Le Conseil d’Etat rappelle avec fermeté les critères d’appréciation du caractère lucratif d’une association. La mutation du secteur associatif et l’arrivée de nouveaux acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire implique une vigilance constante.
Les associations créées sous le régime de la loi de 1901 sont soumises à un régime fiscal spécifique dès lors que leur assujettissement aux impôts commerciaux (Impôts sur les sociétés, TVA, CET etc.) ne dépend pas de leur forme sociale mais de l’offre concurrentielle et des modalités selon lesquelles elles exercent leurs activités.
De ce régime fiscal, découlent de nombreuses conséquences : possibilité de bénéficier de dons défiscalisés sous le régime du mécénat, éligibilité à certains financements publics, neutralité fiscale des opérations de restructuration… C’est pourquoi la bonne qualification du régime fiscal d’une association est un préalable indispensable à la pérennité du projet associatif mais aussi à son développement dans un cadre sécurisé pour les dirigeants.
Néanmoins, cet exercice peut se révéler complexe. Notamment du fait qu’il doit faire l’objet d’un suivi dans la durée dès lors que le régime fiscal d’une association est susceptible de changer, au gré de l’évolution de ses activités mais également des mutations d’un secteur concurrencé par des acteurs qui choisissent, parfois dès leur création, d’être assujettis aux impôts commerciaux.
Deux arrêts récents du Conseil d’Etat, rendus le 4 octobre 2021 puis le 29 décembre 2021, rappellent que ce risque n’est pas théorique en précisant avec fermeté les critères de détermination du caractère fiscalisé ou non d’une association œuvrant dans un secteur concurrentiel.
Dans le premier arrêt du 4 octobre 2021, le Conseil d’Etat confirme la position de l’administration fiscale, déjà consacrée par la doctrine (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 n° 530) en considérant que l’appréciation de l’existence d’un concurrent lucratif doit se faire en fonction du régime fiscal dont il relève et non au regard de sa seule forme sociale.
Jusqu’à présent, la jurisprudence semblait pourtant adopter une position plus clémente en limitant la comparaison aux seules entreprises commerciales. Désormais, il ne fait plus aucun doute que l’intervention d’une entité, qu’elle soit constituée sous une forme commerciale ou associative, dès lors qu’elle est assujettie aux impôts commerciaux, devra être pris en compte pour qualifier la situation fiscale de l’ensemble des associations intervenant sur son territoire de concurrence.
Lorsqu’une situation de concurrence est identifiée, il convient toutefois de mener une analyse fine des conditions d’exercice de l’activité concurrencée afin de déterminer si elles se distinguent des entreprises commerciales en application de la règle dite des 4P (Public, Produit, Prix, Publicité).
C’est donc une appréciation de fait, fondée sur un faisceau d’indices qui permettra de conclure sur l’assujettissement aux impôts commerciaux de l’association en situation de concurrence.
Le second arrêt susvisé, rendu en toute fin d’année 2021, rappelle à ce titre qu’une association peut être considérée comme exerçant son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales « soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s’adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l’information du public sur les services qu’elle offre ».
Les juges viennent préciser ensuite que le simple fait de s’adresser à un public différent des concurrents lucratifs ne saurait ainsi suffire si l’association n’est pas en mesure de démontrer en outre qu’elle pratique des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires.
C’est donc une nouvelle fois avec rigueur que le Conseil d’Etat souligne que c’est au regard de chacun des quatre critères susvisés que l’utilité sociale de l’association devra être démontrée afin de lui permettre d’échapper à son assujettissement aux impôts commerciaux.
Alors que le secteur associatif pouvait paraitre préservé des contrôles et redressements fiscaux compte tenu de la forme sociale associative considérée par nature « à but non lucratif », la mutation concurrentielle de ce secteur crée un risque insidieux mais réel sur les associations non fiscalisées et par conséquence sur leurs dirigeants.
Les modalités d’appréciation du régime fiscal applicable aux associations impliquent une vigilance constante, dès lors que ce régime peut évoluer de manière subie, par l’arrivée d’un concurrent, ou volontaire, par la transformation d’une ou plusieurs activités historiques. Cela alors même que la volonté des fondateurs était de bâtir un projet non lucratif.
Il est donc plus que jamais important d’être en mesure d’identifier les activités potentiellement lucratives au sein des associations, pour définir les solutions adaptées permettant d’anticiper les risques financiers éventuels et d’en limiter les impacts. La mise en œuvre des bonnes actions permettra une évolution maitrisée du projet associatif, tout en préservant, autant que possible, son cœur non lucratif.