Le CIR, dispositif jusqu’à 2019 « sanctuarisé », voit son assiette vaciller sous les coups de burin du législateur : hier via la réduction des frais de fonctionnement calculés sur les dépenses de personnel de 50% à 43 % (LF pour 2020), et aujourd’hui avec la fin du doublement des dépenses de sous-traitance publiques (projet de LF pour 2021).
Bien sûr le CIR est un dispositif coûteux pour l’Etat, mais il est pour les entreprises, PME comme grands groupes, une donnée clef de leur politique de développement.
Afin de garantir l’attractivité du CIR, et préserver la trésorerie des entreprises mise à mal par la crise sanitaire, des mesures simples pourraient être votées.
5e voeu : Mettre en œuvre le remboursement immédiat du CIR des PME
Dans la plupart des cas les demandes de remboursement des créances de CIR sont traitées rapidement. En 2018 les deux tiers des demandes ont été traitées dans un délai de moins de trois mois1. Depuis la crise Covid, les remboursements dans des délais très courts effectués par les services de l’Etat ont été salués – montrant aussi que des délais de remboursement accélérés sont possibles. Cependant, les délais peuvent parfois être très longs, jusqu’à vingt-quatre mois.
En cette période de fragilisation économique pour nombre d’entreprises, il est important de mieux encadrer les délais de remboursement de créance CIR dans les textes pour que puissent se maintenir des délais de traitement rapides quel que soit le service des impôts traitant le dossier.
Selon les textes, l’administration fiscale doit répondre à la demande de remboursement de la créance CIR du contribuable dans un délai de 6 mois. A défaut, la demande est présumée rejetée et le contribuable peut saisir le tribunal administratif du litige. Cependant les recours devant les juridictions étant longs et coûteux, les PME vont en pratique préférer attendre une réponse de l’administration fiscale sur leur demande qu’engager un recours.
On constate que des remboursements peuvent être bloqués de nombreux mois, y compris pendant la présente crise sanitaire, dans l’attente du résultat de contrôle CIR portant sur d’autres années, et non encore terminé : « votre demande ne pourra être traitée qu’à l’issue du résultat du contrôle et reste donc en attente » est alors la réponse type donnée.
Prenons l’exemple d’une PME qui a déclaré du CIR pour les années 2017 à 2019. Son CIR 2017, portant sur un projet de recherche X, est contesté par l’administration fiscale lors d’une vérification de comptabilité, non encore achevée. En 2019 (année non contrôlée), la société déclare du CIR sur un projet de recherche Y, et a obtenu un rescrit validant l’éligibilité au CIR 2019 de ce projet Y. Lorsque la société va demander le remboursement de son CIR 2019, elle va se retrouver dans une situation ubuesque :
- son CIR 2019 sera bloqué car l’administration sera dans l’attente de la fin du litige portant sur le CIR 2017, et ;
- elle ne pourra pas opposer son rescrit 2019 car elle est dans une situation de demande de remboursement et non pas d’imputation sur l’IS (cf. notre vœu 1 sur l’opposabilité du rescrit CIR pour tous)
Il est tout à fait normal que l’administration fiscale use de son pouvoir de contrôle et s’assure de la justesse du montant du CIR déclaré par un contribuable. Mais, dans le cadre du remboursement de la créance CIR d’une année N, il conviendrait que l’administration contrôle ce CIR N pour décider de son remboursement et du quantum de ce remboursement, et non pas qu’elle en bloque totalement le remboursement sans l’analyser car un litige existe sur tel ou tel CIR antérieur.
La loi pourrait être ainsi modifiée : l’administration fiscale doit répondre à la demande de remboursement de la créance CIR du contribuable dans un délai de 6 mois. A défaut, la demande de remboursement est présumée acceptée. Si la demande est rejetée, le rejet doit être motivé.
Ce souhait est légitime et découle de la logique des textes actuels. D’une part, la R&D des années postérieures au contrôle porte sur des travaux nouveaux : ne pas donner suite au remboursement sur une année non contrôlée, c’est émettre une présomption d’inéligibilité des travaux de recherche ultérieurs pendant toute la durée du contrôle. D’autre part, dans l’hypothèse où le contrôle sur les années antérieures a des conséquences sur les années postérieures, l’Administration pourra en tirer les conséquences et le cas échéant, demander le reversement du trop remboursé.
Il serait opportun que l’administration fiscale se prononce sur les demandes de remboursement de CIR, sans attendre l’issue du contrôle sur les CIR antérieurs. A charge pour le contribuable de communiquer dès la demande de remboursement de leur créance leur dossier CIR et les justificatifs attendus.
1 http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/cri/2019-2020/20200071.pdf p.11031, Assemblée Nationale, première séance du 15 novembre 2019