La CJUE juge que les services fournis par un groupement autonome de personnes (GAP) à un Groupe TVA ne peuvent pas bénéficier de l’exonération de TVA prévue à l’article 132-1-f de la Directive TVA dès lors que tous les membres du Groupe TVA ne sont pas également membres du GAP (CJUE, 18 novembre 2020, aff. C-77/19, Kaplan International Colleges UK Ltd).
Dans cette affaire d’origine britannique, la Holding Kaplan International College (KIC) est la tête d’un Groupe TVA (au sens de l’article 11 de la Directive TVA) formé avec ses filiales établies aux Royaume-Uni. Les filiales exercent des activités d’enseignement exonérées de TVA. Pour recruter les étudiants étrangers, il est fait appel aux services d’un réseau composé d’agents indépendants implantés dans différents pays. Les agents sont liés contractuellement avec une société établie à Hong Kong, détenue par les filiales de KIC, et perçoivent à ce titre des commissions. La société hongkongaise refacture ensuite les prestations auxdites filiales.
Afin d’exonérer de TVA britannique ces prestations, KIC considérait que la société hongkongaise était constitutive d’un GAP rendant des services à ses membres (les filiales du groupe KIC) au sens de l’article 132-1-f de la Directive TVA, thèse contestée par l’administration fiscale britannique.
La juridiction de renvoi pose à la CJUE, 11 questions préjudicielles relatives à trois grands thèmes : le champ d’application territorial de l’exonération en présence d’un groupement situé dans un pays tiers, la condition d’absence de distorsion de concurrence et enfin, les interactions entre l’exonération des GAP et le régime de Groupe TVA.
Dans son arrêt, la CJUE ne s’est finalement prononcée que sur le dernier thème des interactions entre l’exonération des GAP et le régime de groupe TVA.
L’interrogation soumise à la Cour porte sur le point de savoir si l’exonération des GAP s’applique aux prestations de services fournies par un GAP dont les membres forment un Groupe TVA.
La Cour souligne que le GAP est un assujetti à part entière et distinct de ses membres, conformément à sa jurisprudence Commission contre Luxembourg.
Rappelant le principe d’interprétation stricte des exonérations, la Cour indique qu’il ne ressort pas du libellé de l’article 132-1-f de la Directive TVA que les services fournis par des GAP à leurs membres soient exclus du champ de l’exonération lorsque ses membres forment un Groupe TVA.
La Cour considère ainsi que l’article 132-1-f de la Directive TVA est susceptible de s’appliquer aux prestations fournies par un GAP à ses membres qui forment un Groupe TVA, sauf toutefois dans le cas des prestations « dont bénéficient les membres d’un [Groupe] TVA qui ne sont pas également des membres du [GAP] (…) » car la formation d’un Groupe TVA ne peut avoir pour conséquence d’étendre l’application de l’article 132-1-f à des services fournis à des entités qui ne sont pas également membres du GAP. Or, au cas particulier, le membre représentatif du Groupe TVA, la société KIC, n’était pas elle-même actionnaire et donc membre du GAP constitué par la société hongkongaise.
La Cour indique que l’existence d’un Groupe TVA a pour conséquence que ses membres cessent d’être des assujettis distincts à la TVA pour être considérés comme un assujetti unique. Appliquant les principes issus de sa jurisprudence Skandia, la Cour considère que « dans une telle situation, les prestations de services effectuées par un tiers en faveur d’un membre d’un [Groupe] TVA doivent être considérées (…) comme ayant été effectuées en faveur (…) du [Groupe] TVA lui-même auquel celui-ci appartient. (…) De tels services sont réputés fournis en faveur du [Groupe] TVA concerné, dans son ensemble, et donc également en faveur de l’entité représentative du [Groupe] TVA ».
Octroyer le bénéfice de l’exonération dans l’hypothèse où l’entité représentative du Groupe TVA ne serait pas membre du GAP conduirait à étendre l’application de l’article 132-1-f à des non-membres du GAP, contrairement au libellé dudit article.
La Cour conclut donc que l’article 132-1-f de la Directive TVA n’est pas applicable aux prestations de services fournies par un GAP à un Groupe TVA dès lors que tous les membres du Groupe TVA ne sont pas également membres du GAP.
Au regard de la réponse apportée ci-dessus, la Cour ne répond pas aux autres questions relatives au champ d’application territorial du GAP ainsi qu’à l’absence de distorsion de concurrence.
La Cour n’a donc pas ici confirmé le raisonnement proposé par l’Avocat Général J. KOKOTT. Cette dernière considérait en effet que l’exonération ne pouvait pas s’appliquer aux services fournis par un GAP établi dans un pays tiers à ses membres établis au sein de l’UE. J. KOKOTT avait d’ores et déjà mis en avant cette limitation du champ d’application territorial de l’exonération des GAP dans ses conclusions dans l’affaire « AVIVA » (C-605/15, conclusions du 1er mars 2017) mais la CJUE n’avait finalement pas tranché ce point dans sa décision.
Pour mémoire, l’administration fiscale française a reconnu la possibilité d’appliquer l’exonération aux services rendus à leurs membres par des groupements transfrontaliers dans un rescrit (RES n° 2007/11 TVA du 20 mars 2007) publié au BOFiP (BOI-TVA-CHAMP-30-10-40, n° 30).