Selon la CAA de Paris, l’agrément prévu à l’article 209 II du CGI, qui permet de bénéficier du transfert des déficits reportables, ne peut pas être refusé au motif que, du seul fait de la nature de l’activité de holding de la société absorbée, les déficits générés par son activité sont regardés comme provenant d’une activité de gestion de son patrimoine mobilier.
En cas de fusion bénéficiant du régime de faveur, les déficits antérieurs non encore déduits supportés par la société absorbée et qui ne bénéficient pas du transfert de plein droit, peuvent être reportés sur les bénéfices ultérieurs de la société absorbante si un agrément est obtenu à ce titre.
L’agrément est de droit sous réserve du respect des conditions suivantes :
- l’opération est placée sous le régime de l’article 210 A du CGI
- elle est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales (209 II a) du CGI)
- l’activité à l’origine des déficits n’a pas subi de changement significatif pendant la période de constatation des déficits (209 II b) du CGI)
- l’activité à l’origine des déficits dont le transfert est demandé doit être poursuivie pendant un délai minimum de 3 ans, sans faire l’objet, pendant cette période, de changement significatif (209 II c) du CGI)
- les déficits ne proviennent ni de la gestion d’un patrimoine mobilier par des sociétés holdings ni de la gestion d’un patrimoine immobilier ( 209 II d) du CGI). [Cette condition a été ajoutée par la Loi du 16 août 2012]
L’histoire
Au cours de l’exercice clos en 2014, dans le cadre du rapprochement des groupes Sopra et Stéria, la société Sopra Groupe a absorbé la société holding du groupe Stéria dans le cadre du régime de faveur de l’article 210 A du CGI. A ce titre, la société absorbante a sollicité de l’administration fiscale, sur le fondement de l’article 209 II du CGI, un agrément lui permettant de bénéficier du transfert des déficits reportables de la société absorbée au 31 décembre 2013.
Par une décision datant du 2 décembre 2015, le bureau des agréments et rescrits a intégralement rejeté le transfert des déficits générés par la société holding absorbée.
Confrontée à un refus persistant tendant au réexamen de sa demande d’agrément pour le transfert des déficits ayant pour origine la société holding, la société absorbante a saisi le TA de Paris d’un recours pour excès de pouvoir.
Le TA a fait droit aux prétentions de la société en annulant la décision de refus d’agrément et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la demande de la société absorbante dans un délai de 4 mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l’action et des comptes publics relève appel de ce jugement.
La décision
Sur la nature de société « holding » de la société absorbée
La Cour précise qu’une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe, et, doit par suite, être regardée comme exerçant une activité distincte de la gestion d’un patrimoine mobilier au sens des dispositions du d) du II de l’article 209 du CGI, activité qui n’est pas accessoire à une telle gestion.
Elle rappelle que, par principe, les disposition de l’article 209 II d) du CGI, interprétées à la lumière des travaux préparatoires de la LFR 2012 dont elles sont issues, ne font pas obstacle à ce qu’une société puisse bénéficier de l’agrément prévu en vue d’imputer sur ses bénéfices ultérieurs les déficits antérieurs non encore déduits de la société holding absorbée dès lors que les déficits concernés ne proviennent pas d’une activité de gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier au sens de ce texte. L’intention du législateur était en effet d’exclure les seules » holdings financières « , et non l’ensemble des holdings, dans le but de limiter les possibilités d’exploitation des déficits à des fins d’optimisation fiscale (« marchés de déficits »).
La Cour juge en conséquence que les déficits d’une société holding animatrice sont susceptibles de bénéficier de l’agrément prévu par les dispositions de l’article 209 II du CGI et ne se limitent pas aux seuls déficits provenant d’une activité opérationnelle distincte de son activité de gestion de ses filiales et réalisée au seul profit de clients tiers.
Elle en déduit que l’agrément prévu par ces dispositions ne pouvait pas être refusé à la société absorbante au seul motif que, du fait de la nature de société holding de la société absorbée, les déficits générés par son activité devaient être regardés comme provenant d’une activité de gestion de son patrimoine mobilier faute de résulter d’une activité exercée au profit de sociétés tierces à son groupe.
Sur les prestations d’animation et de support rendues par la société absorbée
La Cour rejette la substitution de motif, demandée par le ministre de l’action et des comptes publics, selon laquelle les prestations d’animation et de support réalisées par les différentes directions fonctionnelles de la société holding ne peuvent générer de déficit dans la mesure où elles avaient nécessairement vocation à être refacturées aux filiales.
À ce titre, elle estime d’une part, que l’activité principale d’une société holding animatrice, qui la conduit notamment à participer activement à la conduite et à la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales, ne se limite pas à la réalisation au profit de ses filiales de prestations ayant vocation à être refacturées à ces dernières.
D’autre part, elle constate qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les déficits en cause résulteraient exclusivement d’une activité de prestations de services effectuées par la société holding au profit des filiales de son groupe.
Pour mieux comprendre cet aspect de la décision, il convient probablement de souligner le point mis en avant par le rapporteur public, Alix de Phily, sous la décision de première instance. En effet, l’Administration n’aurait pas remis en cause les prix de transferts pratiqués mais se serait bornée à avancer que, dès lors que les services sont nécessairement refacturés aux filiales au minimum à leur prix de revient, l’activité d’animation ne peut pas générer de déficit : ce qui conduirait in fine à remettre en cause la ventilation des déficits entre l’activité d’animation et l’activité de holding pure. Toutefois, l’Administration reconnaîtrait elle-même dans ses écritures qu’elle n’a pas estimé nécessaire de procéder à la répartition des déficits suivant leur origine.