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Fin de la période juridiquement protégée : quels impacts sur les contrats et les mesures juridictionnelles/administratives ?

L’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 a arrêté une date fixe pour la fin de la période juridiquement protégée en modifiant ainsi pas moins de douze ordonnances prises par le gouvernement afin d’adapter certains délais aux conséquences liées au covid-19. Tel qu’indiqué dans le rapport au Président de l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020, l’objectif de ce texte est d’adapter la fin de la période juridiquement protégée « pour accompagner, le cas échéant plus rapidement qu’il était initialement prévu, la reprise de l’activité économique et le retour aux règles de droit commun de computation des délais ». Cette adaptation se justifie également dans la mesure où la phase de déconfinement amorcée depuis le 11 mai dernier permet la reprise progressive de l’activité économique.

Cette ordonnance a notamment modifié l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Quels impacts en matière contractuelle ?

La nouvelle ordonnance délimite expressément l’étendue de la période juridiquement protégée entre le 12 mars et le 23 juin 2020 à minuit.

Ainsi, les délais échus prorogés par l’ordonnance n°2020-306 relatifs aux clauses contractuelles ayant pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation (autre qu’une obligation de somme d’argent) dans un délai déterminé, aux astreintes, aux clauses pénales, aux clauses résolutoires ainsi qu’aux clauses de déchéance commenceront à produire leurs effets non plus à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de la période de l’état d’urgence sanitaire mais à compter de l’expiration d’un délai déterminé à compter du 23 juin 2020 inclus.

Cette date correspond in fine à la date initialement prévue par l’ordonnance n°2020-306 (date de fin de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois).

Les clauses expirant pendant la période juridiquement protégée

Conformément à l’article 4 alinéa 2 de l’ordonnance n°2020-306 modifiée, « si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. »

En pratique, dans un contrat conclu le 1er février 2020 comprenant une obligation d’exécution au 20 mars 2020 assortie d’une clause résolutoire en cas d’inexécution à cette date, la clause résolutoire pendra effet à compter du 3 juillet 2020.

Les clauses expirant postérieurement à la période juridiquement protégée

La prise d’effet des clauses précitées expirant postérieurement à la période juridiquement protégée, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre (i) le 12 mars 2020 (ou si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née) et (ii) la fin de la période juridiquement protégée.

En pratique, dans un contrat conclu le 1er février 2020 contenant une clause pénale prévoyant le versement d’une indemnité forfaitaire en cas d’inexécution d’une obligation au 1er juillet 2020, la clause pénale prendra effet à compter du 13 octobre 2020.

Autre exemple, dans un contrat conclu le 1er février 2020, contenant une clause pénale prévoyant le versement d’une indemnité forfaitaire en cas d’inexécution d’une obligation au 1er juin 2020, la clause pénale prendre effet le 16 juillet 2020 à minuit.

La résiliation pendant la période juridiquement protégée

L’article 5 de l’ordonnance 2002-306 modifiée prévoit que « lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période. »

En pratique, dans un contrat qui contient une clause résolutoire prévoyant un délai spécifique pour dénoncer le contrat expirant entre le 12 mars et le 23 juin 2020, le délai pour résilier sera prorogé jusqu’au 23 août 2020 inclus.

Quels impacts en matière de mesures administratives ou juridictionnelles ?

Les mesures conservatoires, d’enquête et d’instruction, de conciliation ou de médiation, d’interdiction ou de suspension (d’un permis de conduire, par exemple), d’autorisation, de permis et d’agréments (bancaire, par exemple), d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficultés, et d’aide judiciaire à la gestion du budget familial, sont « prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois suivant la fin de » la période juridiquement protégée, soit jusqu’au 23 septembre 2020 inclus (initialement fixé au 23 août 2020 par l’ordonnance n°2020-306).

Cette mesure est notamment justifiée par la volonté d’éviter de faire « tomber » la reprise de l’activité économique au mois d’août.

Enfin, il convient de souligner que de manière plus générale, l’article 12 l’ordonnance n°2020-560 permet au Gouvernement de modifier le terme de la période d’application de toutes les ordonnances prises sur la base juridique de l’article 11 de la loi n°2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, prenant pour référence la cessation de l’état d’urgence, en avançant le terme de la période de prorogation par décret en Conseil d’Etat.

De nouvelles modifications en matière de prorogation de délais seraient donc, potentiellement, à prévoir !

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