Sur décision de renvoi, les juges d’appel reprennent le principe selon lequel les versements effectués par les succursales étrangères du siège français, au bénéfice de ce dernier et en contrepartie des sommes qu’il leur met à disposition, présentent le caractère d’intérêts au sens des conventions fiscales. De surcroît, ils étendent à ces mêmes intérêts l’application de la règle du butoir, dégagée en matière de dividendes.
L’affaire
La banque française BNP Paribas avait mis à la disposition de ses succursales situées dans un certain nombre de pays hors de l’Union européenne des capitaux assortis d’intérêts en vue de financer le développement de leur activité.
En 2007, ces intérêts avaient été soumis localement aux paiements de RAS et le siège français avait réclamé, à hauteur des crédits d’impôt qu’il avait omis d’imputer et dont il s’estimait bénéficiaire en raison des RAS, la restitution de l’IS correspondant. L’Administration rejette la demande, et déclenche concomitamment une vérification de comptabilité sur le même fondement au titre des exercices 2004 à 2007.
Le TA de Montreuil et la CAA de Versailles donnent raison à l’Administration. Selon la Cour, les débiteurs des intérêts, les succursales étrangères de BNP Paribas, ne pouvaient être regardées comme résidents fiscaux dans leurs États d’implantation, elle refuse en conséquence, l’application des conventions fiscales (CAA Versailles, 13 décembre 2017, n°15VE01061).
Saisi de cette décision, le Conseil d’État ne retient pas la même analyse. Il juge que dès lors que le siège français, juridiquement créancier et débiteur des intérêts versés par ses succursales étrangères, dispose dans ces États d’implantation d’établissements stables pour lesquels la dette a été contractée, les intérêts doivent être regardés comme provenant de ces États. Un crédit d’impôt imputable en France aurait donc dû être accordé au siège au titre des RAS payées sur ces intérêts (CE, 10 juillet 2019, n°418108, BNP Paribas).
C’est dans le cadre du renvoi de l’affaire que la Cour d’appel est à nouveau amenée à se prononcer sur cette affaire.
La décision
Octroi d’un crédit d’impôt en France sur les RAS versées au titre des intérêts
Dans la lignée de la décision du Conseil d’État, la CAA juge que la société BNP Paribas peut disposer en France d’un crédit d’impôt au titre des RAS payées sur les intérêts versés par ses succursales, la source de ces intérêts se situant dans les États où ces succursales sont elles‑mêmes situées.
Pour trancher en ce sens, les juges d’appel considèrent notamment :
- que les versements effectués par les succursales à leur siège, en contrepartie de la mise à disposition de capitaux par celui-ci constituent des intérêts en vertu des conventions fiscales liant l’État du siège et l’État d’implantation de chaque succursale
- que les succursales constituent des établissements stables de leur siège dans leur pays d’implantation puisqu’elles exercent de manière permanente une partie de son activité bancaire
- que les succursales ont contracté des emprunts auprès de leur siège pour les besoins de leurs activités et qu’elles supportent la charge de ces intérêts (inscription au passif)
Modalités de calcul des crédits d’impôt français accordés au titre des RAS versées sur les intérêts
Pour la 1re fois en appel, l’Administration revendique l’application de la règle dite du butoir pour minorer l’assiette des crédits d’impôt en litige en se fondant sur une transposition de la jurisprudence du Conseil d’État relative aux dividendes (CE, 7 décembre 2015, n°357189, CIC), en vertu de laquelle le montant maximal que ne peut excéder un crédit d’impôt résultant de revenus de source étrangère doit, en l’absence de toute stipulation conventionnelle contraire, être déterminé en appliquant au montant brut des dividendes qui ont fait l’objet de la RAS dans l’autre État contractant, l’ensemble des dispositions du CGI relatives à l’IS – i.e. dont celles qui impliquent de déduire du montant brut des intérêts l’ensemble des charges justifiées directement liées à ces opérations de prêts, sauf exclusion par des dispositions spécifiques.
Intérêts versés par les succursales situées en Chine : rejet de la règle du butoir
Après avoir relevé que selon les stipulations de l’article 22 de la convention franco-chinoise (« dispositions pour éliminer les doubles impositions »), dans sa version applicable à l’époque des faits, le montant maximal du crédit d’impôt susceptible d’être imputé sur l’impôt français doit être déterminé en retenant le montant brut des intérêts versés, la CAA de Versailles rejette l’argument relatif à la règle du butoir mis en avant par l’administration fiscale et accorde la décharge des impositions correspondantes.
Intérêts versés par les autres succursales : application de la règle du butoir
Après avoir relevé que les modalités de plafonnement et de calcul du crédit d’impôt respectivement fixées par les conventions franco-singapourienne, franco-philippine, franco indienne et franco-thaïlandaise ne prévoient pas que les intérêts provenant de ces États sont imposables en France pour leur montant brut, la CAA de Versailles accueille l’argument relatif à la règle du butoir mis en avant par l’administration fiscale et refuse à proportion de décharger la société des cotisations supplémentaires d’IS.
Elle considère à cet égard (= CI imputés ont été calculés à partir d’un montant d’intérêt net de charges et n’excéderaient le montant de l’IS français correspondant), que la preuve apportée par la société BNP Paribas est insuffisante.