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Jurisprudence « Stéria » et absence d’intégration en France par choix : La CJUE va devoir se prononcer

Le Conseil d’Etat vient de transmettre le 14 juin à la CJUE une question préjudicielle portant sur la conformité à la liberté d’établissement de l’article 49 du TFUE de la législation française en ce qu’elle refusait le bénéfice de l’ancien mécanisme de neutralisation de la QPFC à une société mère, disposant en France de sociétés intégrables mais non intégrées par choix, à raison des dividendes qui lui sont distribués par ses filiales établies dans d’autres Etats membres satisfaisant aux critères d’éligibilité autres que la résidence mais également à raison des dividendes distribués par des sociétés françaises.

Contexte

Pour mémoire, les produits de participation qui ouvrent droit au régime mère-filiales sont exclus du résultat imposable de la société bénéficiaire desdits produits, à l’exception d’une QPFC de 5 % du montant total des produits des participations (CGI, art. 216 et 145).

Pour les exercices ouverts avant le 1er janvier 2016, cette QPFC était neutralisée au titre des dividendes versés entre sociétés intégrées, avant que la CJUE ne juge que le fait que les produits de participation reçus de filiales établies dans d’autres États membres ne puissent pas bénéficier de ce mécanisme de neutralisation était contraire à la liberté d’établissement (CJUE, 2 septembre 2015, aff. C-386/14, Groupe Stéria SCA).

Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2016, la QPFC est ramenée à 1 % pour les produits de participation versés au sein d’un groupe d’intégration fiscale ainsi que pour les distributions perçues par une société membre du groupe fiscal et versées par une société établie dans un autre État de l’UE ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales qui, si elle était établie en France, remplirait les conditions pour être membre de ce groupe, en application des articles 223 A ou 223 A bis du CGI, autres que celle d’être soumise à l’IS en France (LFR 2015, tirant les conséquences de la décision Stéria précitée).

Par ailleurs, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, le taux de 1 % s’applique, sous certaines conditions, lorsqu’une société mère ne dispose pas, en France, de filiales éligibles au régime de l’intégration fiscale (LF 2019). En revanche, il est expressément précisé que cette mesure ne s’applique pas lorsque la société mère française n’est pas membre d’un groupe, uniquement parce qu’elle a choisi de ne pas opter pour ce régime.

Les affaires en cause

Des sociétés françaises, non membres d’une intégration fiscale, ont perçu, au titre de l’année 2011 (ou 2012 selon les affaires), des dividendes de filiales européennes, lesquelles auraient rempli les conditions pour être membres de l’intégration fiscale si elles avaient été résidentes en France.

Elles ont vainement demandé à bénéficier de la neutralisation de la QPFC sur les dividendes en cas de distributions entre sociétés membres d’une même intégration fiscale, en invoquant le bénéfice de la jurisprudence Stéria précitée.

L’Administration a refusé de faire droit à leur demande, au motif que les sociétés françaises n’étaient pas membre d’une intégration fiscale, faute d’avoir opté pour ce régime, alors même qu’elles disposaient en France de sociétés intégrables.

La CAA de Versailles a, elle, retenu dans les deux affaires une analyse différente, et jugé que les sociétés pouvaient bien revendiquer, sur le terrain de la liberté d’établissement, le bénéfice de la neutralisation de la QPFC sur les dividendes perçus de leurs filiales européennes (CAA Versailles, 27 mai 2021, n°18VE02710, CAA Versailles, 19 octobre 2021, n°19VE04061).

A cet égard, elle a estimé qu’il n’était pas besoin de saisir la CJUE de la question.

La décision de transmission du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat, devant lequel l’Administration a formé un pourvoi, décide, lui, de surseoir à statuer dans les deux affaires et d’adresser à la CJUE une question préjudicielle, qui nous semble, dépasser le cadre de l’affaire en cause.

Il l’interroge en effet sur la conformité à la liberté d’établissement de la législation française en ce qu’elle refusait le bénéfice de l’ancien mécanisme de neutralisation de la QPFC à une société mère, disposant en France de sociétés intégrables mais non intégrées par choix, à raison tant des dividendes qui lui sont distribués par ses filiales résidentes que de ceux provenant de filiales établies dans d’autres Etats membres satisfaisant aux critères d’éligibilité autres que la résidence.

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