Pour rappel, la Directive DAC 6 a été transposée par l’adoption fin 2019 des articles 1649 AD à 1649 AH du CGI. Au printemps dernier, l’administration fiscale a soumis à consultation publique ses commentaires publiés dans 2 BOFIP distincts.
Le 25 novembre 2020, l’administration fiscale a publié au BOFIP une version finalisée de ses commentaires portant sur le champ et les modalités d’application de la réglementation DAC 6 ainsi que sur les marqueurs.
Si ces commentaires définitifs de l’Administration ne comportent pas de modifications substantielles par rapport aux projets publiés pour consultation, ils apportent toutefois quelques précisions bienvenues (bien que très insuffisantes).
Vous trouverez ci-après les principaux points de ce BOFIP définitif qui ont retenu notre attention.
Pour rappel, une obligation déclarative DAC 6 nécessite la réunion des éléments suivants :
Dispositif + transfrontière + 1 marqueur + 1 intermédiaire/ou 1 contribuable = DAC 6
Qu’est ce qui rentre dans le champ d’application ?
Dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration
Dispositif transfrontière
Pour mémoire, un dispositif est réputé transfrontière dès lors que les 2 conditions suivantes sont réunies : (1) le dispositif concerne la France et un autre État ET (2) la résidence ou l’activité d’un participant au dispositif se situe dans 2 États distincts.
Désormais, sont considérés comme des « participants au dispositif » :
- Le contribuable concerné
- Les entreprises associées lorsqu’elles sont actives dans le dispositif
- Toute autre personne ou entité qui est active dans le dispositif
En ce qui concerne donc la 2e condition (de résidence ou d’activité des participants dans 2 États distincts), permettant de caractériser un dispositif transfrontière, on notera que :
- Les intermédiaires ne sont plus visés comme potentiels « participants » au dispositif – ce qui est en conformité avec la Directive
- Il a été précisé que les entreprises associées et toute autre personne ou entité peuvent être considérées comme « participants » au dispositif dès lors qu’elles sont « active(s) dans le dispositif(s) ». En cohérence avec cette précision, l’exemple illustratif du caractère transfrontière d’un dispositif a été modifié
- Il n’est plus expressément fait référence à la France au titre des 2 États distincts de résidence ou d’activité des participants – en vertu de la 1re condition, il suffirait donc que le dispositif « concerne la France », et non plus également qu’un des participants au dispositif ait sa résidence ou son activité en France.
Les marqueurs
Pour rappel, un dispositif transfrontière n’est déclarable que pour autant qu’il contienne un des 19 marqueurs prévus. Certains de ces marqueurs nécessitent un objectif principalement fiscal, d’autres non. Le BOFIP apporte de nouvelles précisions sur certains marqueurs.
A.1 (clause de confidentialité) :
Le BOFiP précise que l’interdiction de divulguer doit porter sur les informations relatives à l’ingénierie fiscale du dispositif.
A.3 (document et/ou structure normalisé) :
L’Administration apporte les principales modifications et précisions sur l’exemple illustratif, mentionné au titre de ce marqueur qui avait suscité de vives critiques,
- Le PEA est souscrit auprès d’une banque (et non plus une entreprise d’investissement)
- La souscription au capital par les cadres du groupe sont faites à la valeur nominale qui est par hypothèse inférieure à la valeur réelle (nouvelle donnée)
- Les actions acquises souscrites bénéficient d’une promesse d’achat de la part d’une société holding du groupe, la société Z (entité non mentionnée précédemment), elle aussi résidente de l’État B.
Par ailleurs, concernant le cas particulier des produits bancaires reposant sur une documentation normalisée, le BOFiP exclut du champ du marqueur A.3 les procédures normalisées qui recourent à une documentation standardisée ou des modèles d’accords-cadres, telles que certaines opérations routinières de marché (Exemple : acquisition d’instruments financiers négociés en bourse).
B.2 (conversion de revenus en catégories moins taxées ou exonérées) :
L’exemple 3 relatif aux obligations accompagnées d’une option de conversion a été supprimé.
C.1 (multi-marqueurs) :
A titre liminaire, il convient tout d’abord de relever que,
- Marqueur C.1. b) i), i.e. le bénéficiaire réside dans une juridiction qui ne lève pas d’IS ou un IS presque nul : reste considéré comme IS « presque nul » l’IS dont le taux effectif d’imposition est inférieur à 2 %. La France est un des rares pays à faire référence au TEI vs taux d’impôt applicable.
