Le gouvernement français vient de présenter en Conseil des ministres un projet de loi audacieux qui vise à réindustrialiser et décarboner l’économie nationale. Porté par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, ce projet ambitieux repose sur deux piliers essentiels : la création de nouvelles industries vertes et la décarbonation de l’industrie existante.
Avec pour objectif de faire de la France un leader européen de l’industrie verte, ce plan gouvernemental suscite de grandes attentes en matière d’impacts environnemental et économique.
À la suite de la consultation publique pour le projet de loi « Industrie Verte », présenté aux ministres Bruno Le Maire, Christophe Béchu et Roland Lescure le 3 avril 2023 dernier (voir notre article), certaines des propositions ont été sélectionnées pour intégrer le projet de loi. Celui-ci se compose de 15 mesures articulées autour de quatre leviers clés (4F) : Faciliter, Financer, Favoriser, et Former, dont nous vous proposons une analyse des mesures les plus marquantes.
Faciliter et accélérer l’implantation de sites industriels en France
Mesure 1 : Offrir 50 sites « France 2030 » et dépolluer les friches industrielles
Avec cette première mesure, l’État s’engage à co-financer des dépenses d’aménagement de sites clés en main à destination d’activités industrielles (infrastructures d’accès, études environnementales, dépollution, raccordement électrique, etc.). Cet engagement sera financé en partie par le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, « fonds vert », mais également par La Banque des Territoires qui s’engage en investissant un montant de 1 md€ sur la période 2023-2027.
Dans ce budget, 450 m€ seront spécifiquement dédiés à la création de 50 nouveaux sites pré-aménagés et pré-équipés au cours des cinq prochaines années. Cette initiative qui s’intègrera à l’initiative « Territoires d’industrie », en partenariat avec les collectivités territoriales, permettra de couvrir environ 2 000 hectares de terrain qui seront mobilisables rapidement (« sites clés en main ++ »). Les 600 m€ restants seront alloués à des projets de construction d’immobilier industriel, de dépollution et de revitalisation de friches industrielles, ainsi qu’à des initiatives visant à favoriser la transition énergétique et environnementale de l’industrie.
Dans cette même logique de réduire les délais d’implantation, une autre mesure devrait réformer les modalités des autorisations de environnementales de façon à ramener de 18 mois (en moyenne) à 9 mois la durée d’obtention des autorisations (mesure 3 non détaillée ici).
Mesure 2 : Accélérer la dynamique de réindustrialisation dans les territoires
Cette mesure vise à accélérer la dynamique de réindustrialisation dans les territoires. À partir de 2023, une enveloppe budgétaire annuelle de 100 m€ sera mise à disposition pour soutenir les investissements industriels dans les régions. Cette initiative cible spécifiquement les filières nécessitant un soutien à l’investissement productif, telles que le textile, le vélo, l’horlogerie, etc. L’approche adoptée sera concertée avec les Régions, permettant ainsi de coordonner les efforts et de maximiser l’impact de ces investissements sur le développement économique local.
Financer l’industrie verte par la mobilisation des fonds publics et privés
Mesure 6 : Soutenir les technologies vertes grâce au crédit d’impôt « investissements industries vertes »
Afin d’encourager les secteurs industriels engagés dans la transition écologique, un crédit d’impôt sera instauré en 2024 dans la loi de finances. Ce crédit d’impôt, appelé « Investissements Industries Vertes » (C3IV), sera accordé aux entreprises établies sur le sol français qui réalisent des investissements, corporels ou incorporels, nécessaires à la production de batteries de nouvelles générations, de panneaux solaires, d’éoliennes et de pompes à chaleur.
L’assiette du crédit d’impôt correspondra au coût des investissements et son taux pourra varier de 20 % à 45 %, conformément aux directives européennes.
Par ailleurs, des subventions supplémentaires seront mises en place pour les secteurs non couverts par ce crédit d’impôt, tels que les réseaux et les énergies renouvelables thermiques. Ces subventions concerneront les investissements productifs et les dépenses de Recherche, Développement et Innovation, et seront basées sur les régimes d’aides existants et les appels à projets en cours ou à venir.
Au global les mesures financer les initiatives de décarbonation par subventions supplémentaires et le nouveau crédit d’impôt C3IV devraient représenter de l’ordre de 500 m€.
Mesure 7 : Soutenir la décarbonation des industries existantes
Dans le but d’accompagner les entreprises dans leur transition écologique, des aides adaptées à leurs besoins seront mises en place, indépendamment de leur taille ou de leur secteur d’activité. Les « éco-conditions » vont être généralisées : pour bénéficier de ces aides, les entreprises devront effectuer un diagnostic environnemental simplifié et adapté à leur taille pour évaluer leur impact environnemental.
Parmi ces aides, figure notamment des garanties sur prêts, des prêts « verts » de 5 à 10 m€ pour toutes les tailles d’entreprises, ainsi que des subventions à la décarbonation pour les PME et ETI.
La mesure prévoit également la création par BpiFrance de deux fonds :
- Le Fonds France Investissement, Energie, Environnement 2 (FIEE 2) : doté de 200 m€, il soutiendra les filières de la transition énergétique et écologique.
- Le Fonds de fonds Climat Global 1 (FFCG 1) : disposant de 250 m€, il sera dédié à la transition énergétique et écologique.
En parallèle, des subventions dédiées pour les sites les plus émissifs (600 sites SEQE-UE) sont annoncées.
Favoriser les entreprises vertueuses dans toutes les interventions de l’État
Mesure 11 : Conditionner les aides publiques aux entreprises à une trajectoire vertueuse
Le gouvernement prévoit de conditionner les aides publiques pour la transition écologique des entreprises à un diagnostic de leur impact environnemental, favorisant ainsi une « éco-transparence » et invitant les entreprises à travailler leur « éco-compétitivité ». Ces diagnostics, adaptés à la taille de chaque entreprise, seront simplifiés et devront prendre en compte non seulement les enjeux climatiques, mais également ceux liés à la biodiversité, tels que la préservation des milieux naturels et l’utilisation responsable des ressources. Les opérateurs chargés de distribuer les aides seront responsables de la mise en œuvre de cette mesure.
Former aux métiers de l’industrie verte
Mesure 14 : Former plus d’ingénieurs et de techniciens en France
Pour répondre au déficit d’ingénieurs, le Gouvernement s’engage à augmenter à 50 000 le nombre d’ingénieurs diplômés en France d’ici la fin du quinquennat. Pour y parvenir, l’État prévoit :
- une hausse de 22 % des places en écoles des Mines-Télécom
- une féminisation des effectifs en écoles des Mines-Télécom
- des ouvertures de places supplémentaires dans les IUT, licences professionnelles, formations en master et doctorats scientifiques
- une mobilisation de France 2030 à hauteur de 700 m€ pour financer des formations en lien avec le verdissement de notre économie et la décarbonation de l’industrie.
Un projet de loi à la hauteur des ambitions de la France ?
Ce projet de loi vise à réduire l’empreinte carbone de l’industrie française de plus de 6 millions de tonnes de CO2 par an, et projette des investissements de plus de 23 mds€ d’ici 2030, assortis de la création de 40 000 emplois directs industriels. Sa priorité affichée est celle de la décarbonation plus que d’autres aspects (économie circulaire, biodiversité) également clé pour le succès de la transition écologique et énergétique en France.
L’avenir nous dira si les incitatifs fiscaux, financiers, académiques et administratifs de ce projet de loi seront à la hauteur de la compétition européenne et américaine pour attirer les investissements de la nouvelle économie verte sur notre territoire.