L’Administration vient de publier au BOFiP ses commentaires relatifs à la mesure de déductibilité temporaire de l’amortissement des fonds commerciaux, instaurée par la Loi de finances pour 2022.
Rappel
L’article 214-3 du PCG pose une présomption de non-amortissement, au plan comptable, des fonds commerciaux.
Des exceptions sont toutefois prévues. Ainsi, les entreprises sont autorisées à :
- pratiquer un tel amortissement en cas d’existence d’une limite prévisible à l’exploitation du fonds commercial,
- ou à pratiquer un amortissement sur 10 ans, s’il y a une limite prévisible à l’exploitation mais que la durée d’exploitation ne peut être estimée de manière fiable.
Les petites entreprises (selon la définition retenue à l’article L. 123-16 du Code de commerce, i.e ne dépassant pas 2 des 3 seuils suivants : 6 m€ de total de bilan, 12 m€ de CA net, 50 salariés) ont, par exception, la faculté d’amortir sur 10 ans leurs fonds commerciaux, même s’il n’existe pas de limite prévisible à l’exploitation de ces fonds.
Tirant les conséquences d’un avis rendu par le Conseil d’État (avis du 8 septembre 2021, n°453458), la Loi de finances pour 2022 est venue poser le principe de l’interdiction de la déduction au plan fiscal de l’amortissement comptable du fonds commercial (LF 2022, art. 23).
En revanche, de manière dérogatoire et temporaire, elle a admis la déduction des amortissements constatés dans la comptabilité des entreprises au titre des fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Rappelons que le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport avant le 1er juillet 2025, aux fins d’évaluer le coût du dispositif, dans une possible optique de pérennisation.
Le 8 juin 2022, l’Administration a publié, au BOFiP, ses commentaires relatifs au nouveau dispositif.
Apports des commentaires administratifs
Champ d’application du dispositif
L’Administration rappelle que le bénéfice de la mesure de déductibilité temporaire au plan fiscal ne concerne que les fonds commerciaux qui peuvent être amortis comptablement, c’est-à-dire ceux pour lesquels l’entreprise est en mesure de démontrer l’existence d’une durée d’utilisation limitée (ou pour les petites entreprises visées à l’article L.123-16 du Code de commerce).
À cet égard, l’Administration indique que tel est notamment le cas lorsque le fonds commercial est adossé à un contrat ou à une autorisation légale ayant une durée d’utilisation limitée (contrat de concession, autorisation d’extraction, etc.,) ou lorsqu’une décision d’arrêter l’activité à laquelle ce fonds se rattache est prise par l’entreprise (BOI-BIC-AMT-10-20, § 360).
Par ailleurs, à la lettre du texte de loi, la faculté de bénéficier du dispositif temporaire d’amortissement fiscal vise les entreprises soumises à l’IS, ainsi que les entreprises relevant de l’IR suivant le régime réel, dont les résultats relèvent des BIC, dès lors qu’elles sont tenues au respect du PCG.
Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration étend (dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves) le bénéfice de la mesure :
- Aux artisans: Application à la fraction résiduelle des fonds acquis par les entreprises artisanales, assimilables au fonds commercial. La fraction résiduelle du fonds artisanal correspond aux éléments incorporels de ce fonds qui ne peuvent pas faire l’objet d’une évaluation et d’une comptabilisation séparées au bilan, et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d’activité de l’entité. Il s’agit principalement de la clientèle, de l’achalandage, de l’enseigne et du nom professionnel, lorsqu’ils ne sont pas comptabilisés distinctement et isolément à l’actif du bilan (BOI-BIC-AMT-10-20, § 365) ;
- Aux exploitants agricoles : Application au titre du fonds agricole résiduel – composé des éléments incorporels du fonds agricole acquis qui ne font pas l’objet d’une évaluation et d’une inscription dans un compte distinct du bilan et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d’activité de l’entité – (BOI-BA-BASE-20-30-10-10, § 105) ;
- Aux titulaires de BNC soumis au régime de la déclaration contrôlée : Les éléments incorporels des fonds concernés, qui sont susceptibles de donner droit à déduction d’un amortissement, correspondent aux seuls éléments incorporels qui ne peuvent pas faire l’objet d’une évaluation et d’une comptabilisation séparées au registre des immobilisations et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d’activité de l’exploitation (clientèle, patientèle, nom professionnel, etc. lorsqu’ils ne peuvent être évalués isolément et inscrits séparément à l’actif du registre des immobilisations) – (BOI-BNC-BASE-50, § 50).
Modalités d’acquisition du fonds
L’Administration rappelle que le dispositif temporaire de déductibilité des amortissements s’applique à l’ensemble des fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, et retient une acception large de la notion d’acquisition.
Elle indique ainsi que sont visés par le dispositif non seulement les fonds acquis dans le cadre d’une opération de cession à titre onéreux, mais également ceux reçus dans le cadre d’apports, de fusions, ou d’opérations assimilées (BOI-BIC-AMT-10-20, § 360).
Restructurations
Sort du mali technique
La question se posait de savoir si, lorsque le fonds commercial acquis à l’occasion d’un apport est amorti, une déduction fiscale pouvait également être pratiquée à raison de la fraction du mali technique affectée au fonds.
L’Administration rappelle, à cet égard, que la quote-part du mali technique affectée au fonds commercial (PCG, art. 745-8), suit les règles de dépréciation applicables aux fonds commerciaux.
Elle indique par conséquent, qu’à l’exception de celui constaté dans le cadre d’une opération réalisée en application du régime de faveur (qui ne peut donner lieu à aucune déduction ultérieure), le mali technique résiduel affecté au fonds commercial, qui fait l’objet d’amortissements pratiqués en comptabilité, pourra également bénéficier du dispositif temporaire de déduction fiscale, lorsqu’il est constaté entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 dans le cadre d’une opération placée sous le régime fiscal de droit commun (BOI-BIC-AMT-10-20, § 360).
Opérations relevant du régime spécial des fusions
L’Administration prend également le soin de préciser qu’en cas d’opération de fusion bénéficiant du régime de faveur, la plus-value dégagée par l’apport d’un fonds commercial bénéficiant de la mesure de déductibilité temporaire ne pourra bénéficier du sursis d’imposition (application immédiate du régime d’étalement de l’imposition de la plus-value dégagée lors de l’apport de ce fonds) – (BOI-IS-FUS-10-20-40-10, § 1).
Mécanisme de réintégration échelonnée de la provision pour dépréciation d’un fonds amorti
Pour mémoire, le texte prévoit que toute provision pour dépréciation constituée à raison du fonds commercial amorti fiscalement devra être rapportée aux résultats imposables de chacun des exercices suivant celui au titre duquel elle a été déduite, pour un montant égal à la différence entre l’amortissement qui aurait été pratiqué si la provision n’avait pas été comptabilisée et l’amortissement effectivement comptabilisé à la clôture de l’exercice. On rappelle que les règles comptables imposent de déterminer l’amortissement sur la valeur de l’actif, nette de provision.
L’Administration vient confirmer qu’en contrepartie, un amortissement dérogatoire, égal à la réintégration fiscale pratiquée au titre de la provision pour dépréciation à la clôture de chaque exercice, sera constaté afin de garantir la déductibilité fiscale des amortissements afférents aux fonds commerciaux pratiqués (BOI-BIC-PROV-40-10-10, § 155, exemple chiffré à l’appui).