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Ordre d’imputation des déficits : le Conseil d’État se prononce et choisit la méthode FIFO

Dans un arrêt publié au recueil en date du 14 novembre 2025, le Conseil d’État juge, pour la 1re fois à notre connaissance, que les déficits reportés sur les exercices suivants sont imputés sur les résultats bénéficiaires par ordre chronologique, en commençant par le déficit (ou le reliquat de déficit) le plus ancien, dès que les résultats de l’un de ces exercices font apparaître un bénéfice.

Rappel

Dès lors que le contribuable les a déduits des bénéfices imposables d’un exercice non prescrit, l’Administration est en droit de vérifier l’existence et le montant de déficits réalisés au cours d’exercices couverts par la prescription, et de remettre en cause les résultats prétendument déficitaires. Les rectifications apportées à ces résultats ne peuvent, toutefois, pas avoir d’autre effet que de réduire ou supprimer les reports déficitaires opérés sur des exercices non prescrits (CE, 13 novembre 1987, n°56447, notamment).

Plus récemment, le Conseil d’État est venu compléter cette jurisprudence en précisant que l’Administration est en droit de vérifier l’existence et le montant de déficits réalisés au cours d’exercices prescrits, y compris lorsque ceux-ci n’ont pas été imputés sur des exercices non prescrits en raison de la situation déficitaire de la société contrôlée (i.e. solde de déficits en report – CE, 5 juillet 2023, n°464928, SA ST Dupont).

L’histoire

Le 28 novembre 2007, une société procède à l’absorption de sa filiale à 100 % via TUP avec effet différé au 1er janvier 2008.

Au titre de l’exercice clos en 2007, la société confondante a déduit de son résultat des provisions pour dépréciation et au titre de l’exercice clos en 2008, un mali de confusion en raison de l’annulation des titres de sa filiale. Les 2 exercices, 2007 et 2008, étaient déficitaires.

L’Administration a remis en cause ces déductions, et considérant que le reliquat du montant total des déficits générés par la société (incluant celui généré par ces déductions) a été imputé sur les bénéfices réalisés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 (non prescrits), a rectifié en conséquence les résultats de ces exercices.

Pour s’opposer à ce redressement, la société se prévalait de l’absence de règle imposant un ordre d’imputation des déficits, et indiquait que les déficits litigieux subis au titre des exercices 2007 et 2008 avaient été imputés sur les bénéfices réalisés au titre de l’exercice clos en 2010 (exercice prescrit), de sorte que l’Administration ne pouvait plus en demander la correction.

L’affaire a été portée devant la CAA de Paris, laquelle a jugé qu’une entreprise ne saurait se prévaloir d’avoir imputé par priorité ses déficits reportables les plus anciens, en l’absence de tout élément de preuve de nature à justifier les modalités selon lesquelles elle aurait été susceptible de procéder effectivement à cette imputation (CAA Paris, 1er mars 2024, n°22PA00532).

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’Etat juge, de manière claire, que les déficits reportés sur les exercices suivants sont imputés sur les résultats bénéficiaires par ordre chronologique, en commençant par le déficit ou le reliquat de déficit le plus ancien, dès que les résultats de l’un de ces exercices font apparaître un bénéfice et, sous réserve bien entendu des règles de plafonnement de l’imputation des déficits, à concurrence de l’intégralité de ce bénéfice.

Il en tire ensuite les conséquences suivantes en matière de pouvoirs de contrôle de l’Administration :

En l’espèce, le Conseil d’État casse l’arrêt d’appel, faisant grief à la CAA de Paris d’avoir jugé que le reliquat de déficits en report de la société requérante résultait indistinctement de l’ensemble des résultats déficitaires des exercices clos entre 2006 et 2009 pour en déduire que l’Administration pouvait rectifier le montant de chacun de ces résultats et en tirer les conséquences sur les exercices vérifiés.

Il lui renvoie l’affaire pour jugement au fond.

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