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Recapitalisation avant cession : quelle qualification retenir pour les titres souscrits ?

La CAA de Paris semble admettre, sur le plan des principes, l’extension de la jurisprudence « Crédit Agricole » de 2019, aux sociétés ne relevant pas du secteur bancaire.

Rappel

Constituent des titres de participation certains titres expressément visés par la loi fiscale, ainsi que les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable, c’est-à-dire ceux dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle.

Cette définition, initialement retenue par le PCG de 1982, a été reprise et précisée par le juge de l’impôt (notamment CE, 20 octobre 2010, n°314247, Sté Alphaprim et n°314248, Sté Hyper Primeurs, CE, 20 mai 2016, n°392527, Selarl L ou, plus récemment, CE, 22 juillet 2022, n°449444, Areva).

Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration indique que les critères caractérisant les titres de participation, qui reposent, pour une large part sur les objectifs poursuivis par l’actionnaire lors de leur achat, s’apprécient donc à la date d’acquisition initiale des titres.

Elle précise, à cet égard, que tout actif ayant vocation à être cédé à terme, un projet de cession d’une participation ne constitue pas, en soi, un événement susceptible de remettre en cause l’intention ayant présidé à l’acquisition initiale. Ainsi, l’Administration considère qu’en cas de recapitalisation d’une filiale avant sa cession à plus ou moins brève échéance, les titres nouvellement émis et acquis reçoivent la même nature de titres de participation que l’ensemble des titres déjà détenus au sein de la filiale (BOI-BIC-PVMV-30-10, 3 mai 2017, § 98).

Le Conseil d’État a toutefois récemment retenu une approche différente, dans une décision Crédit Agricole très remarquée (CE, 8 novembre 2019, n°422377). Il y a ainsi jugé que la qualification comptable de titres de participation donnée aux titres d’une société détenus par un établissement de crédit ne faisait pas obstacle, par elle-même, à ce que les titres acquis postérieurement au sein de cette même société puissent recevoir une qualification comptable différente, en fonction de l’intention de l’acquéreur à la date de leur achat ou de leur souscription.

Pour autant, cette décision a été rendue dans un contexte d’application de la règlementation comptable propre aux établissements bancaires et dérogatoire au PCG, et après consultation de l’ANC.

La question de sa transposition aux entreprises industrielles et commerciales qui relèvent du PCG divise, à ce jour encore, auteurs et praticiens.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la décision de la CAA de Paris.

La décision de la CAA de Paris

A l’automne 2013, une société recapitalise deux de ses filiales, avant de liquider l’une et d’absorber l’autre, moins de 2 ans après les opérations de recapitalisation. Elle déduit les moins-values à court terme subies à cette occasion de son résultat imposable 2015.

L’Administration a toutefois remis en cause cette déduction sur le terrain des dispositions de l’article 39 quaterdecies, 2 bis du CGI. Pour mémoire, ce dispositif limite la déduction des moins-values résultant de la cession, moins de 2 ans après leur émission, de titres de participation reçus en contrepartie d’un apport, lorsqu’à la date de leur émission, les titres reçus avaient une valeur réelle inférieure à la valeur d’inscription en comptabilité.

Devant la CAA, la société contestait le redressement sur 2 fondements différents.

Premièrement, elle arguait que les dispositions de l’article 39 quaterdecies, 2 bis s’appliquaient uniquement aux moins-values subies à l’occasion d’une « cession » stricto sensu, et non en cas de fusion ou de liquidation.

La Cour balaye l’argument, en retenant – de manière classique – une appréhension large de la notion de « cession ». Elle juge que, pour l’application du dispositif, les opérations de fusion ou de liquidation de sociétés sont assimilables à une cession, dès lors qu’elles se traduisent par un transfert de l’actif social de la société absorbée ou liquidée (en ligne avec les commentaires administratifs, voir BOI-BIC-PVMV-30-30, 3 mai 2017, § 60).

Deuxièmement, la société contestait l’application du dispositif – applicable, on le rappelle aux seuls titres de participation – au motif que les titres émis en contrepartie de l’augmentation de capital de ses deux filiales correspondaient, non pas à des titres de participation, mais à des titres de placement (alors même que les titres émis préalablement à ces augmentations de capital avaient été comptabilisés en tant que titres de participation).

Autrement dit, elle demandait, implicitement, la transposition de la décision Crédit Agricole à son cas.

La Cour rappelle d’abord la définition comptable de titres de participation, ainsi que le fait que le critère d’utilité peut notamment être caractérisé si les conditions d’achat des titres révèlent l’intention de l’acquéreur d’exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d’exercer une telle influence.

Elle juge ensuite, de manière nouvelle, que « les titres émis ultérieurement par la même société ne peuvent recevoir une qualification comptable différente, dès lors qu’à la date de leur souscription, l’acquéreur entend conserver le contrôle de la société jusqu’à sa disparation, par absorption ou par liquidation ou jusqu’à la cession du contrôle à un tiers ».

Elle écarte la qualification de titres de placement en l’espèce, en relevant que :

Cette décision (en l’absence des conclusions du rapporteur public, non disponibles à ce jour) soulève plusieurs interrogations.

D’abord, on notera que la Cour ne semble pas écarter, sur le plan des principes, une extension plus générale de la décision Crédit Agricole, puisqu’elle accepte de se placer à la date d’émission des nouveaux titres pour apprécier les intentions de la société souscriptrice.

Ensuite, on peut être étonné que, pour se prononcer sur la qualification des titres litigieux lors de la souscription, la Cour ne se soit intéressée qu’au critère du contrôle – et non à ceux de l’utilité et de la possession durable, qui, au cas d’espèce (liquidation et absorption à brève échéance), auraient probablement été moins aisément considérés comme réunis.

Un pourvoi ayant été formé, on attendra que le Conseil d’État se prononce et vienne mettre fin au débat.

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