Le Conseil d’Etat juge, pour la 1re fois semble-t-il, que l’Administration est droit de vérifier l’existence et le montant de déficits réalisés au cours d’exercices prescrits y compris lorsque ceux-ci n’ont pas été imputés sur des exercices non prescrits en raison de la situation déficitaire de la société contrôlée (i.e. solde de déficits en report).
Rappel
Pour mémoire, le Conseil d’Etat a posé, de longue date, le principe selon lequel l’Administration est en droit de vérifier l’existence et le montant de déficits réalisés au cours d’exercices couverts par la prescription, dès lors que ces déficits ont été imputés sur les bénéfices imposables réalisés au titre d’exercices non prescrits (CE, 4 novembre 1970, n°75564 ; CE, 23 juin 1976, n°96439 et CE, 13 novembre 1987, n°56447, notamment).
Cette jurisprudence constante a par la suite été reprise au BOFiP (BOI-IS-DEF-10-20-03/06/2013, § 260 et s.).
L’histoire
Une société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 2009 à 2011. L’Administration a rectifié, en raison de la politique de prix de transfert appliquée, les déficits déclarés par la société au titre de ces exercices.
Le service a également contrôlé le résultat du contribuable au titre d’exercices antérieurs au 1er exercice non prescrit (2009) et a remis en cause les résultats déficitaires réalisés au titre de ces exercices en procédant à des rectifications fondées sur les mêmes motifs.
La société étant en situation déficitaire, la question portait sur le point de savoir si l’administration fiscale pouvait procéder à une remise en cause des déficits au titre des exercices prescrits alors même que ceux-ci n’ont pas fait l’objet d’une imputation sur les bénéfices réalisés au cours d’exercices non prescrits.
Les juridictions du fond ont considéré que l’Administration disposait bel et bien d’une telle faculté (TA Paris, 20 mars 2019, n°1620873 et 1705086 et CAA Paris, 13 avril 2022, n°19PA01644).
La CAA de Paris avait indiqué, à cet égard, que, dans l’hypothèse où l’imposition de la société est nulle du fait de sa situation déficitaire, les déficits en report influent « nécessairement » sur les résultats servant de base à l’imposition dans la mesure où les déficits issus des exercices antérieurs ont pour effet d’augmenter le déficit des exercices non prescrits.
Elle avait également souligné que le report en avant de déficits nés lors d’exercices prescrits « ne relève pas d’une simple déclaration qui reste sans incidence, mais constitue l’un des éléments à prendre en compte pour déterminer le résultat fiscal des exercices non prescrits, même lorsqu’ils constatent un déficit fiscal ».
La décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat prend à son tour position, et juge, dans un considérant de principe dépourvu de toute ambiguïté, que lorsque l’Administration procède au contrôle fiscal d’une entreprise au titre d’un exercice, elle est fondée à exercer son pouvoir de contrôle et de rectification sur l’existence et le montant du déficit reportable, issu d’exercices antérieurs, même prescrits, dont cette entreprise déclare disposer à la clôture de l’exercice vérifié, alors même que ce déficit, qui n’a pas été imputé sur les bénéfices de cet exercice, est seulement susceptible d’affecter le résultat d’exercices ultérieurs par la voie du report déficitaire.
Il précise toutefois qu’en pareille hypothèse, le contribuable peut contester par voie de réclamation contentieuse (en application de l’article L. 190, al. 2 du LPF), la réduction par l’Administration du montant de son déficit reportable.