Site icon Deloitte Société d'Avocats

La Commission européenne consulte les opérateurs sur le système européen de TVA

Commission Européenne

Ce mercredi 1er décembre, un « Livret vert » a été publié par la Commission Européenne, dont l’objet est de préparer le futur de la TVA. L’objectif ainsi poursuivi est de recueillir l’avis de toutes les personnes concernées par l’impôt (entreprises, particuliers, administrations, professionnels de la fiscalité) afin de préparer une refonte de grande envergure de la taxe communautaire.

Dans cette perspective, si la Commission donne des pistes de réflexion, elle ne ferme aucune porte, en invitant notamment les contributeurs à se prononcer aussi bien sur une liste de questions préétablies que sur tous sujets qu’ils trouveraient pertinents.

La nécessité d’une réforme

La TVA, réalisation communautaire par excellence, présente aujourd’hui une complexité qui nuit à son efficacité. Sa réforme est donc une nécessité, d’autant plus que l’impôt présente des avantages non négligeables pour les Etats.

En effet, une étude récente a démontré que le système TVA peut jouer un rôle majeur dans le renforcement du marché intérieur, sous réserve toutefois d’une réforme profonde de ses principaux éléments : la question de la remise en cause du « régime transitoire » en place depuis 18 ans est donc, ainsi, directement posée. Un nouveau système, plus fluide, pourrait ainsi contribuer à un rapprochement encore plus fort entre les Etats membres.

Par ailleurs, sur un plan budgétaire, la TVA présente des avantages majeurs par rapports aux autres sources de revenus. En premier lieu, elle constitue, sans conteste, une source de recettes majeure pour les Etats. Ensuite, et surtout, la récession économique actuelle a montré qu’alors que la crise entraînait une diminution des recettes en matière d’impôt sur le revenu ou sur les plus-values, la TVA a constitué une ressource budgétaire stable pour les Etats.1

Enfin, le système actuel donne prise à des fraudes massives, que les Etats comme la Commission tentent d’endiguer. Une simplification des règles permettrait une résorption massive des fraudes et, par suite, une augmentation de la productivité de l’impôt.

Afin d’atteindre ces objectifs, plusieurs pistes sont évoquées par la Commission, certaines ne traitant, spécifiquement, que des opérations intracommunautaires, les autres traitant de tous les aspects perfectibles du système actuel.

Le traitement des opérations intracommunautaire : taxation pays d’origine ou pays de destination ?

L’objectif poursuivi par la Commission Européenne lors de la mise en place du marché intérieur était de permettre une taxation des livraisons de biens et prestations de services dans le pays d’origine de la transaction. Cette modalité de taxation avait toutefois été rejetée par les Etats, lesquels avaient avancés trois arguments à l’appui de leur position :

Il est évident qu’aujourd’hui, ces arguments ont moins de poids qu’hier : ces dernières années, on a assisté à une convergence des taux applicables dans les différents Etats membres. Par ailleurs, les innovations technologiques récentes permettent la mise en place de systèmes informatiques fiables de répartition des produits de la taxe.

Par conséquent, les principaux obstacles à la mise en place d’une taxation dans le pays d’origine semblent avoir été levés. Reste néanmoins à s’interroger sur la pertinence d’un renversement complet des règles régissant le système.

Sur ce point, le Livre Vert ne ferme aucunement la discussion : même si la taxation pays d’origine semble aujourd’hui pouvoir enfin être mise en œuvre, la taxation pays de destination n’en présente pas moins un grand avantage : elle permet en effet de laisser une certaine liberté aux Etats dans la gestion de leur politique fiscale, sans créer pour autant de problèmes majeurs dans la gestion de la TVA afférente aux transactions intracommunautaires.