- Marqueur C.1. c), i.e. le bénéficiaire réside dans une juridiction qui exonère totalement le paiement : La notion d’exonération reste quasiment inchangée, ce qui n’est pas sans poser de sérieuses difficultés. En effet, rappelons qu’elle a un champ d’application extrêmement large et vise notamment « les paiements qui ne donnent lieu à aucune imposition en raison d’un abattement, d’une compensation ou d’une déduction de pertes ou d’autres charges déductibles ».
Par ailleurs, l’administration fiscale précise que la notion de « bénéficiaire » obéit à des règles spécifiques lorsque la société est :
- une société ou un groupement soumis au régime d’imposition prévu à l’article 8 du CGI
- un organisme de placement collectif (OPC) relevant de l’article L. 214-1 du Code monétaire et financier (CoMoFi) et de l’article L. 214-191 du CoMoFi (organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et fonds d’investissement alternatifs (FIA))
- ou une société, un groupement, ou un organisme de même nature constitué sur le fondement du droit de l’Union européenne et situé dans un État membre de l’Union européenne (UE).
Dans ces cas, le bénéficiaire est l’actionnaire, l’associé ou le porteur de parts de la société transparente.
C.2 (déductions du même amortissement d’un actif dans plusieurs juridictions) :
L’administration précise que le marqueur s’applique lorsque la déduction fiscale au titre de l’amortissement d’un même actif est demandée dans plus d’une juridiction sans qu’un double produit ait été enregistré comptablement et fiscalement. Par conséquent, en cas d’option pour le dispositif américain dit « check the box », la déduction au titre du même amortissement en France et aux États-Unis ne devrait pas, par elle-même, déclencher l’application de ce marqueur.
C.4 (transfert d’actifs avec des écarts significatifs d’évaluation) :
L’administration fiscale précise que ne sont pas visées par ce marqueur les opérations de fusions et assimilées conformément à la Directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre. Un apport d’actif isolé est en revanche visé.
E.3 (transfert intragroupe d’actif/fonction/risques avec un impact > 50 % de l’EBIT du cédant dans les 3 ans) :
Une série d’éléments concernant l’interprétation ce marqueur est apportée :
– Le bénéfice avant intérêts et impôt annuel (ou EBIT – earnings before interest and taxes) s’entend ici comme le résultat d’exploitation tel que défini par le plan comptable général.
– L’appréciation de la baisse du résultat s’effectue compte tenu des éléments d’informations disponibles au moment du transfert, et la baisse doit être inhérente aux fonctions/risques et/ou actifs transférés.
– Ne sont pas visées par ce marqueur les opérations de fusions et assimilées conformément à la Directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre.
Caractère déclarable
Le BOFIP rappelle que le caractère déclarable d’un dispositif résulte de la réunion des conditions et critères objectifs déterminés par les II et III de l’article 1649 AD du CGI, en vertu desquels ce dispositif est réputé « potentiellement agressif ».
Toutefois, il mentionne de façon bienvenue que l’obligation déclarative ne présuppose (i) ni le caractère effectivement « agressif » du dispositif en cause (ii) ni son illégalité, l’Administration demeurant soumise aux règles de procédure en vigueur en matière de contrôle fiscal, et notamment à celles inhérentes à la charge de la preuve.
Qui doit déclarer ?
Personne tenue d’effectuer la déclaration (ou déclarant)
Les intermédiaires
Notion d’intermédiaire
A la suite des commentaires remontés par les organismes professionnels des avocats, le BOFIP précise que lorsqu’une personne physique est associée ou liée par un contrat de collaboration ou de prestation de services à une structure dotée ou non de la personnalité juridique et fiscale (par exemple, un cabinet d’avocats) et agit au nom de cette dernière ou pour son compte, c’est la structure, représentée par une personne dûment habilitée, qui doit être considérée comme l’intermédiaire déclarant.
Catégories d’intermédiaires
Pour rappel, 2 catégories co-existent : (1) les intermédiaires « concepteurs » et (2) les intermédiaires « prestataires de services ». La qualification impacte le point de départ du délai de 30 jours pour respecter les obligations déclaratives.
(1) Pour la 1re catégorie d’intermédiaire, le BOFIP précise que dans un groupe de sociétés, la société mère ou tout autre société du groupe qui conçoit/organise un dispositif déclarable peut être considérée comme un intermédiaire « concepteur ».
(2) En ce qui concerne l’intermédiaire « prestataire de services », pour rappel, est considérée intermédiaire prestataire de service toute personne qui en fonction des faits et circonstances, de son expertise etc. sait ou pourrait raisonnablement savoir qu’elle s’est engagée à fournir une assistance/conseil etc. sur la conception/organisation et d’un dispositif déclarable. Le BOFIP introduit une possibilité aux intermédiaires de rapporter la preuve contraire : « toute personne a le droit de fournir des éléments prouvant qu’elle ne savait pas et ne pouvait raisonnablement être censée savoir qu’elle participait à un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration. A cette fin, cette personne peut invoquer tous les faits et circonstances pertinents ainsi que les informations disponibles et son expertise et sa compréhension en la matière ».
