La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (« DGCCRF ») peut être autorisée par un juge à recourir à des pratiques coercitives (auditions, saisie forcée de documents et de tout support d’information, etc.) dans le cadre de ce que l’on nomme une « OVS » (Opération de Visite et de Saisie). En confirmant sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation fragilise un des rares moyens de défense des entreprises.
Rappels sur les stratégies de défense
Les entreprises faisant l’objet d’OVS disposent, en théorie, d’un certain nombre de moyens de défense (vous pouvez relire notre article sur les « stratégies de défense aux opérations de visite et de saisie de la DGCCRF »).
Ces moyens de défense sont cependant limités et les recours intentés par les entreprises visitées entraînent rarement l’annulation de la procédure.
L’étude de la jurisprudence démontre que le principal moyen de défense des entreprises à la suite d’OVS accepté par les juges est celui consistant à solliciter la destruction et/ou la restitution de l’ensemble des documents saisis irrégulièrement ou en violation des droits de la défense1.
En pratique, la DGCCRF recourt, de manière régulière à une saisie globale des fichiers « insécables », ce qui vise notamment les messageries électroniques. Elle laisse ensuite un délai à l’entreprise concernée pour identifier les fichiers susceptibles d’être protégés (technique du « scellé provisoire »).
Or, à cet égard la jurisprudence de la Cour de cassation n’a eu de cesse d’être de plus en plus défavorable aux entreprises visitées. C’est ainsi qu’elle fait peser la charge du tri de ces fichiers sur la société ayant fait l’objet des OVS. La Cour de cassation retenait, dès 2017, qu’il appartenait à la société ayant fait l’objet des OVS de désigner précisément les documents qu’elle estimait étrangers au champ de l’enquête (Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juil. 2017, 16-81.037) ou obtenus en violation des droits de la défense (Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juil. 2017, 16-81.066), afin d’obtenir leur restitution.
Les précisions apportées par la Cour de cassation
Dans son arrêt du 4 mars 2020 (Cour de cassation, chambre criminelle, 4 Mars 2020 – n° 18-84.071), la Cour de cassation a confirmé la validité de cette pratique tout en apportant des précisions importantes.
Ainsi, la Cour de cassation a considéré que la pratique consistant à laisser à l’entreprise visitée la charge d’identifier les fichiers susceptibles d’être protégés en remplissant un tableau numérique communiqué par la DGCCRF était valable. Il était pourtant demandé à l’entreprise, pour chacun de ces fichiers, de préciser le numéro du scellé, le nom du fichier d’inventaire, le nom du fichier, le chemin d’accès dans l’inventaire, et le chemin d’accès dans la messagerie, ce qui représente un travail considérable. En outre, la Cour de cassation a notamment retenu dans cet arrêt qu’il ne suffit pas qu’un courriel émane d’un avocat ou lui soit adressé pour être couvert par la confidentialité.
Dans ces conditions, il est possible de s’interroger sur la faculté qu’auront les entreprises visitées, et notamment les PME, de faire respecter leurs droits (notamment le droit de la défense) dans le cadre de ces opérations de tri. Poser la question, c’est déjà y répondre.
1 : La Cour européenne des droits de l’Homme et la Cour de cassation ont jugé qu’il convenait d’ordonner la restitution ou la destruction des documents saisis lorsqu’ils ont été appréhendés en violation du principe de proportionnalité (Cass. Com., 20 mai 2009, n° 07-86.437 ; CEDH, 21 mars 2017, JANSSEN CILAG S.A.S. contre France, requête n° 33931/12). Il s’agit en général des documents protégés par le secret des correspondances avocat-client.