Le Parlement européen vient d’approuver dans sa session du 19 mai la proposition de Directive Pilier 2 – avec un certain nombre d’amendements.
Cet avis n’est toutefois pas juridiquement liant pour le Conseil de l’UE.
Rappel
La Commission européenne a publié le 22 décembre 2021 une proposition de Directive « Pilier 2 », déclinant au niveau européen les règles modèles Pilier 2 de l’OCDE.
Ce texte, de nature fiscale, ne peut être adopté que dans le cadre d’un vote positif unanime des EM, exprimé dans le cadre du Conseil de l’UE.
Préalablement à ce vote, la Commission des affaires économiques et monétaires émet un rapport sur cette proposition de Directive, puis le Parlement émet un avis sur ce rapport. Cet avis ne lie pas juridiquement le Conseil de l’UE, même si rien ne l’empêche, bien entendu, de le suivre.
Le Parlement européen vient de se prononcer sur le rapport de la Commission des affaires économiques et monétaires sur la proposition de Directive « Pilier 2 ».
Ce vote en plénière constitue l’avis du Parlement européen.
Le texte pourrait être débattu lors du prochain Conseil Ecofin, qui se tiendra le 17 juin 2022, ayant été retiré de l’ordre du jour de l’Ecofin du 24 mai. A ce jour, la Pologne semble maintenir son opposition à la proposition de Directive.
Le texte adopté par le Parlement européen a fait l’objet de nombreux amendements à l’initiative de la Commission des affaires économiques et monétaires.
Nous vous signalons ci-après les aménagements les plus significatifs.
À noter que les dates prévues par le projet de Directive dans sa version du 22.12.2021 n’ont pas été modifiées par le Parlement (i.e. date maximale d’adoption par les EM du 31.12.22 et date d’application des nouvelles règles du 01.01.2023).
Considérants préalables
En préambule, le Parlement inscrit son souhait que le groupe « Code de conduite – fiscalité des entreprises » du Conseil de l’UE surveille de manière régulière l’évolution des normes comptables et leur application dans le cadre du niveau minimum d’imposition. Il appartiendrait à ce groupe, si nécessaire, de faire des propositions pour adapter les règles de détermination des bénéfices avec l’aide de la Commission européenne.
Le Parlement européen souhaite également que soit inscrite en préambule la nécessité d’une mise en œuvre rapide et uniforme dans le monde entier et par les EM des règles « Pilier 2 », mise en œuvre qui nécessitera de surcroît l’intensification des échanges d’informations entre les EM de l’UE et les pays tiers.
À cet égard, il appelle de ses vœux une révision rapide de la Directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (la dernière version modifiée de cette Directive est la version DAC7).
Les députés européens souhaitent également que la Commission européenne recommande aux EM de modifier leurs conventions fiscales bilatérales signées avec des pays à faible revenu afin d’y inclure au plus vite la RAI (règle d’assujettissement à l’impôt).
Faculté pour la Commission européenne de modifier ultérieurement la Directive pour tenir compte des évolutions des règles OCDE
De nombreux amendements visent à permettre à la Commission européenne de préciser ou modifier, ultérieurement, et par voie d’actes d’exécution, des éléments de définition ou des termes de calcul pour l’application de la Directive.
L’objectif affiché est de permettre à la Commission européenne de pouvoir tenir compte des modifications futures des règles modèles GloBE de l’OCDE, publiées le 20 décembre 2021, par exemple, les règles de simplification en cours de réflexion au niveau de l’OCDE.
Localisation d’une entité constitutive (art. 4)
La proposition de Directive prévoit qu’une entité constitutive est réputée située dans la juridiction où elle est considérée comme résidente fiscale en vertu de son siège de direction.
Les députés européens précisent que le siège de direction à retenir doit s’entendre du siège de direction effective, entendu comme le lieu où sont prises les principales décisions de gestion et décisions commerciales qui sont nécessaires à la conduite des activités, de son lieu de création ou d’autres critères similaires qui reflètent des activités économiques réelles.
Instauration d’une règle anti-abus (art. 4 bis nouveau)
Les députés européens se sont prononcés en faveur de l’instauration d’une clause anti-abus.