Le point obscur restant encore de savoir comment valablement apporter cette preuve négative en pratique…
Secret professionnel
Pour rappel, l’intermédiaire soumis au secret professionnel sanctionné pénalement, est tenu de demander à son client d’être libéré de ce secret pour pouvoir effectuer la déclaration DAC 6. Le BOFIP précise que la notification peut être effectuée par courrier – et non plus par lettre – recommandé avec avis de réception (classique ou en ligne) en courrier suivi ou par tout autre moyen. Autrement dit, la LRAR ou la lettre suivie, ne sont plus les seuls moyens de notification visés.
Le BOFiP vient également préciser les étapes liées à la levée du secret professionnel et à la déclaration.
Ainsi, selon nous :
- l’intermédiaire soumis au secret professionnel, doit informer son client et prendre toute disposition pour que celui-ci soit en mesure de lui faire part de sa décision de lever le secret professionnel, au plus tard la veille du jour où le dispositif devrait être déclaré (i.e. max J+30).
- l’accord du client devrait faire courir un nouveau délai de 30 jours pour que l’intermédiaire procède à la déclaration.
- le client est censé répondre avant l’issue du délai de 30 jours applicable à l’intermédiaire. Cependant, si le client notifie son accord pour la levée du secret professionnel au-delà de ce délai de 30 jours, il est toléré que le délai de 30 jours de souscription de la déclaration s’applique à compter du jour où l’intermédiaire obtient cet accord.
L’accord ou le désaccord du client s’effectue de manière expresse, par tout moyen.
Enfin, si le délai écoulé entre la date d’envoi de la 1re notification et celle de la déclaration du dispositif excède 90 jours, il incombe au déclarant de pouvoir en justifier par tout moyen.
Si le client refuse la levée du secret professionnel, l’intermédiaire notifie à son client toutes les informations en sa possession lui permettant d’effectuer sa déclaration, dont le résumé du contenu du dispositif dans la mesure du possible en anglais.
Contribuable concerné
Le BOFiP précise désormais que dans le cas d’une société de personnes ou d’une autre entité fiscalement transparente, les contribuables concernés sont le ou les associés de ces structures à moins que la structure n’ait opté pour un régime fiscal prévoyant une imposition propre.
Quand faut-il déclarer ?
Fait générateur
Pour les contribuables concernés, des 3 événements susceptibles de déclencher l’obligation déclarative (mise à disposition, dispositif prêt à être mis en œuvre, ou 1re étape de mise en œuvre), il est ajouté que la date du plus ancien des 3 évènements est retenue pour le calcul du délai de 30 jours.
Comment faut-il déclarer ?
Modalités déclaratives
Le BOFIP confirme la déclaration sur l’espace personnel impot.gouv du déclarant disponible à compter du 1er janvier 2021. A ce stade, seule la saisie manuelle semble disponible.
Que faut-il déclarer ?
Contenu de la déclaration
Etendue de l’obligation déclarative
Il est de nouveau indiqué que le fait que l’Administration ne réagisse pas face à un dispositif ayant fait l’objet d’une déclaration ne vaut pas approbation de la validité ou du traitement fiscal de ce dispositif.
Eléments à déclarer
Le BOFiP vient préciser un certain nombre de champs quant au contenu de la déclaration :
- Identification des entreprises associées : le déclarant indique, pour chaque contribuable concerné, les entreprises qui lui sont associées dans la mesure où elles ont participé au dispositif. A l’inverse, les entreprises associées n’ayant pas participé au dispositif n’ont pas à être déclarées.
- Informations détaillées sur les marqueurs : l’Administration précise que cette information est saisie en français, mais qu’il est recommandé qu’elle soit également rédigée en anglais. Cette recommandation est également mentionnée pour le résumé du contenu du dispositif.
- Informations détaillées sur les dispositions juridiques applicables au dispositif : il est précisé que la simple référence au texte de loi est insuffisante et il recommandé que l’information soit rédigée en français mais également en anglais.
- Identification de toute autre personne susceptible d’être concernée par le dispositif : il est désormais précisé que celle-ci doit être dans un État membre de l’UE. Par ailleurs, s’il doit s’agir d’un tiers concerné par le dispositif, que ce soit une personne physique, morale, ou toute autre entité qui n’est ni un intermédiaire, ni un contribuable concerné, ni une entreprise associée, celui-ci doit prendre activement part au dispositif (caractère « actif » qui fait également l’objet d’un ajout dans les commentaires définitifs).