Le Conseil d’Etat juge que si l’option pour l’activation des dépenses de fonctionnement de recherche scientifique est, en principe, irréversible, et qu’elle a donc vocation à s’appliquer à l’ensemble des projets de recherche déployés par l’entreprise, encore faut-il s’assurer, au cas par cas, que chacun de ces projets satisfait bien aux critères d’immobilisation posés par le droit comptable.
Rappel
Au plan fiscal, les entreprises qui engagent des frais de recherche scientifique ou technique disposent d’un choix entre la déduction immédiate ou l’immobilisation des dépenses de fonctionnement correspondantes (CGI, art. 236, I).
Au plan comptable, les modalités de comptabilisation diffèrent selon la période concernée :
- les coûts engagés lors de la phase de recherche doivent, dans tous les cas, être comptabilisés en charge (PCG, art. 213-27) ;
- en revanche, les coûts engagés lors de la phase de développement peuvent, sur option de l’entreprise, ne pas être comptabilisés en charge mais donner lieu à la comptabilisation d’un actif, à la condition qu’ils se rapportent à des projets nettement individualisés, ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale (com., art. R. 123-186) ;
En raison du principe de permanence des méthodes comptables, l’option pour l’activation est définitive, sauf cas exceptionnel de changement de méthode ; aussi, cette option, une fois exercée par l’entreprise, s’appliquera à l’ensemble des projets satisfaisant à ces mêmes critères.
L’Administration, en application du principe de connexion fiscalo-comptable, indique, dans ses commentaires au BOFiP, que le traitement comptable retenu par l’entreprise d’activation ou de déduction en charges des dépenses de R&D déterminera le régime fiscal leur étant applicable – autrement dit, l’option prise par l’entreprise sur le plan comptable constitue une décision de gestion qui lui est opposable fiscalement (BOI-BIC-CHG-20-30-30, 1er mars 2017, n°70).
Rappelons que le Conseil d’Etat a confirmé, à plusieurs reprises, l’application du principe de connexion fiscalo-comptable en présence d’une option comptable – pour autant, bien entendu, qu’aucune règle de droit fiscal ne s’y oppose (notamment, CE, 13 juillet 2011, n°311844, SA GH Mumm & Cie, CE, 20 juin 2016, n°361832, SA Gecina).
L’histoire
Une société spécialisée dans les nouvelles technologies et les solutions innovantes appliquées à l’agriculture opte, en 2010, pour l’activation des frais de développement exposés dans le cadre d’un projet de recherche.
L’année suivante (en 2011), elle signe un contrat avec le Centre National d’Etudes Spatiales, en vue de la réalisation d’un nouveau projet de recherche, pour l’exécution duquel elle a conclu un accord de consortium avec 4 organismes.
Si, dans ce cadre, elle a inscrit à l’actif de son bilan des frais de fonctionnement exposés au titre de ses propres travaux de recherche, elle a en revanche comptabilisé en charges les dépenses de sous-traitance réalisées par les autres membres du consortium en 2011 et en 2012.
L’Administration lui a alors opposé le principe de permanence des méthodes comptables et a considéré que l’ensemble des dépenses afférentes à ce projet de recherche devaient suivre le même traitement comptable et fiscal (activation des dépenses versus charges). Cette analyse a été confortée par la CAA de Versailles.
La décision du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat rappelle, en 1er lieu, que l’option prévue par l’article 236, I du CGI est, conformément au principe de permanence des méthodes comptables, irréversible sauf changement exceptionnel de situation du contribuable ou modification des règles comptables, et doit s’exercer pour l’ensemble des dépenses des projets de recherche de l’entreprise qui satisfont aux critères prévus à l’article R. 123-86 du Code de commerce.
En revanche, il juge qu’en se bornant à opposer au contribuable le principe de permanence des méthodes comptables, sans rechercher si le projet de recherche litigieux satisfaisait bien aux critères d’immobilisation posés par le droit comptable, la Cour a commis une erreur de droit.
Il renvoie donc l’affaire, pour règlement au fond, à la CAA de Versailles.