Au regard des faits et circonstances propres à l’affaire, le Conseil d’État précise le critère d’utilité de la détention nécessaire pour retenir la qualification de titres de participation. Il censure la Cour d’appel d’avoir écarté le critère au cas d’espèce pour refuser l’application du régime des PVLT.
Pour rappel, en matière d’IS, les cessions de titres de participation détenus depuis plus de 2 ans bénéficient d’un régime d’exonération, sous réserve de l’imposition d’une quote-part de frais et charges de 12 % (CGI, art. 219, I, a quinquies).
Aux fins d’application de ce régime favorable des plus-values à long-terme, on notera les éléments suivants :
- Il existe des cas de présomptions irréfragables où les titres détenus constituent des « titres de participation », soit essentiellement les lignes de titre détenus à plus de 10 % ou 5 % (sous réserve de conditions de forme et de seuil).
- En dehors de ces cas de figure, la loi fiscale renvoie aux règles comptables : sont notamment considérés comme des titres de participation ceux qui revêtent ce caractère sur le plan comptable, c’est-à-dire ceux dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle. Cette définition, initialement retenue par le PCG de 1982, a été reprise et précisée par le juge de l’impôt (notamment CE 20-10-2010, n°314247, Sté Alphaprim ; CE, 20 octobre 2010, n°314248, Sté Hyper Primeurs et CE, 20 mai 2016, n°392527, Selarl L.).
À titre de précision, l’Administration retient la qualification de titres de participation dans ses commentaires au BOFiP alors même que les critères d’influence et de contrôle ne sont pas remplis. Elle précise en effet, que lorsque la société détentrice ne détient qu’un très faible pourcentage de capital, la qualification de titres de participation au sens comptable peut être retenue « si l’entreprise est à même de faire état de circonstances exceptionnelles permettant de caractériser un impact significatif sur l’activité de l’entreprise détentrice. Cet impact ne peut être tenu pour établi aux seuls motifs que la détention s’inscrit dans une stratégie de placement à long terme ou qu’il existe, par ailleurs, des relations d’affaires avec la société émettrice des titres » (BOI-BIC-PVMV-30-10-20170503, §120).
L’histoire
La société Areva acquiert en septembre 2005 auprès de sa filiale Cogema les titres que cette dernière détenait dans la société Suez. À la clôture de l’exercice 2005, Areva comptabilise ces titres en titres de participation. En 2008, à la suite de la fusion de la société Suez dans la société GDF-Suez, Areva réalise une plus-value d’échange de titres qu’elle estime relever du régime des PVLT sur titres de participation. Elle n’a donc soumis cette plus-value à l’impôt qu’à hauteur de la seule QPFC de 5 %, applicable à l’époque par application de l’article 219, I, a quinquies du CGI.
À la suite d’une vérification de comptabilité, l’Administration remet en cause la qualification de titres de participation et assujetti la totalité de la plus-value à l’IS.
Alors même que les titres en cause ne représentaient qu’un faible niveau de participation (moins de 3 % des droit au capital et droits de vote), le TA de Montreuil accueille favorablement la demande de la société requérante, considérant que celle-ci avait procédé à l’acquisition des titres afin de nouer des liens durables et stratégiques pour le développement de son activité et possédait une certaine influence sur la société émettrice.
En appel, la CAA de Versailles juge à l’inverse que l’inscription comptable, erronée, des titres litigieux dans un compte de titres de participation est établie par l’Administration. Elle estime en effet que ces titres ne peuvent être considérés comme utiles à l’exploitation de la société requérante, celle-ci n’établissant pas qu’elle exerce un contrôle effectif sur la société émettrice, ou qu’elle entend créer un lien durable avec elle, nécessaire au développement de leurs relations (CAA Versailles, 8 décembre 2020, n°18VE03698, Areva).
La décision
Conformément à sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’État rappelle que les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise, notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle.
Par ailleurs, il se réfère à la notion de « participation », donnée par article R. 123-184 du Code de commerce selon laquelle : « Constituent des participations les droits dans le capital d’autres personnes morales, matérialisés ou non par des titres, qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l’activité de la société détentrice ».
Dès lors, il précise que le critère d’utilité exigé peut notamment être caractérisé si les conditions d’achat des titres révèlent l’intention de l’acquéreur d’exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d’exercer une telle influence. Puis, il ajoute qu’une telle utilité peut aussi être caractérisée lorsque les conditions d’acquisition des titres révèlent l’intention de la société acquéreuse de favoriser son activité par ce moyen, notamment par les prérogatives juridiques qu’une telle détention lui confère ou les avantages qu’elle lui procure pour l’exercice de cette activité (voir en ce sens CE 20 mai 2016, n°392527 Selarl L., précité).
En conséquence, il censure la Cour de n’avoir pas vérifié si l’intention de la société Areva était de favoriser son activité au regard notamment des prérogatives juridiques conférées ou des avantages procurés par la détention des titres en cause. Il reproche ainsi à la CAA de s’être limitée dans sa décision à considérer les relations déjà existantes entre les sociétés sans tenir compte, particulièrement dans le secteur en cause, du temps nécessaire au développement des activités commerciales.
Après une analyse circonstanciée des faits, le Conseil d’État juge les conditions établissant le critère d’utilité remplies dans la mesure où :
- Le niveau de participation de la société requérante dans la société émettrice lui permettait d’exercer certaines prérogatives juridiques (inscription de résolutions aux assemblées générales) ;
- La société requérante est devenue le 5e plus gros actionnaire de la société émettrice après le rachat des titres ;
- L’opération s’inscrivait notamment dans une démarche de développement des activités de la société requérante, en matière nucléaire, en Europe ;
- Après l’approbation de l’opération d’acquisition, lors du conseil de surveillance de 2005, sous réserve de l’absence d’engagement, exigée par le directeur de l’APE, de conserver les titres, ceux-ci ont été, dès le mois de décembre 2005, reclassés depuis les titres de placement vers les titres de participation – et à aucun moment l’APE n’a contesté ce reclassement ;
- Les 2 groupes entretenaient déjà des relations d’affaire dans le marché du nucléaire, dans lequel le nombre d’acteurs est restreint ;
- Le CA réalisé par la société requérante avec la société émettrice – bien que restant faible au regard de son activité d’ensemble – a été multiplié par 3 dans les années ayant suivi le rachat des titres.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État valide donc la qualification de titres de participations et, par suite, l’application du régime d’exonération des PVLT.