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Décision implicite de rejet de réclamation : le contribuable peut saisir le tribunal administratif sans aucune limitation de délai

Photo du Conseil d'Etat

En présence d’une décision implicite de rejet de réclamation, tant que l’Administration ne statue pas expressément sur sa demande, le contribuable peut saisir le tribunal administratif sans aucune limitation de délai.

En cas de silence gardé par l’administration fiscale sur une réclamation d’assiette, ou assimilée, pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif. Le délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre tant qu’une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée.

Une société avait saisi l’Administration le 8 décembre 2009 d’une demande de remboursement de crédit d’impôt pour dépenses de recherche (CIR). Par un courrier du 4 octobre 2010, soit plus de six mois plus tard, l’Administration lui a indiqué qu’elle ne pourrait se prononcer sur cette demande avant l’expiration d’une vérification de comptabilité diligentée à son encontre, qui était toujours en cours. N’ayant finalement pas reçu de décision expresse sur sa demande, l’entreprise a soumis le litige au tribunal administratif le 16 septembre 2011.

La cour administrative d’appel avait jugé que la saisine du tribunal était prématurée, dans la mesure où l’Administration avait annoncé qu’elle allait prendre une décision lorsque la vérification de comptabilité serait achevée, et ne s’était pas encore prononcée. Elle en avait déduit que la requête devant le tribunal était irrecevable. Le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt pour erreur de droit.

Conformément à une jurisprudence désormais bien établie, une demande de remboursement d’un crédit d’impôt recherche constitue une réclamation au sens de l’article L. 190 du LPF (CE, 8 novembre 2010, n° 308672, Sté ICBT Madinox). Le rejet d’une telle réclamation, conformément aux prévisions de l’article R. 421-5 du CJA, doit comporter la mention des voies et délais de recours.

Le Conseil d’Etat juge d’abord qu’il résulte des articles R. 198-10 et R. 199-1 du LPF qu’en cas de silence gardé par l’administration fiscale sur une réclamation pendant six mois, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif. Il précise ensuite que le délai de recours contentieux ne peut par ailleurs courir à l’encontre du contribuable tant qu’une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée.

L’avis du praticien : Sandrine Rudeaux

La décision du Conseil d’Etat apporte une confirmation, fort bienvenue, de ce que sa jurisprudence relative à l’exigence d’un délai raisonnable pour déposer en matière fiscale une requête à la suite d’une décision expresse de rejet, ne s’applique pas pour les décisions implicites de rejet de réclamations.

On rappellera que, par une décision d’assemblée du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat, faisant jouer le principe de sécurité juridique au bénéfice de l’Administration, a posé la règle selon laquelle une décision administrative individuelle ne saurait être contestée indéfiniment, même lorsqu’elle ne comporte pas la mention des voies et délais de recours prescrits par le CJA (CE, 13 juillet 2016, n° 387763, M. Czabaj).

Il avait ensuite précisé, par une décision également publiée au recueil Lebon, qu’en cas de silence gardé par l’administration fiscale pendant six mois sur sa réclamation, le contribuable peut saisir le tribunal administratif d’une demande en décharge. En outre, le délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre tant qu’une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée (CE, 7 décembre 2016, n° 384309, EURL Cortansa).

Trois mois plus tard, il avait mis en œuvre et adapté les principes dégagés par la décision Czabaj à la matière fiscale. Il avait ainsi jugé que, dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d’un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l’être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable, à partir de la notification de la décision, même en l’absence de respect de l’information sur les voies et délais de recours (CE, 31 mars 2017, min c/ M. A, n° 389842).

Certains praticiens s’étaient alors interrogés sur la pérennité de la jurisprudence Cortansa. Ils craignaient en effet que le Conseil d’Etat ne revienne sur cette décision pour juger que, lorsqu’une décision implicite de rejet était née, le contribuable devrait saisir le tribunal administratif dans un délai raisonnable. Leurs craintes sont désormais dissipées.

La présente décision constitue, et l’on s’en félicitera, une réaffirmation solennelle des principes posés pour les décisions implicites de rejet des demandes de décharge, qu’elle étend fort logiquement, avec une formulation plus large, à l’ensemble des demandes valant réclamation (notamment les demandes de décharge, de restitution, de remboursement de crédit de TVA ou de CIR).

Les contribuables ont donc le choix, en présence d’une décision implicite de rejet, de déférer cette décision à la censure du tribunal ou d’attendre que l’Administration se prononce expressément sur leur réclamation. En revanche, lorsqu’une décision expresse de rejet intervient, ils doivent faire preuve de célérité. Si cette décision comporte la mention des voies et délais de recours (hypothèse la plus fréquente en pratique, car les décisions de rejet sont rédigées à partir de formulaires préétablis), le délai de saisine du tribunal est alors de deux mois. Si elle ne comporte pas la mention de ces voies et délais, la requête doit alors être formée dans un délai qualifié de raisonnable, que le juge n’a pas encore défini. Face au manque de prévisibilité de la jurisprudence, et tant qu’aucun texte ne viendra apporter de précisions, la prudence voudrait sans doute, en pareil cas, que l’on dépose sa requête dans des délais les plus courts possibles (l’exigence d’un délai raisonnable devrait selon nous tenir compte du fait qu’il est bien légitime d’accorder au contribuable un peu plus de temps que les deux mois habituels, pour lui permettre de s’enquérir des voies qui lui sont offertes en vue d’assurer sa défense et de poursuivre sa contestation).

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