La CAA de Versailles juge qu’une société mère française peut revendiquer au titre de l’exercice 2011 le bénéfice de l’ancien mécanisme de neutralisation de la QPFC sur dividendes au sein de l’intégration fiscale à raison des distributions provenant de ses filiales européennes, alors même qu’elle disposait de filiales intégrables en France, mais avait choisi de ne pas opter pour le régime de l’intégration fiscale.
La jurisprudence « Stéria »
Pour mémoire, les produits de participation qui ouvrent droit au régime mère-filiales sont exclus du résultat imposable de la société bénéficiaire desdits produits, à l’exception d’une QPFC de 5 % du montant total des produits des participations (CGI, art. 216 et 145).
Pour les exercices ouverts avant le 1er janvier 2016, cette QPFC était neutralisée au titre des dividendes versés entre sociétés intégrées, avant que la CJUE ne juge que le fait que les produits de participation reçus de filiales établies dans d’autres États membres ne puissent pas bénéficier de ce mécanisme de neutralisation était contraire à la liberté d’établissement (CJUE, 2 septembre 2015, aff. C-386/14, Groupe Stéria SCA).
Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2016, la QPFC est ramenée à 1 % pour les produits de participations versés au sein d’un groupe d’intégration fiscale ainsi que pour les distributions perçues par une société membre du groupe fiscal et versées par une société établie dans un autre État de l’UE ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales qui, si elle était établie en France, remplirait les conditions pour être membre de ce groupe, en application des articles 223 A ou 223 A bis du CGI, autres que celle d’être soumise à l’IS en France (LFR 2015, tirant les conséquences de la décision Stéria précitée).
Par ailleurs, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, le taux de 1 % s’applique, sous certaines conditions, lorsqu’une société mère ne dispose pas, en France, de filiales éligibles au régime de l’intégration fiscale (LF 2019). En revanche, il est expressément précisé que cette mesure ne s’applique pas lorsque la société mère française n’est pas membre d’un groupe, uniquement parce qu’elle a choisi de ne pas opter pour ce régime.
L’histoire
Une société française, non membre d’une intégration fiscale, a perçu, au titre de l’année 2011, des dividendes de filiales européennes, lesquelles auraient rempli les conditions pour être membres de l’intégration fiscale si elles avaient été situées en France.
Elle a vainement demandé à bénéficier de la neutralisation de la QPFC sur les dividendes en cas de distributions entre sociétés membres d’une même intégration fiscale, en invoquant le bénéfice de la jurisprudence Stéria précitée.
L’Administration a refusé de faire droit à sa demande, au motif que la société française n’était pas membre d’une intégration fiscale, faute d’avoir opté pour ce régime, alors même qu’elle disposait en France d’une société intégrable.
On observera, à cet égard, que le Conseil constitutionnel avait déjà considéré qu’une société française non intégrée ne pouvait revendiquer le bénéfice de l’ancien mécanisme de neutralisation de la QPFC, la différence de traitement en résultant étant justifiée par la poursuite d’un objectif d’intérêt général (Cons. const., décision n°2018-699 QPC du 13 avril 2018, Société Life Sciences Holdings France).
La décision de la CAA de Versailles
La CAA de Versailles retient, elle, une analyse différente. Se référant expressément à la décision « Stéria », elle rappelle que la CJUE a jugé que le fait d’exclure du bénéfice de l’avantage fiscal susmentionné une société mère qui détient une filiale établie dans un autre État membre est de nature à rendre moins attrayant l’exercice par cette société mère de sa liberté d’établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d’autres États membres.
Elle considère qu’est sans incidence à cet égard la circonstance que cette société mère ait ou non opté pour le régime de l’intégration fiscale, et ce alors même qu’elle aurait pu.
Elle juge, par ailleurs, qu’il n’est pas besoin de saisir la CJUE du sujet.
Pour favorable qu’elle soit, cette décision mériterait d’être confirmée par le Conseil d’État.