Pour autant, la taxation selon la règle du pays de destination n’en présente pas moins des limites, notamment des risques de fraudes non négligeables. A cet égard, une généralisation de l’auto-liquidation pourrait permettre une plus grande cohérence entre les régimes applicables en présence de transactions domestiques et de transactions intracommunautaires. Par ailleurs, il serait également envisageable de taxer les transactions intra-communautaires au taux et selon les règles de l’Etat de destination, cette règle présentant toutefois l’inconvénient d’augmenter considérablement le nombre de transactions dans lesquels un opérateur économique serait assujetti dans un Etat où il n’est pas établi.2

Les autres aspects dont la réforme est envisagée

La modification des règles pouvant introduire des distorsions de concurrence ou des difficultés d’application pour les opérateurs économiques sont envisagées. Ainsi, la question des règles applicables aux personnes publiques est-elle posée : avec l’augmentation des privatisations, la dérégulation d’activités autrefois réservées aux autorités publiques ou encore le développement des partenariats publics-privés, les règles TVA qui leurs sont applicables sont-elles encore adaptées ? Dans la même optique, est-il encore possible de justifier les règles relatives au transport de personnes intracommunautaires, celles-ci pouvant conduire à ce que le mode de transport utilisé induise une différence en matière d’imposition ? Plus encore, les exonérations de TVA frappant certains secteurs, soit pour des motifs d’intérêt publics, soit pour des motifs de difficultés techniques, sont-elles toujours justifiées ?3

De même, l’application, parfois large, de taux réduits, conduit à un rendement moindre de l’impôt. S’il est vrai que certaines de ces dispositions sont fondées sur des motifs d’intérêt général, il n’en demeure pas moins que la question de leur opportunité (ou de leur réel impact sur l’économie) doive être posée. A cet égard, le Livre Vert souligne que les biens bénéficiant de taux réduits ne sont pas identiques dans tous les Etats : à défaut de supprimer ces taux, l’établissement d’une liste communautaire unifiée des produits pouvant en bénéficier pourrait être susceptible d’améliorer la situation existante.

La question des droits à déduction, et plus spécifiquement de leur restriction, doit également être posée. A cet égard, une modification des règles de naissance de ces droits, laquelle ne serait plus liée à la livraison, mais au paiement effectif des biens, pourrait être mise en œuvre afin de limiter les pertes de TVA liées à l’insolvabilité des consommateurs. Cette question de l’insolvabilité est également envisagée sous l’angle plus spécifique des procédures de recouvrement de la taxe, une amélioration pouvant à cet égard passer par l’interposition d’établissements bancaires ou d’une personne certifiée, la mise en place d’une base de données centrale ou encore le stockage, par les opérateurs économiques de données TVA sécurisées.

Enfin, de nombreux points pourraient être améliorés pour simplifier le système, aussi divers que :

Le champ de la consultation est ainsi extrêmement large, et toutes les contributions acceptées : c’est donc une occasion unique de participer à la réforme nécessaire d’un impôt qui touche tout à chacun. A cet égard, le cabinet Deloitte Société d’Avocats souhaite faire parvenir à la Commission européenne une analyse des questions soulevées par celle-ci, fondée notamment sur les retours d’expériences des opérateurs économiques. Nous vous invitons donc à nous soumettre vos remarques, idées ou suggestions, afin que la refonte du régime de la TVA communautaire conduise à l’émergence d’un impôt plus simple, plus neutre et plus efficace.

 


 

1 D’un point de vue économique, l’impact de la fiscalité indirecte sur la croissance est moindre que celui de la fiscalité directe, comme le montre le rapport de l’OCDE sur Fiscalité et croissance économique – OECD Economics Department Working Paper N° 620 de 2008.
2 Pour d’autres pistes de réflexion sur les principes mêmes du régime TVA, voir M. AUJEAN, « Le système de TVA et le marché unique européen », Reflets et perspectives de la vie économique, 2010, n°2 et 3
3 Un rapport sur la fiscalité britannique mené par l’Institute for Fiscal Studies, sous la direction de James MIRRLEES, vient par ailleurs de démontrer qu’il est économiquement beaucoup plus efficace d’établir un impôt à la consommation sur une assiette large, puis de redistribuer les recettes par voie d’aides directes, que de pratiquer des exonérations de taxe, au rendement nettement moins performant.
4 Serait ainsi créé un « comité doté de pouvoirs réglementaires »
Exit mobile version