Il serait ainsi prévu qu’aux fins du calcul de l’impôt complémentaire, les EM ne devraient pas tenir compte « de tout montage ou toute série de montages qui, ayant été mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal qui va à l’encontre de l’objet ou de la finalité de la Directive, n’est pas authentique compte-tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents » (même rédaction que la clause anti-abus générale issue de la Directive ATAD, et transposée en droit français à l’article 205 A du CGI).
Raccourcissement du délai de paiement maximal pour la prise en compte de l’impôt complémentaire national qualifié (art. 10)
Pour mémoire, les règles « Pilier 2 » prévoient de minorer le montant de l’impôt complémentaire dû (à l’issue du calcul du TEI) du montant de l’impôt complémentaire national qualifié (« qualified domestic top-up tax ») sous réserve que ce dernier soit acquitté dans un délai maximal de 3 années fiscales.
Les députés européens ont adopté un amendement prévoyant de baisser ce délai maximal de 3 à 1 année fiscale.
Raccourcissement du délai de reversement maximal pour la prise en compte de certains impôts différés passifs (art. 21)
Pour mémoire, les règles « Pilier 2 » permettent de compenser les différences temporaires entre les normes comptables et les règles fiscales par la prise en compte des impôts différés comptabilisés.
Dans ce cadre, le projet de Directive prévoit que certaines charges d’impôts différés passifs comptabilisés peuvent être retenues en tant qu’impôt GloBE, sous réserve qu’elles donnent lieu à un paiement effectif/reversement dans un délai maximal de 5 années fiscales.
Les députés européens ont adopté un amendement prévoyant de baisser ce délai maximal de 5 à 3 années fiscales.
Raccourcissement du délai d’exonération temporaire en faveur des groupes en phase de démarrage de leurs activités internationales (art. 47)
Pour mémoire, la proposition de Directive prévoit la non-application de la RIR et de la RPII aux groupes en phase de démarrage de leurs activités internationales pendant une période de 5 ans.
Le texte approuvé par les parlementaires européens prévoit d’abaisser cette période de 5 à 3 ans.
Application des règles « Pilier 2 » aux grands groupes purement domestiques (art. 50)
Contrairement aux règles proposées par l’OCDE, la proposition de Directive prévoit de soumettre également aux règles « Pilier 2 » les grands groupes purement domestiques, mais avec une période d’exonération de l’impôt complémentaire d’une durée de 5 ans à partir de l’année d’entrée dans le dispositif.
Le texte approuvé par les parlementaires européens prévoit d’abaisser cette période de 5 à 3 ans.
Instauration d’une clause de réexamen (art. 53 bis nouveau)
Les députés européens souhaitent instaurer une clause de réexamen, afin de garantir que l’application de la Directive soit correctement évaluée 5 ans après son entrée en vigueur.
Dans ce cadre, la Commission européenne devrait transmettre au Conseil de l’Union européenne un rapport incluant son évaluation sur l’application de la Directive, ainsi que les progrès réalisés dans la mise en œuvre au niveau mondial de l’accord de l’OCDE/du modèle de règles GloBE ainsi que certaines exonérations et dérogations, notamment en ce qui concerne les régimes d’imposition des distributions et l’exclusion de bénéfices liée à la substance, la pertinence du seuil pour les groupes d’EMN et les grandes entreprises nationales dans le champ d’application et l’incidence sur les recettes fiscales des pays les moins avancés.
Le rapport de la Commission européenne devrait préconiser les modifications nécessaires de la Directive le cas échéant.
Instauration d’une clause de « délimitation » (art. 53 ter nouveau)
Les députés européens souhaitent que la Directive n’affecte pas l’application par les EM des dispositions nationales ou conventionnelles visant à préserver un niveau plus élevé de protection des bases d’imposition nationales pour l’impôt sur les sociétés en ce qui concerne la règle relative aux sociétés étrangères contrôlées, et qu’elle n’affecte pas davantage l’application des dispositions nationales relatives à d’autres formes d’imposition minimale des groupes ou sociétés nationaux.