Le Conseil d’Etat rappelle, dans une décision du 14 octobre, que les recherches dans le domaine du droit ne sauraient être exclues par principe du domaine d’application du CIR. Il juge cependant inéligibles les travaux d’une doctorante salariée sur les particularités de la procédure de divorce.
Rappel des faits
Les dépenses de personnel sont prises en compte dans l’assiette de calcul du CIR en raison de la qualification de ce personnel comme chercheur ou technicien de recherche. Ces dépenses sont admises dans l’assiette au titre du temps passé par ces personnels directement et exclusivement sur des activités éligibles (CGI, art 244 quater B, II b).
De plus, pour être considérées comme éligibles, ces activités doivent répondre aux 5 critères définis par le Manuel de Frascati, et correspondre à des activités de recherche fondamentale, de recherche appliquée et/ou de développement expérimental (CGI, annexe III, article 49 septies F).
La décision du Conseil d’Etat
Le litige portait sur la prise en compte, dans l’assiette du CIR au titre des années 2014 et 2015, des dépenses de personnel d’une doctorante en droit, salariée d’une société d’avocats, et réalisant des travaux de recherche sur les particularités de la procédure de divorce. Par un jugement du 12 juillet 2018, le TA de Bordeaux a rejeté la demande de restitution du CIR. L’appel a été rejeté par la CAA de Bordeaux le 9 juillet 2020.
Le Conseil d’Etat commence par rappeler les postes de dépenses à prendre en compte dans l’assiette du CIR ainsi que les conditions d’éligibilité des activités de recherche. Il ajoute que, bien que les recherches dans le domaine du droit ne sauraient être exclues par principe du champ d’application du CIR, « les recherches de nature juridique effectuées par une salariée au sein d’une société d’avocats, qui ont pour objet d’identifier les dispositions juridiques applicables et d’analyser une pratique juridique existante dans un domaine, ne peuvent ouvrir droit au bénéfice de ce crédit d’impôt à raison des dépenses de personnel y afférentes ».
En l’espèce, la nature des recherches réalisées par cette salariée ne peut être considérée comme une activité éligible.
Par conséquent, le Conseil d’Etat juge que les dépenses relatives à cette salariée n’ont pas à entrer en compte dans le calcul des dépenses éligibles au titre du CIR.
Les enseignements à tirer
Cette décision relative à l’éligibilité des dépenses de recherche en droit, et plus globalement aux recherches dans les sciences « molles », est inédite puisque nous disposons de peu de décisions sur le sujet. Elle vient confirmer les décisions n°12PA05144 et 13PA01264 de la CAA de Paris du 27 novembre 2014 qui avaient déjà jugé inéligibles les activités liées aux recherches de nature juridiques menées par une doctorante en droit.
Si la décision du Conseil d’Etat souligne que les recherches en matière de droit ne sauraient être, par principe, exclues du champ d’application du CIR, elle pose cependant la question de la fine frontière dans ces disciplines de la recherche éligible. Elle confirme globalement une approche assez restrictive de l’autorité judiciaire sur le sujet.
Plus largement, s’il sera utile de mieux cerner cela avec les conclusions de la rapporteuse publique, cet arrêt est susceptible de générer de nouvelles questions. Dans tous les domaines, il conviendra d’être vigilant quant à bien démontrer l’éligibilité des études de l’état de l’art, des techniques existantes, qui, souvent, sont préalables et parties intégrantes des projets de recherche et démontrer qu’elle sont orientées par une question ou une problématique de recherche qui les rendent indispensables. Si ces démonstrations sont apportées, il ne nous semble pas que l’arrêt du Conseil d’Etat remet, par principe, leur éligibilité en question.