les termes du contrat. Cependant, le recours à la théorie de l’imprévision demeure risqué compte tenu du fort pouvoir d’appréciation et de révision du juge.

La théorie dite de la force majeure, quant à elle, n’existe qu’en droit français (article 1218 du Code civil) et ne pourra donc être utilisée que si le contrat est soumis au français. Cette théorie permet à un cocontractant de se délier de sa responsabilité contractuelle et de sortir du contrat dès lors qu’un événement irrésistible, imprévisible et indépendant de sa volonté survient et empêche ledit cocontractant d’exécuter ses obligations contractuelles. Cependant, la qualification d’un événement de force majeure relève de l’appréciation souveraine du juge. Or, il n’est pas certain que ce dernier considère que les conséquences résultant du Brexit constituent effectivement des cas de force majeure susceptibles d’éteindre les obligations respectives des cocontractants et justifiant la résiliation (sans faute) du contrat (et ce, surtout si les conséquences du Brexit sont exclusivement d’ordre économique). Enfin, il pourrait être déduit de l’obligation générale de bonne foi en matière contractuelle, notion française seulement, qui s’impose à chacun des cocontractants, une obligation de renégociation en cas de déséquilibre majeur entre les droits et obligations des cocontractants. Là encore, cette piste est plus prospective que le reflet d’une jurisprudence établie et dépendra de l’appréciation souveraine des juges du fond.

S’il est donc certain qu’un cocontractant dont le contrat est bouleversé par le Brexit disposera d’armes, qu’elles soient contractuelles ou légales, pour renégocier ou sortir du contrat, il devra surtout s’armer de patience pour faire face aux contestations de son partenaire et au long – et coûteux – débat judiciaire qui pourrait s’en suivre.

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