Le Conseil d’État juge que la cession, à prix minoré, des titres d’une société au profit de son dirigeant, immédiatement suivie de leur revente au même prix à un autre actionnaire, moyennant un crédit-vendeur, doit s’analyser comme une cession unique. En conséquence, l’Administration ne saurait imposer entre les mains du 1er cessionnaire la somme correspondant à la minoration du prix des titres cédés (ni sur le fondement des dispositions de l’article 109, 1, 1° du CGI, ni sur celles de l’article 111, c du CGI).
Rappel
Peut-être requalifié en avantage occulte constitutif d’une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c de l’article 111 du CGI, l’avantage octroyé en cas de vente à prix minoré, lorsque l’écart constaté ne comporte pas de contrepartie. L’inscription en comptabilité ne suffit pas à écarter une telle qualification, si elle ne révèle pas, par elle-même, la libéralité (CE, 28 février 2001, n°199295, Thérond ; CE, 7 septembre 2009, n°309786, Simon-Bigard).
Dans cette hypothèse, il appartient à l’Administration d’établir l’existence, d’une part, d’un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien et, d’autre part, de l’intention d’octroyer une libéralité et, pour le bénéficiaire, de la recevoir.
L’histoire
À la suite de l’échec d’un projet industriel, les actionnaires minoritaires d’une société ont souhaité se retirer de son capital.
Dans ce contexte, le PDG de ladite société a acquis une partie des titres, mais seulement pour permettre la montée au capital d’un autre actionnaire, qui ne disposait pas des fonds nécessaires pour acquérir l’intégralité des titres considérés. Aussi, le même jour, lui a-t-il revendu les titres ainsi acquis, sans plus-value, en lui octroyant un crédit-vendeur (remboursé avant les opérations de contrôle).
L’Administration a estimé que la 1re cession avait été réalisée à un prix minoré (mise en évidence d’un écart significatif – non contesté – entre la valeur de cession des titres et leur valeur vénale), et a entendu imposer entre les mains du dirigeant l’avantage ainsi octroyé, sur le fondement de l’article 111, c du CGI.
S’en est alors suivi un long contentieux, avant que l’affaire ne soit portée devant le Conseil d’État, dans le cadre d’un second pourvoi en cassation.
La décision du Conseil d’État
Statuant au fond après 2de cassation, le Conseil d’État juge que l’opération ne peut pas s’analyser comme la réalisation de 2 cessions successives, mais doit être regardée comme procédant d’une cession unique au profit du second cessionnaire, grâce à un prêt consenti par le premier.
Aussi, la simple qualité de prêteur du dirigeant dans cette opération fait obstacle à ce qu’en l’absence d’intention de l’actionnaire cédant de lui octroyer une libéralité, et pour lui, de recevoir une telle libéralité, la somme correspondant à la minoration du prix des titres soit imposée entre ses mains sur le fondement de l’article 111, c du CGI (distributions occultes).
Eu égard à cette même qualité de prêteur, le dirigeant ne peut davantage être regardé comme ayant appréhendé la somme en cause, au sens et pour l’application de l’article 109,1,1° du CGI (revenus réputés distribués – l’Administration avait sollicité, en cours de procédure, une substitution de base légale ; voir aussi CE, 2 juillet 2025, n°497945).
