Opposabilité à la banque d’un nantissement de compte-titres (Cour de Cassation, chambre commerciale, financière et économique, 23 janvier 2019, n° 16-20.582)
La Cour de cassation a rendu un arrêt concernant l’opposabilité du nantissement de compte-titres, chose peu fréquente. En l’espèce, un particulier, titulaire d’un plan d’épargne en actions (PEA), divorce, sur consentement mutuel, et le jugement homologuant la convention définitive de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux prévoit qu’il est redevable envers son ex-épouse d’une somme d’argent, et que le PEA est gagé en garantie du paiement.
Toutefois, la banque dans laquelle était ouvert le PEA laisse l’époux disposer librement de ses titres et notamment le laisse verser le produit des ventes à d’autres créanciers. L’ex-épouse, mécontente en tant que créancier « nanti », demande alors à la banque de l’indemniser : elle introduit une assignation en paiement de dommages intérêts, soutenant que la banque avait engagé sa responsabilité envers elle en ignorant les termes du gage.
Les juges du fond ont considéré que l’acte de signification du jugement de divorce effectué par l’ex-épouse à la banque était suffisamment précis, valant signification de la déclaration de nantissement, et que le gage était donc bel et bien opposable au teneur de compte. La Cour d’appel fait donc droit à la demande de l’ex-épouse en condamnant la banque à lui payer la somme de 436 144 euros.
Sur pourvoi de la banque, la Chambre commerciale casse l’arrêt d’appel en affirmant dans son attendu qu’en l’absence de déclaration datée et signée par l’ex-époux, titulaire du compte, et comportant les mentions exigées par le Code monétaire et financier, le gage dont se prévalait l’ex-épouse n’était pas réalisé et ne pouvait donc pas être opposé à la banque.
A cette occasion, la Cour de cassation s’oppose à la jurisprudence des juges du fond malmenant le formalisme de la déclaration de nantissement, en tolérant une sorte de formalisme par équivalent. Si une telle solution peut sembler sévère, elle résulte logiquement de la lettre du texte du Code monétaire et financier (articles L. 211-20 et D. 211-10) qui subordonne la réalisation du nantissement à l’établissement d’une « déclaration signée par le titulaire du compte … (qui) comporte les énonciations fixées par décret ». Le défaut de déclaration empêche la naissance du nantissement, tant entre les parties qu’à l’égard des tiers.
La jurisprudence est donc sur la même ligne que celle rendue en matière de validité et de formalisme du fameux « bordereaux Dailly », c’est-à-dire le nantissement de créances professionnelles.
La leçon à retenir est dépourvue d’ambiguïté : une vigilance renforcée s’impose pour les nantissements de compte-titres, les mentions obligatoires de la déclaration étant exigées à peine de nullité. La déclaration est donc indispensable et ne peut être suppléée par un autre document pour que le nantissement soit réalisé et opposable.
C’est le prix à payer pour la sécurité juridique… au détriment de la flexibilité !