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Coup de frein de la Cour de cassation à la remise en cause du calcul de la participation par les syndicats

Photo de la Cour de Cassation

Dans une décision du 28 février 2018, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 2 février 2016.

Dans une décision rendue le 28 février 2018 (pourvoi n°16-50.015), la chambre sociale de la Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 2 février 2016 qui avait admis que le montant de la réserve spéciale de participation peut être remis en cause par le juge judiciaire saisi par des syndicats lorsque l’employeur a commis une fraude.

Cet arrêt de la Cour d’appel avait ouvert la porte à une remise en cause du calcul de la participation pour sanctionner le comportement frauduleux de l’employeur.

Dans son arrêt du 2 février 2016 Wolters Kluwer France (WKF), la Cour d’appel de Versailles avait déclaré bien fondée l’action intentée par des syndicats pour contester le calcul de la réserve spéciale de participation par l’employeur : celui-ci avait procédé à une opération de restructuration qui avait eu pour effet, compte tenu d’un emprunt qu’il avait souscrit, d’empêcher le versement de toute participation aux salariés.

La Cour avait estimé que cette opération de restructuration était constitutive d’une manœuvre frauduleuse et l’avait donc déclaré inopposable dans ses effets sur le montant de la réserve spéciale de participation. Conséquence : la réserve devait être reconstituée, avec la réintroduction dans le bénéfice net des sommes soustraites abusivement à ce bénéfice du fait des charges de l’emprunt.

C’est la décision cassée par la Cour de cassation.

La Cour estime que le montant du bénéfice net ne peut être remis en cause par le juge judiciaire, saisi par des syndicats, lorsque ce montant a été certifié par une attestation du commissaire aux comptes, quand bien même une fraude ou un abus serait invoqué par les syndicats.

La décision était très attendue compte tenu de la montée croissante du contentieux sur la participation, les syndicats ou représentants du personnel contestant le montant du bénéfice net retenu pour le calcul de la participation, aux motifs qu’il aurait été frauduleusement obtenu.

Que penser de cette décision ?

C’est tout d’abord une décision juridiquement fondée. C’est ensuite une décision sage et judicieuse. Elle doit donc être approuvée sans réserves.

La décision de la Cour de cassation apparait à la fois fondée et judicieuse

La décision de la Cour de cassation apparait à la fois fondée et judicieuse

Une décision juridiquement fondée

L’arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2018 est conforme à la jurisprudence constante de la Cour de cassation ainsi qu’aux textes.

L’article L 3326-1 du Code du travail dispose que « le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l’entreprise sont établis par une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l’occasion des litiges nés de l’application du présent titre ».

La Cour de cassation a toujours fait une application rigoureuse de ce texte, en interdisant, en présence d’une attestation valablement rédigée, toute contestation du montant du bénéfice net ou des capitaux propres, que cette contestation émane de salariés ou de représentants du personnel : comité d’entreprise ou syndicats, signataires ou non.

Dans sa décision, la Cour de cassation réaffirme la force de l’article susvisé, en rappelant, pour fermer la porte à toute dérogation possible, son caractère d’ordre public absolu.

Une décision sage et judicieuse

La décision de la Cour de cassation est à la fois respectueuse du principe de la séparation des pouvoirs et du principe de sécurité juridique.

En interdisant au juge judiciaire de remettre en cause le calcul de la réserve spéciale de participation, la Cour de cassation fait une application rigoureuse du principe de la séparation des pouvoirs : le bénéfice net qui sert de base au calcul de la réserve de participation est établi par l’employeur, sous le contrôle de l’administration fiscale et du juge administratif ; le juge judiciaire n’est donc pas compétent pour porter une appréciation sur le bénéfice net, lorsque ce dernier a fait l’objet d’une attestation valablement rédigée du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des impôts.

Le contrôle opéré par l’administration fiscale et le juge administratif sur le bénéfice net pourra conduire à une rectification des résultats de l’entreprise et au versement d’un complément de participation (article D 3324-40 du Code du travail). L’éventuelle fraude de l’employeur dans la détermination du bénéfice net ne restera donc pas impunie.

La décision de la Cour de cassation conforte également la sécurité juridique des entreprises.

Si la Cour de cassation avait admis, comme l’avait fait la Cour d’appel, que le juge judiciaire pouvait remettre en cause le montant du bénéfice net, les entreprises auraient été placées dans un imbroglio juridique et une situation ubuesque. Une entreprise, avec deux résultats distincts, quand il ne peut en exister qu’un seul.

Ainsi, une entreprise aurait pu être contrainte de modifier son bénéfice net parce que le juge l’aurait condamnée à le faire alors même qu’elle aurait fait l’objet dans le même temps d’un contrôle fiscal qui n’aurait pas conduit à une rectification de son résultat. Pire : le juge judiciaire aurait pu rectifier le bénéfice net dans des proportions différentes de celles décidées par l’administration fiscale ou le juge administratif.

La remise en cause du bénéfice net par le juge judiciaire, fût-elle limitée à la fraude, aurait conduit à une multiplication des actions judiciaires avec un impact financier significatif et à accroître l’insécurité juridique, quand l’époque commande qu’elle doit être bannie.

La Cour de cassation a donc sagement refermé la boite de Pandore ouverte imprudemment par la Cour d’appel. Sa décision mérite donc d’être pleinement approuvée.

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