Le Conseil constitutionnel vient de déclarer conforme à la Constitution l’exclusion des distributions de sociétés non européennes du mécanisme de neutralisation de la quote-part de frais et charges, applicable aux distributions effectuées au titre d’exercices ouverts avant le 1er janvier 2016, entre sociétés françaises membres du même groupe intégré, et étendu par la décision Stéria aux distributions provenant de sociétés établies dans d’autres Etats membres.
Il précise également que n’est pas contraire au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques le fait que la neutralisation de la quote-part de frais et charges ne bénéficiait pas aux distributions entre sociétés françaises non intégrées.
Pour mémoire, la CJUE avait jugé en septembre 2015 que le mécanisme de la neutralisation de la quote-part de frais et charges en intégration fiscale était incompatible avec la liberté d’établissement, en ce qu’il ne s’appliquait pas aux produits de participation reçus de filiales établies dans d’autres Etats membres (CJUE, 2 septembre 2015, aff. C-386/14, Stéria).
La question transmise au Conseil constitutionnel portait sur la discrimination par ricochet susceptible de résulter de l’interprétation retenue par le Conseil d’Etat de la décision Stéria. La société requérante arguait en effet que les dispositions de l’article 223 B du CGI (dans leur rédaction antérieure à la LFR 2015) lues à la lumière de cette décision créent une différence de traitement entre les sociétés mères françaises selon qu’elles reçoivent des dividendes de filiales européennes ou sises dans un Etat tiers, qui, si elles avaient été résidentes, auraient été éligibles au régime de l’intégration.
Mais, pour le Conseil constitutionnel, les groupes de sociétés dont les filiales sont établies dans un Etat membre de l’UE et ceux dont les filiales sont établies dans un Etat tiers ne sont pas placés dans la même situation. Il considère que l’objectif des dispositions de l’article 223 B était de définir l’un des avantages attachés à l’intégration fiscale afin de garantir aux groupes se plaçant sous ce régime, qui ne concerne que des sociétés mères et filiales françaises, un traitement équivalent à celui d’une unique société dotée de plusieurs établissements. Son extension aux sociétés mères d’un groupe fiscalement intégré au titre des distributions versées par leurs filiales situées dans un autre Etat membre résulte de la seule application du droit de l’Union européenne.
S’agissant de l’absence de contrariété au principe d’égalité devant la loi de la non-extension de la neutralisation de la quote-part de frais et charges aux distributions entre sociétés françaises non intégrées, il relève qu’en réservant son bénéfice aux groupes fiscalement intégrés, le législateur a entendu inciter à la constitution de groupes nationaux, soumis à des conditions particulières de détention caractérisant leur degré d’intégration et a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général de nature à justifier la différence de traitement.
Les différences de traitement résultant des règles antérieures à la LFR 2015 sont donc validées au regard de la Constitution.
On rappelle que la LFR 2015 a ensuite procédé à une mise en conformité du régime à l’arrêt Stéria. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, le législateur a opté pour la suppression pure et simple du mécanisme de neutralisation de la quote-part de frais et charges pour les distributions dans l’intégration fiscale. Corrélativement, le taux de la quote-part de frais et charges a été abaissé de 5 % à 1 % en cas de distribution intra-groupe fiscal ou de distribution perçue par une société membre du groupe fiscal d’une société établie dans un autre Etat de l’UE ou de l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales qui, si elle était établie en France, remplirait les conditions pour être membre de ce groupe, en application des articles 223 A ou 223 A bis du CGI, autres que celle d’être soumise à l’IS en France. Aussi, la décision du Conseil constitutionnel fragilise-t-elle également les réclamations tendant à l’extension de la QPFC au taux de 1 % aux distributions provenant de filiales non européennes.
L’avis du praticien – Michel Guichard
Cette décision fort attendue s’avère décevante pour les entreprises requérantes et il ne peut être exclu que l’enjeu budgétaire du contentieux mené sur le terrain constitutionnel ait pu avoir une quelconque influence dans son issue. Pour autant, d’autres voies de contestation de la quote-part de frais et charges restent ouvertes, s’appuyant sur d’autres différences de traitements.