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Fusion intra-groupe et reprise de provisions

Photo du conseil d'Etat

Le juge précise les conditions dans lesquelles la reprise d’une provision intra-groupe peut ou non être neutralisée lorsqu’elle est consécutive à une restructuration (entre sociétés membres de l’intégration), en raisonnant par catégorie de provision.

Les faits

Une société, tête d’un groupe intégré, a constitué :

Ces provisions ont été neutralisées (réintégration) pour la détermination du résultat d’ensemble.

Deux ans plus tard, cette même filiale a été absorbée par une autre société membre du même groupe.

Au cours d’exercices postérieurs à celui de la fusion, la société mère intégrante a alors repris les provisions pour dépréciation des titres et de la créance sur la société absorbée, et a neutralisé ces reprises de provisions par la déduction de leur montant du résultat du groupe.

La neutralisation de ces reprises de provisions a été remise en cause par l’Administration, au motif que ces provisions étaient afférentes à une société ne faisant plus partie du groupe.

Le contexte et les arguments

Pour mémoire, une telle neutralisation est possible à la condition que les deux sociétés concernées soient toujours membres du groupe au titre de l’exercice de reprise de la provision (CGI, art. 223 B, al. 3 pour les provisions pour créances douteuses et art. 223 D, al. 6 pour les provisions pour dépréciation des participations). Or, l’absorption d’une société entraîne sa disparition et, mécaniquement, sa sortie du groupe, et ce même si l’absorbante fait elle-même partie du périmètre d’intégration. On rappellera, à cet égard, que si des mesures d’atténuation des effets de la sortie du groupe d’une société résultant d’une absorption par une autre société membre existent (CGI, art. 223, al. 2), aucune disposition n’est prévue pour neutraliser les reprises de provisions en pareille hypothèse.

La société tête de groupe a contesté ce refus de l’Administration, en se prévalant du principe de neutralité des fusions (caractère intercalaire des fusions). Elle a également fait valoir que l’impossibilité de neutraliser la reprise de ces provisions n’était compensée par aucune déduction ou moins-value et présentait dès lors un caractère inéquitable (caractère définitif de la perte).

La position de l’Administration a, une première fois, été confirmée par les juges du fond, avant d’être censurée par le Conseil d’Etat, mais pour insuffisance de motivation seulement (erreur partielle sur le fondement légal).

L’apport de l’arrêt

Statuant dans le cadre d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat censure, une nouvelle fois, la solution retenue par la CAA, lui faisant grief de ne pas avoir adapté son analyse en fonction du type de provision. Autrement dit, le Conseil d’Etat considère qu’il convient de raisonner par catégorie de provision.

Jugeant l’affaire au fond, il écarte d’abord rapidement l’argument tenant au principe de neutralité des fusions (pas d’extension possible à la société tête de groupe dès lors qu’elle n’est pas partie à la fusion).

S’agissant de la provision pour dépréciation de la créance correspondant au compte courant d’abord ouvert dans les écritures de l’absorbée, puis reprise dans celles de l’absorbante, le Conseil d’Etat relève que cette provision a conservé son objet même après l’absorption. Autrement dit, au titre de l’exercice de sa reprise, après la fusion, la provision était bien afférente à une créance sur une société membre du groupe intégré, la société absorbante, devenue débitrice par l’effet de la transmission universelle de patrimoine et non sur une société sortie du groupe. Aussi, la reprise de cette provision pouvait-elle à bon droit être neutralisée.

En revanche, il confirme qu’une provision pour dépréciation des titres d’une société absorbée doit nécessairement être regardée comme une provision relative à une société qui ne fait plus partie du groupe ; dès lors, sa reprise ne peut être neutralisée pour la détermination du résultat d’ensemble (voir aussi CE, 8 juillet 2015, n° 365850, 370317 et 370656, Sté Peugeot). Le Conseil d’Etat précise en outre que cette absence de neutralisation ne génère pas une double imposition, la plus ou moins-value réalisée lors de l’absorption reflétant nécessairement la valeur – et donc la dépréciation – des titres de la société absorbée.

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