La CAA de Lyon fait siens les principes dégagés par le Conseil d’Etat dans sa décision « Collectivision » d’octobre 2023. Elle précise, de plus, que la qualité de holding animatrice d’une société ne dispense pas sa filiale de justifier de la réalité, de l’effectivité et de l’utilité des prestations qu’elle lui a facturées en exécution d’une convention de management.
Eléments de contexte
Par le passé, l’Administration a, à plusieurs reprises, pu remettre en cause, sur le terrain de l’acte anormal de gestion, la déductibilité des sommes versées par une filiale à sa société mère en exécution d’une convention de management couvrant les prestations de direction générale.
Ces redressements ont été confirmés par des juridictions du fond, lesquelles ont, en synthèse, reconnu l’existence d’un acte anormal de gestion, dès lors que les prestations considérées relevaient des fonctions du mandataire social et étaient donc considérées comme faisant « double emploi », peu important qu’il n’y ait pas eu double rémunération (notamment, CAA Nancy, 9 octobre 2003, n°9802182, SA Gamlor ou, plus récemment, CAA Paris, 6 novembre 2019, n°18PA02628, Self Media ou encore CAA Paris, 22 mars 2023, n°21PA04911, Media 6). Le fait que le mandataire ne soit pas rémunéré a, de plus, pu être regardé comme constituant un indice supplémentaire d’anormalité.
Le Conseil d’Etat n’a été amené à se prononcer que tardivement sur la question, dans le cadre de sa décision Collectivision (CE, 4 octobre 2023, n°466887). Il y a jugé que le versement d’honoraires en exécution d’une convention de management conclue entre 2 sociétés ayant des dirigeants communs n’était pas, en soi, constitutif d’un acte anormal de gestion.
L’histoire
Une société holding tête d’un groupe intégré a conclu, avec l’une de ses filiales (avec laquelle elle avait 2 dirigeants communs), un contrat d’animation et de prestations de services.
Dans ce cadre, elle s’engageait notamment à lui fournir une assistance et une coordination en matière de management et de développement d’activité, ainsi que son assistance et ses conseils en matière administrative, de ressources humaines, de comptabilité, de gestion, ou encore de fiscalité, en contrepartie d’une rémunération trimestrielle, forfaitaire et globale.
A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur l’exercice 2014, l’Administration a remis en cause la déductibilité par la filiale des rémunérations versées dans ce cadre, et a assorti le redressement de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
La décision de la CAA de Lyon
La CAA souligne d’abord qu’une société holding qui a pour activité principale (en plus de la gestion d’un portefeuille de participations), la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant, au bénéfice des filiales du groupe, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, doit être considérée comme animatrice de son groupe.
Elle juge cependant qu’il résulte du caractère facultatif de la fourniture de telles prestations, que la circonstance qu’une société soit animatrice du groupe ne saurait suffire, par elle-même, à attester de la réalité et de l’effectivité de prestations de services administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers facturées à une filiale.
Autrement dit, la société filiale ne pouvait ici se prévaloir de la qualité de holding animatrice de sa société mère pour se dispenser d’apporter des éléments de preuve étayés, relatifs à la nature des charges litigieuses, ainsi qu’à l’existence et la valeur de la contrepartie qu’elle en avait retirée.
La Cour souligne, de plus, que la société holding ne disposait, en tout état de cause, pas des ressources nécessaires pour fournir les prestations litigieuses, contrairement à la filiale, qui employait, elle, une dizaine de salariés répartis en 4 pôles (commercial et marketing, travaux, développement, comptabilité).
La CAA de Lyon se place ensuite sur le terrain de la jurisprudence Collectivision.
Elle rappelle ainsi que la conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d’une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires, rémunérer indirectement le dirigeant et qu’ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d’un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt.
Au cas d’espèce, les dirigeants de la filiale (qu’elle partageait avec sa société mère) n’étaient pas rémunérés par ses soins. Néanmoins, elle n’apportait aucun élément de nature à établir que ses organes dirigeants auraient, par la conclusion de la convention litigieuse, entendu les rémunérer indirectement.
La Cour confirme donc la non-déductibilité des rémunérations considérées, ainsi que l’application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. Elle relève, à cet égard, que la comptabilisation des prestations en litige avait permis à la requérante de minorer de manière significative sa charge d’impôt sur le résultat, alors « qu’elle savait que ces sommes n’étaient pas engagées dans l’intérêt de l’entreprise » et avait ainsi créé « une situation lui permettant de réduire sa matière imposable, tout en donnant à sa comptabilité, régulière en la forme en présence de factures, une impression de sincérité ».