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CVAE : Déductibilité des intérêts pris en charge par une société vendant des biens à crédit

Photo du Conseil d'Etat

Le Conseil d’État juge que la prise en charge par une société des intérêts liés à un crédit contracté par ses clients pour l’achat de ses produits constitue un avantage tarifaire. Aussi, les sommes correspondantes doivent être déduites pour le calcul de la valeur ajoutée pour la détermination de la CVAE.

L’histoire

Une société propose à ses clients, dans le cadre de sa politique commerciale, des crédits à taux préférentiel mis en place par une des sociétés du groupe, pour l’acquisition des machines agricoles qu’elle commercialise et prend à sa charge, à ce titre, une partie des intérêts de ces crédits.

Comptablement, elle a inscrit ces intérêts, qui lui ont été facturés par sa société liée, en charges financières, mais a considéré que, pour la détermination de la valeur ajoutée soumise à la cotisation minimale de taxe professionnelle (2009) et à la CVAE (2010 et 2011), ils devaient s’analyser comme une réduction du prix de vente, déductible de l’assiette de la valeur ajoutée.

L’Administration a remis en cause cette analyse, suivie en cela par les juges du fond, considérant que ces dépenses étaient, conformément à la comptabilisation retenue par la société, constitutives de charges financières, non déductibles de la valeur ajoutée (pour la grande majorité des entreprises à tout le moins).

La décision

Le Conseil d’État rappelle, à titre liminaire, que les dispositions de l’article 1586 sexies du CGI définissant la valeur ajoutée doivent s’interpréter par référence aux normes comptables en vigueur au cours de la période d’imposition (CE, 4 août 2006, n°267150, Sté Foncière Ariane et CE, 9 mai 2018, n°388209, Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Pyrénées Gascogne, solution rendue en matière de taxe professionnelle, puis transposée à la CVAE, CE, 29 juin 2018, n°416346, SAS Compagnie d’exploitation et répartition pharmaceutique de Rouen).

Il relève ensuite que les réductions sur ventes et rabais, remises et ristournes, interprétés à la lumière des comptes 609 et 709 « rabais, remises, ristournes » du PCG, s’entendent des avantages tarifaires consentis par les entreprises en vue de faciliter les ventes.

À cet égard, la prise en charge par une entreprise des intérêts liés à un crédit contracté par ses clients pour l’achat de ses produits qui a pour effet de diminuer le coût effectif pour les clients de leurs achats, constitue bien « un avantage tarifaire consenti à leur profit en vue de faciliter les ventes ».

Il en conclut qu’en l’absence de norme comptable obligatoire, alors même qu’une telle dépense serait comptabilisée comme une charge financière, et non comme une réduction sur vente, les sommes correspondantes doivent être déduites de la valeur ajoutée.

Pour mémoire, le Conseil d’État a déjà remis en cause, par le passé, la classification comptable retenue par le contribuable (requalification en produits courants des sommes issues de la cession d’immobilisations corporelles, CE 6 décembre 2006, n°280800, Sté Algeco, requalification en produits courants des cessions de contrats de joueurs, CE 6 décembre 2017, n°401533, Sté Paris Saint-Germain Football club).

Il a également jugé qu’à défaut de règle comptable impérative, le mode de comptabilisation retenu par le contribuable pouvait être écarté au profit de celui qui est conforme à la loi fiscale (CE, 4 août 2006, n°267150 et n°270961).

Avis du praticien – Nathalie Aymé

Le Conseil d’État fait preuve, contrairement à la Cour, de réalisme économique en examinant au-delà du plan de compte visé par le CGI, la nature sous-jacente véritable des charges exposées par la société. Il apparaissait des faits que les intérêts en question ne pouvaient pas rémunérer la mise à disposition d’argent, puisque la société Claas France ne bénéficiait pas elle-même des prêts concernés, ni même ne bénéficiait d’un avantage de trésorerie lié à la remise directe, par la société prêteuse, de la part du prix de vente des machines correspondant à l’emprunt contracté par le client. On notera cependant qu’une telle analyse n’était au cas présent rendue possible que par l’existence en comptabilité d’une option pour une comptabilisation différente, et non d’une obligation d’enregistrer l’opération en résultat financier. Les entreprises ayant recours aux prêts à taux bonifiés dans le cadre de leur politique commerciale pourront utilement revoir le calcul de la valeur ajoutée pour la CVAE au titre des derniers exercices pour le cas échéant formuler une réclamation sur ce fondement. 

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