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Obligation de déduire les provisions comptabilisées

Photo du Conseil d'Etat

Le Conseil d’Etat a définitivement tranché la question. Dès lors qu’une provision est comptabilisée et que l’ensemble des conditions fiscales sont remplies, l’entreprise n’a pas le choix, elle doit la déduire. La conséquence désastreuse de cette position de principe est que, pour l’avenir, la reprise de cette provision sera taxable alors que la déduction de sa dotation ne pourra pas toujours être récupérée. Si une action préventive est possible sur l’exercice clos au 31 décembre 2013, en revanche, aucune pratique comptable, notamment la reprise systématique en début d’exercice des dotations de l’exercice précédent, ne saurait immuniser l’entreprise pour l’avenir, en cas d’erreur délibérée avérée.

On sait que le bénéfice imposable d’une entreprise peut se déterminer par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice (CGI art 38-2).

Corrélativement à sa déduction fiscale obligatoire au titre de son exercice de constitution, le juge considère que la reprise de la provision, lors d’un exercice ultérieur, entraîne une augmentation de l’actif net du bilan de clôture de l’exercice correspondant.

En pratique, pour la détermination du résultat imposable de l’exercice au cours duquel la provision est reprise, le juge reconnait à l’Administration le droit de minorer la valeur de l’actif net d’ouverture de cet exercice du montant de la provision qui n’a pas été déduite en son temps. La variation d’actif net ainsi mise en évidence entre l’ouverture et la clôture de l’exercice constitue un bénéfice imposable. Bien évidemment, cette possibilité de rectification, qui permet à l’Administration de taxer effectivement la reprise de la provision, n’est possible que pour autant que celle-ci ne soit pas opérée au titre du premier exercice non prescrit dont l’actif net d’ouverture a été rendu intangible par la loi (CGI, art. 38-4 bis).

Cela étant, s’il est ainsi posé un principe général de taxation de la reprise de provision, le mécanisme des corrections symétriques peut, sous réserve de la bonne foi de l’entreprise, permettre la récupération de la déduction fiscale de la provision non pratiquée en son temps.

Au cas particulier, le juge précise que si l’Administration est admise à minorer la valeur de l’actif net d’ouverture de l’exercice de reprise de la provision, elle doit également corriger à la baisse la valeur de l’actif net de clôture de l’exercice précédent. La correction des valeurs devrait ainsi être opérée jusqu’à l’exercice de dotation de la provision. Si ce dernier se situe en période prescrite, la correction symétrique se heurtera à l’actif net d’ouverture du premier exercice non prescrit et par suite mettra en évidence, pour cet exercice, une variation négative puisque l’actif net d’ouverture restera majoré de la provision fiscalement non déduite alors que celui de clôture aura été diminué par le jeu de la correction symétrique des bilans. Ainsi, l’entreprise pourra récupérer son droit à déduction de la provision.

Mais on observera que cette possibilité n’est opérante qu’à la condition que l’exercice de reprise de la provision soit postérieur à l’entrée en vigueur de l’article 38-4 bis du CGI, c’est-à-dire à partir de 2005, et qu’au surplus, le juge l’exclut formellement en cas d’erreur délibérée.

Compte tenu de l’incertitude antérieure quant à la règle de droit, on peut penser que pour tous les exercices clos avant la décision du juge, soit le 23 décembre 2013, la non-déduction fiscale de la provision, même si elle découlait d’une décision manifeste de l’entreprise, procédait d’une interprétation de la loi fiscale et non d’une erreur commise délibérément. Ainsi, la décision du juge permettrait pour le passé d’assurer une certaine équité.

Pour les exercices clos à compter de la décision qui a consacré la règle de droit, l’entreprise qui ne déduit pas une provision comptabilisée alors que celle-ci remplit l’ensemble des conditions fiscales, aura bien du mal à justifier qu’elle ne commet pas une erreur délibérée et, par suite, devrait difficilement pouvoir prétendre à la correction symétrique de ses bilans pour obtenir la déduction corrélative de la provision au moment de la taxation de sa reprise.

Dans ces conditions, les provisions non déduites et non encore reprises au titre d’un exercice antérieur devraient l’être en comptabilité au titre du premier exercice clos après le 23 décembre 2013 et neutralisées pour la détermination du résultat imposable de cet exercice. Ainsi, la taxation éventuelle de cette reprise par le service vérificateur pourrait être compensée, par le jeu des corrections symétriques, par une déduction au titre du premier exercice non prescrit.

Cette application spontanée de la règle tracée par le juge de l’impôt permettra à l’entreprise de régulariser sa situation en purgeant toutes les provisions dont la non déduction ne peut pas, du fait de son antériorité, être regardée comme procédant d’une erreur délibérée.

Bien évidemment, si elles conservent leur objet, ces provisions devront donner lieu à une nouvelle dotation comptable qui, si elle remplit les conditions requises pour être fiscalement déduite, devra être prise en compte pour la détermination du résultat imposable de cet exercice.

Enfin, dans les cas où, compte tenu des éléments de faits, l’entreprise ne déduit pas une provision comptabilisée, la documentation susceptible de pouvoir justifier du bien-fondé de cette décision devra être impérativement constituée dès l’exercice de dotation de la provision et conservée jusqu’au moment de sa reprise comptable afin d’éviter la taxation de cette dernière.

En revanche, dès lors que la jurisprudence considère qu’une erreur délibérée constitue une décision de gestion opposable au contribuable, la technique comptable de la reprise des provisions dès l’ouverture de l’exercice suivant celui de leur dotation n’immunisera pas l’entreprise des conséquences d’une taxation de la reprise en cas de défaut de justification de la discordance fiscalo-comptable. En effet, si le caractère délibéré de l’erreur s’oppose au bénéfice des corrections symétriques, il s’oppose également à la rectification du résultat de l’exercice de dotation dans le cadre du délai spécial de réclamation.

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